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CENTRE INTERNATIONAL DE DROIT COMPARE DE L’ENVIRONNEMENT

 

32, Rue Turgot

87 000 Limoges

  

LE  CONTENTIEUX DES INONDATIONS :

 

LES RESPONSABILITES

 

 

 

 

 

Etude réalisée pour le compte du

 

Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement

Direction de l’Eau

 

20 Avenue de Ségur

75 302  Paris 07 SP

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Etude conduite sous la direction de :

 

 

Monsieur Bernard  DROBENKO,                 Maître de Conférences,

Membre du CRIDEAU-CNRS/INRA UPRESA 60.62

Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Limoges

 

 

 

Chargés d’étude :

 

Mademoiselle Laurence  LE  CORRE

        Monsieur   Sylvain   LAMOTHE

 

 

DECEMBRE 1999



 

PLAN SOMMAIRE GENERAL

 

 

 

 

 

N°                                                                                                                                           PAGES

 

1                      Glossaire                                                                                                                   5

 

 

2                      Synthèse                                                                                                                   8

 

 

3                      Fiches de jurisprudence                                                                                            46

 

 

4                      Index                                                                                                                     201

Bibliographie                                                                                                        206

 

 

5                      Plan général détaillé                                                                                        210



 

Glossaire

 

Fait du tiers : comportement d'une personne publique ou privée ayant un rôle causal (fautif ou non) et contribuant au dommage.

 

Faute simple (droit administratif) : la faute est constituée par le manquement à une obligation de la puissance publique, des collectivités territoriales locales, des services déconcentrés de l’Etat et de leurs agents. Généralement le juge énonce ce type de faute simple par la formule suivante : “ faute de nature à engager la responsabilité. ”

 

Faute lourde : faute d’un degré de gravité supérieur à la faute simple qui est toujours qualifiée par le juge pour les distinguer entre elles et insister sur le caractère fautif de l’acte ou de l’activité ( parfois l’abstention) de la puissance publique.

 

Faute de la victime : seule une faute commise par elle est de nature à faire considérer qu’elle a contribué à la réalisation du dommage. Cette faute atténue la responsabilité du défendeur.

 

Force majeure : est constitutif d’un cas de force majeure l’événement présentant les trois caractères suivants : extériorité (par rapport au défendeur), imprévisibilité (dans sa survenance) et irrésistibilité (dans ses effets).

 

Crue : phénomène naturel des hydrosystèmes fluviaux de nature correspondant à une montée du niveau d’eau au-dessus de son niveau moyen et pendant laquelle un cours d’eau sort de son lit et envahit sa plaine d’inondation.

 

Plan simple de gestion : programme pluriannuel (5 ans éventuellement renouvelables) d’entretien et de gestion soumis à l’agrément du représentant de l’Etat dans le département par tout propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial et toute association syndicale de propriétaires riverains. Ce plan comprend un descriptif de l’état initial du cours d’eau, de son lit, des berges, de la faune et de la flore. Un programme annuel de travaux d’entretien et de curage, et si nécessaire, un programme de travaux de restauration précisant les techniques employées et les conséquences sur l’environnement, un plan de financement de l’entretien (articles 121 et suivants du code rural).

 

Police administrative : ensemble des moyens juridiques et matériels mis en œuvre par les autorités administratives compétentes en vue d’assurer, de maintenir ou de rétablir l’ordre public, certaines missions ont un caractère spécial par le domaine auquel elles s’appliquent.

On distingue la police administrative générale chargée du maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publique des polices administratives spéciales applicables à telle ou telle activité (code rural, police des cours d’eau…).

 

Inondation : phénomène résultant du débordement des cours d’eau, notamment en période de crue.

 

Plaine d’inondation (ou plaine alluviale) : territoire jouant un double rôle en assurant une régulation du débit. La plaine stocke l’eau en période de crue et la restitue à l’écosystème lotique en alimentant son ou ses chenaux le reste du temps.

 

Responsabilité pour faute : obligation de répondre d’un fait dommageable fautif devant la justice et d’en assumer les conséquences administratives, civiles, pénales.

Ce régime de responsabilité est déclenché à l’occasion d’une faute commise par la puissance publique (voir supra faute simple et faute lourde) ou lors de la survenance d’un dommage subit par un usager d’un ouvrage, du domaine ou d’un service public.

 

Responsabilité sans faute, pour risque : hypothèse où le dommage est le résultat de la réalisation d’un risque et où le juge administratif a estimé juste ou équitable que l’existence d’un risque de dommage provoque l’institution d’un régime de responsabilité adapté.

 

Usager : celui qui a recours à un service public ou utilise le domaine ou un ouvrage public (digue, barrage, route…)

Tiers victime d’accident d’ouvrages ou travaux publics : toute personne ne profitant pas de l’ouvrage ou des travaux et subissant un dommage.

 

Sources :                G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 1987.

R. Chapus, Droit administratif général, Paris, Monchrestien, tome 1, 10éme édition, 1996.

F. Ramade, Dictionnaire encyclopédique de l’eau, Ediscience internationale, 1998.


 

Chapitre liminaire, présentation

 

            Face à l’intervention désormais récurrente des inondations, l’identification des responsabilités qui peuvent le cas échéant en résulter constitue une interrogation majeure.

 

            Si des études ont pu être entreprises sur les risques naturels[1], les développements relatifs au risque “ inondations ” s’inscrivent dans un dispositif d’ensemble et leur appréciation apparaît en tout état de cause insuffisante. Les approches développées révèlent en revanche un aspect du contentieux qui en résulte[2].

 

            Les enjeux que présentent désormais les inondations imposent de préciser les responsabilités des divers acteurs intervenant sur un territoire. C’est la raison pour laquelle la Direction de l’eau, la sous – direction de la coordination et de la réglementation de l’eau du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, a souhaité dresser un rapide bilan du contentieux de la responsabilité au regard des inondations, en demandant au Centre International de Droit Comparé de l’Environnement (CIDCE) de procéder à une étude de jurisprudence en matière de responsabilité dans le domaine des inondations, référencée par la lettre de commande n°22/99, ref. DE/GE/BPIDPF/DL.

 

            Nous retiendrons succinctement les éléments essentiels :

 

-                                 objet de l’étude : la commande porte sur l’identification et l’analyse des décisions significatives de jurisprudence intervenues au cours des quinze dernières années en matière d’inondation et portant sur des questions de responsabilité, soit directement soit indirectement. L’objectif est aussi d’observer, ce faisant, l’état des lieux et les tendances du droit en la matière,

 

-                                 méthodologie : au-delà des décisions fournies par le Ministère lui-même, le CIDCE a procédé à la recherche des décisions intervenues en la matière au niveau des juridictions majeures (Conseil d’Etat et Cour de Cassation), au niveau de deux ou trois juridictions d’appel (Cour Administrative d’Appel et Cour d’Appel) et au niveau de quatre ou cinq juridictions de première instance (tribunaux administratifs, de police ou correctionnels). A partir de ces sources d’information le CIDCE a développé une analyse des décisions par grands thèmes en dégageant les tendances actuelles ou immédiatement prévisibles. Une synthèse permet  d’identifier les enjeux majeurs en termes de responsabilités.

Au delà de la synthèse, un bref glossaire et un index renforcent la lisibilité du dossier ;

 

-                                 durée de l’étude : du 8 septembre 1999 au 15 décembre 1999 pour l’essentiel du

 dispositif. Une réunion d’étape, intervenue le 27 octobre 1999 a conduit le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, Direction de l’Eau, à valider le schéma général du rapport présenté, la durée de l’étude ayant imposé de limiter les recherches et l’analyse à l’essentiel.

 

 

Cette étude a été développée au carrefour de ces questions majeures que sont les conditions d’interventions des inondations et les possibilités de mise en œuvre de la responsabilité de chacun des acteurs susceptibles d’intervenir sur le milieu aquatique. A partir de l’analyse d’un ensemble de décisions de jurisprudence (plus de deux cent), nous avons cherché à identifier les conditions d’appréciation de la responsabilité des divers intervenants, les juridictions s’attachant à préciser ceux qui ont contribué directement ou indirectement à la réalisation du dommage et à les solliciter de ce fait  pour la réparation.

 

 

 

PLAN DE LA SYNTHESE

 

 

Introduction                                                                                                                  10

 

Chapitre 1 L’intervention évolutive du juge administratif                                                 12

 

            S 1. La nature des responsabilités                                                                     12

 

                        1- Les faits générateurs                                                                        12

                        a - la responsabilité pour faute simple et la présomption de faute           12

                        b – la responsabilité pour faute lourde                                                   13

                        c – la responsabilité sans faute, pour risque                                           18

 

                        2 – Les atténuations de responsabilité                                                   19

                        a – la force majeure                                                                             19

                        b – le fait du tiers ou de la victime                                                         22

 

S 2. L’imputabilité du dommage                                                                                              23

 

                        1 – la persistance des solutions classiques                                            23

                        a – l’Etat, les collectivités locales, les entreprises publiques                   23

                        b - les personnes privées                                                                    24

 

                        2 – l’extension du partage des responsabilités                                      24

                        a – entre personnes publiques                                                             24

                        b – entre personnes publiques et privées                                              25

 

Chapitre 2   L’affirmation de l’action judiciaire                                                             27

 

            S 1. De la réparation…                                                                                   27

 

                        1 - la compétence du juge judiciaire                                                     27

                        a - le principe de répartition des compétences                                      27

                        b - illustration                                                                                      28

 

                        2 - la mise en œuvre de la responsabilité civile des personnes

publiques ou des agents de l’Etat 29

                        a - la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle            30

                        b - application en matière d’inondations                                              30

 

 

 

S 2. … à la sanction                                                                                                   33       

 

                        1 - les personnes pénalement responsables                                         34

                        a - les personnes physiques                                                                34

b - les personnes morales de droit public                                                                    35

 

                        2 - les éléments de mise en jeu de la responsabilité pénale                  36

                        a - l’élément légal de l’infraction : les incriminations                             36

                        b - l’élément matériel de l’infraction : les faits reprochés                      41

                        c - l’élément moral de l’infraction                                                       42

 

Conclusion                                                                                                                44

 


 

Introduction

 

Le droit de l’eau s’inscrit aujourd’hui dans un cadre international, communautaire, législatif et réglementaire précisément défini. Progressivement des principes directeurs se sont imposés. Ainsi, qu’il s’agisse de la Convention de New-York[3], des traités et du droit dérivé communautaire[4] ou de la loi sur l’eau modifiée par la loi sur le renforcement de la protection de l’environnement[5], toute approche des ressources aquatiques s’inscrit désormais dans le cadre du développement durable[6]. La question de l’eau impose elle-même la définition de principes directeurs spécifiques[7].

C’est bien dans ce contexte global qu’il est nécessaire d’apprécier la question des inondations et des responsabilités qui résultent de leurs interventions.

Ainsi, aux termes de l’article 2 de la loi sur l’eau [8], la gestion équilibrée de la ressource constitue un objectif central, visant, entre autres à assurer un ensemble d’objectifs essentiels dont la préservation des écosystèmes est le premier, “ de manière à satisfaire ou à concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences… de la conservation du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ”.

 

Les inondations apparaissent avant tout comme un phénomène naturel résultant de l’évolution du niveau des eaux selon les saisons. Plusieurs éléments peuvent rendre ce phénomène naturel exceptionnel, voire même lui conférer un caractère de gravité au regard de l’atteinte aux personnes elles-mêmes ou aux biens. C’est ce type d’impact qui conduit à désigner comme catastrophes naturelles des inondations amplifiées par des causes naturelles ou par des circonstances liées à l’implantation des humains ou à leurs activités. Comme le souligne l’IFEN, “  l’action anthropique sur l’occupation des sols et l’aménagement des lits a une influence sur la formation des crues ”[9].

Selon un rapport publié en 1999, les inondations touchent près de 10% du territoire national ; cependant “  des lacunes de connaissances subsistent qui justifient d’entreprendre et de poursuivre des recherches ”[10]. Selon les mêmes sources, les inondations constituent  l’aléa dont la manifestation est la plus fréquente dans notre pays.

Une fois l’événement intervenu, la réparation des dommages et la remise en état des lieux dont le coût tend à s’accroître[11], imposent de rechercher le niveau d’intervention des divers acteurs susceptibles d’être responsables ou d’avoir contribué à la réalisation du dommage, afin de les faire participer à la réparation.

Le phénomène inondations  révèle ici toute sa complexité, tant les acteurs sont multiples sur un territoire, et nombreuses les possibilités de mise en cause de leurs responsabilités. Cette complexité est renforcée par la diversité des régimes de responsabilité dont notre droit est porteur.

 

Le contentieux des inondations, sous l’aspect de la responsabilité, impose d’énoncer le concept au pluriel. Il n’existe pas en effet un régime unique de responsabilité dans notre droit français. Les développements relatifs à la responsabilité en matière d’inondation s’inscrivent très précisément dans cette complexité.

Tout d’abord, à partir de l’identification d’une possible saisine des deux ordres de juridictions, administratif et judiciaire, il était nécessaire de bien distinguer les conditions d’intervention du contentieux au regard du problème posé. C’est la raison pour laquelle les développements sont articulés autour de deux parties. En effet, la réponse à la question posée impose une double démarche intégrant les spécificités de chacun et  les caractéristiques des évolutions significatives intervenues en matière d’inondations.

Ainsi, en droit administratif, le contentieux de la responsabilité en matière d’inondations semble s’inscrire dans un mouvement d’ensemble permettant d’identifier des évolutions tant au regard de la nature des responsabilités qu’à l’imputabilité des dommages, il en résulte une intervention évolutive du contentieux administratif (I). Cependant, la réparation et la sanction relèvent de plus en plus fréquemment de la saisine des juridictions civiles, d’où l’affirmation de l’action judiciaire comme mode de régulation du contentieux des inondations (II).

 

 

 

 

 

 


 

 

Chapitre 1 – L’intervention évolutive du juge administratif 

 

            En matière d’inondations, le contentieux des responsabilités impose l’intervention du juge administratif pour l’ensemble des aspects intéressant autant les mesures préventives que la réparation. D'un point de vue pratique, ces interventions conduisent d’abord à identifier la nature de la responsabilité engagée  avant d’évoquer l’imputabilité du dommage.

 

Section 1 – La nature de la responsabilité :

 

            La mise en œuvre de la responsabilité dans le domaine des inondations s’inscrit dans un contexte global du contentieux de la responsabilité en droit administratif. De ce point de vue, le caractère évolutif de ce contentieux résulte de la prise en considération par les juridictions administratives autant de l’accroissement et de la diversification des interventions publiques, notamment dans le cadre de la décentralisation, que de la nécessité de mieux identifier les responsabilités elles-mêmes. L’Etat, ses délégataires-gestionnaires, parfois les collectivités locales sont des propriétaires ayant des obligations d’entretien de leur patrimoine, mais ce sont aussi des acteurs de la police générale ou spéciale, et ils ont à cet égard des obligations susceptibles d’engager leur responsabilité.

L’étude conduit donc à distinguer les conditions d’intervention des inondations, préalables à l’identification des responsabilités, l’appréciation des faits générateurs étant à ce titre déterminante, mais également à prendre en considération les éléments qui, au cas par cas, contribuent à exclure ou à atténuer la mise en œuvre des diverses hypothèses de responsabilité.

 

            1 – les faits générateurs :

 

            La mise en œuvre de la responsabilité des personnes publiques impose la réalisation de trois conditions fondamentales : l’existence d’un dommage, un fait générateur et l’imputation du dommage à une personne publique. En matière d’inondations le fait générateur est déterminant. Les diverses hypothèses de contentieux analysées révèlent qu’il détermine précisément la nature de la responsabilité engagée.

 

Ce faisant, selon l’action ou les décisions des autorités publiques qui sont en cause, le régime de responsabilité  sera différent : le mécanisme de la responsabilité sera déclenché au motif d’une faute simple ou d’une faute lourde.

 

 

 

a) la responsabilité pour faute simple et la présomption de faute :

 

            En droit public, la responsabilité pour faute constitue le régime de droit commun de l’engagement de la responsabilité d’une personne morale de droit public. Le fait dommageable doit être fautif.

            En matière d’inondation, les responsabilités engagées sur le fondement de la faute sont à différencier selon la nature du fait qui les a générées ou aggravées. Il faut bien distinguer la faute simple lorsque le dommage est la conséquence d’un acte illégal (en matière de police, par exemple) de la présomption de faute lorsque ce dommage a pour origine le fonctionnement anormal d’un ouvrage public, ce qui apparaît comme un régime plus favorable aux victimes. Cette distinction est importante.

            Lorsque la victime est usager de l’ouvrage public, la présomption de faute est nécessaire pour engager la responsabilité de l’administration[12]. La charge de la preuve est supportée par l’auteur du dommage qui doit prouver que son comportement n’a pas été anormal [13]. Ce cas de figure concerne généralement les riverains de cours d’eau qui ont la qualité de bénéficiaires lorsque les travaux de curage et d’entretien, qui ont été entrepris, sont insuffisants ou bien ont été mal effectués [14], ou bien encore pour les usagers de réseaux d’évacuation des eaux pluviales[15].

Si une faute simple a été commise, la charge de la preuve appartient à la victime. Le régime de réparation pour faute simple oblige le demandeur à établir le caractère fautif de l’acte et il s’agit généralement des activités courantes de l’administration telles que la prescription de mesures de police. Par exemple, la faute simple est retenue dans l’exercice de la police de l’urbanisme lorsqu’il qu’il s’agit de la délivrance d’un permis de construire[16], d’une autorisation de lotir, un retard dans l’élaboration d’un plan d’exposition aux risques[17].

 

b) la responsabilité pour faute lourde

 

La faute lourde est caractérisée par une faute manifeste et d’une particulière gravité, voire exceptionnelle. Elle constitue un degré supplémentaire dans la recherche d’une action fautive de l’administration. Elle exige une action ou une inaction grave compte tenu de la difficulté de sa mission, des moyens à sa disposition. L’exigence d’une faute lourde est requise également lorsque l’administration n’a aucune obligation légale pour intervenir, comme c’est le cas pour l’entretien et le curage de cours d’eau non domaniaux.             La responsabilité en matière d’inondation n’échappe pas à cette tendance générale du contentieux de la responsabilité qui conduit à restreindre le champ de son intervention. Comme le souligne un auteur “ actuellement toutefois, et en dépit de leur pertinence, ces considérations s’effacent dans certains cas devant la préoccupation de protéger le plus pleinement possible les intérêts des administrés, ce qui est du reste une caractéristique générale de l’évolution contemporaine du droit administratif ”[18]. Cependant, nous constaterons qu’en matière d’inondations, cette évolution doit être nuancée.

a - Entretien et curage des cours d’eau non domaniaux :

 

La possibilité offerte aux victimes d’inondations de demander des indemnités à l’administration en cas de défaut d’entretien et de curage d’un cours d’eau non domanial est admise depuis longtemps.

En pratique l’administration se voit contrainte d’intervenir si “ les travaux présentent un caractère indispensable dans un intérêt public [19] ”. Pendant longtemps le juge s’est refusé à reconnaître un tel manquement de l’administration [20], considérant qu’il s’agit d’une prérogative des riverains, des associations syndicales de riverains ou des syndicats intercommunaux compétents. L’intervention du préfet doit garder un caractère exceptionnel.

 

De ce point de vue, les décisions des juridictions font apparaître des évolutions ne permettant pas d’énoncer un régime très stabilisé de responsabilité. En effet, une décision qualifie de faute simple l’abstention de l’Etat pour prendre des mesures nécessaires pour assurer le respect de la réglementation qu’il avait édictée[21].

Plus récemment, plusieurs décisions exigent une faute lourde. Ainsi, après un premier jugement du tribunal administratif de Marseille[22], un arrêt du Conseil d’Etat  du 10 juin 1994[23] fait état d’une faute lourde commise par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Le jugement du tribunal administratif fait apparaître en l’espèce qu’un arrêté du 13 janvier 1961 avait prescrit aux riverains de procéder au curage des cours d’eau sous leur responsabilité. Mais cette mesure s’est révélée insuffisante puisque des inondations sont survenues le 7 octobre 1977 à La Ciotat. Il est reproché à l’Etat de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour “assurer le libre écoulement des eaux, comme lui en faisaient obligation les articles 103 et 115 du code rural ”.

 

Des décisions plus récentes confirment cette tendance à retenir la responsabilité de l’Etat en cas d’inaction[24] même en présence d’une association syndicale missionnée pour procéder à l’entretien du cours d’eau (le curage restant à la charge de l’Etat)[25].

            La décision Société Spie Batignolles est intéressante dans sa rédaction car elle précise le degré d’inaction de l’administration induisant une faute lourde. Selon la cour d’appel, les travaux de curage présentaient un caractère indispensable et auraient du être effectués à temps, sans retard.

 

De ce fait, le principe de la réalisation d’une faute lourde n’est pas remis en cause en matière de curage et entretien des cours d’eau non domaniaux, même si certaines décisions admettent qu’un tel manquement serait constitutif d’une faute simple comme l’atteste ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 1997[26] : “ Considérant qu’il résulte que le préfet de l’Ardèche a pris l’initiative de la création du syndicat intercommunal d’aménagement de l’Ouvèze (…) que dans le cadre de ses missions le syndicat intercommunal a procédé à divers travaux d’entretien du cours d’eau (…) : que, dans ces conditions, le préfet de l’Ardèche ne s’est pas abstenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la réglementation qui est prévue par les dispositions de l’article 103 du code rural en vertu duquel il incombe à l’Etat d’assurer la police des cours d’eau et en particulier de veiller à leur curage ; (…) qu’il suit de là que la société La compagnie d’assurance Cigna et la société Proud ne sont pas fondées à soutenir que le préfet de l’Ardèche a commis une faute de  nature à engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

            b - entretien et curage des cours d’eau domaniaux

 

,           Nous constatons que le régime de responsabilité pour faute lourde est appliqué de manière identique .

La décision la plus ancienne analysée révèle de graves négligences de l’Etat qui non seulement n’avait pas procédé au curage de la Vilaine depuis de nombreuses années mais avait surtout laissé subsister 250 piliers en ciment supportant un parc de stationnement sans mesure compensatoire pour faciliter l’écoulement des eaux [27].

 

Cependant, nous devons noter que les juridictions développent une approche plus pragmatique. En effet, l’appréciation des responsabilités repose sur la détermination de limites minimales et maximales dans lesquelles l’Etat doit curer un cours d’eau [28]. A la lecture de la décision Ministre de l’environnement c/ SA Renault il apparaît que ces travaux “ se limitent aux travaux nécessaires pour maintenir la capacité naturelle d’écoulement du cours d’eau ” sans toutefois qu’ils “s’étendent (…) aux travaux ayant pour objet d’accroître cette capacité ”. De même, ces travaux ne doivent pas “s’opposer, dans l’intérêt des riverains, aux mouvements naturels du lit ”.

 

c - Police générale du maire et du représentant de l’Etat :

 

            La détermination du régime de responsabilité des collectivités intervenant sur la base de leur pouvoir de police générale[29] est complexe. S’il est possible d’inscrire la problématique des risques naturels dans la summa divisio classique du mécanisme de la responsabilité administrative, il est difficile de la réduire à des principes généraux et concis. D’aucuns considèrent même que le juge s’attache moins à la base légale qui décide de la nature de la faute qu’à l’appréciation des circonstances de chaque espèce[30].

 

Cette analyse est valable pour les inondations mais il est néanmoins possible de rapprocher les décisions d’un schéma classique :

-                                 en premier lieu, le Conseil d’Etat distingue selon que les actes de l’administration relèvent d’une activité juridique courante (comme simple exercice de son pouvoir réglementaire) ou bien s’il s’agit d’une intervention de terrain[31].

A partir de cette première subdivision nous sommes en mesure de conclure que le régime de la faute simple s’applique en ce qui concerne l’activité de prescription de mesures de prévention ou de lutte contre les inondations (a) et la faute lourde pour l’exécution matérielle des mesures de police (b).

 

-                                 (a) concernant la prescription de mesures de prévention ou de lutte contre les inondations, le juge considère qu’est constitutive d’une faute simple une abstention du maire dans la prescription de mesures préventives de police[32].

Si la commune a élaboré un “ plan de défense contre les inondations ”, le juge observe si aucune action fautive n’a été commise sur le terrain de la faute simple [33].

 

-                                 (b) les activités matérielles, constitutives d’une faute lourde tant pour l’Etat que les communes, concernent de manière constante les services d’annonce des crues[34], la réalisation de travaux d’entretien et de curage en cas d’urgence[35].

 

En conclusion, l’exigence de la faute lourde est encore caractéristique dans le cadre des mesures de police générale du maire et du préfet. En effet, la difficulté d’intervenir en cas d’inondation conduit le juge à exiger une faute lourde en général, sauf dans les seuls cas de l’activité de prescription de mesures préventives de police[36].

Mais par exception et selon les circonstances de chaque espèce, le régime de la faute lourde supplantera celui de la faute simple pour la prescription de mesures de police préventive[37].

Inversement, la carence du maire pour intervenir en cas de péril imminent serait parfois constitutive d’une faute simple et non plus d’une faute lourde[38].

 

Comme le résume justement Erwan le Cornec : “ Il convient aujourd’hui d’être moins regardant dans le cas de situations difficile, complexe ou imprévisible que dans celui où l’autorité de police a eu tout le loisir d’évaluer les risques et de prendre des mesures de police, dictées par le bon sens, pour en prévenir les effets préjudiciables. De surcroît, il n’est pas rare que le juge administratif relève une faute lourde là où une faute simple aurait suffit, essentiellement pour des raisons pédagogiques à l’égard de la collectivité publique fautive. L’intention du juge est alors d’insister encore plus “ lourdement ” sur la gravité de la faute. La notion de faute lourde perdrait en signification et en contenu juridique, tout en gagnant en signification pratique (…) En somme, le pragmatisme l’emporterait sur un juridisme qui voudrait que l’on fit a priori application de catégories juridiques de façon rigide, alors que ce sont les faits eux-mêmes qui doivent commander l’usage empirique, autrement dit a posteriori, de ces dernières”.

 

       c) la responsabilité sans faute pour risque :

 

            C’est essentiellement l’intervention d’un dommage qui conduit ici à engager la responsabilité des personnes concernées, en dehors de tout acte ou fait fautif, voire même de toute abstention. Ce régime est applicable aux  dommages causés aux tiers d’ouvrages publics.

 Ce régime est le plus favorable à la victime qui doit simplement prouver le caractère anormal du dommage, lequel est caractérisé dès lors qu’il excède les inconvénients normaux de voisinage. Il lui suffit d’établir la relation de cause à effet entre l’ouvrage et le dommage et la victime doit être en mesure d’évaluer son préjudice.

 

En matière d’inondation ce principe ne pose pas de difficulté majeure et est très largement illustré par la jurisprudence : dommage résultant de l’infiltration d’eau dans un immeuble placé en contrebas de la chaussée[39], effondrement d’un immeuble dont les fondations ont été inondées par suite de l’exécution d’un travail public[40], inondation d’un immeuble ayant pour origine le refoulement des eaux d’égout à la suite de travaux effectués par la ville[41], rupture accidentelle d’une canalisation[42].

 

Par “ travaux publics ” il faut entendre aussi les obligations d’entretien et curage des cours d’eau non domaniaux dont les imperfections ou les absences sont à l’origine d’inondation :

 

- dommage résultant de travaux de curage ayant eu pour conséquence d’accélérer substantiellement la vitesse des eaux en cas de crue[43], travaux ayant modifié les conditions d’écoulement des hautes eaux[44], travaux de curage ayant entraîné le débordement d’une rigole[45] ;

- dommage résultant d’un défaut de curage et d’une insuffisance de faucardement d’une rivière par un syndicat intercommunal compétent (le syndicat est responsable d’un tiers du dommage)[46] ;

- dommage causé par un manquement d’une association syndicale n’ayant ni entretenu ni curé une rivière depuis plus de 4 ans[47].

 

(attention : ce régime de réparation est à distinguer du régime de réparation pour faute lourde en cas de carence de l’administration dans l’exécution de mesures de police des cours d’eau.)

 

 

- enfin, les dommages peuvent résulter de la présence même de l’ouvrage public dont les vices de conception[48], les défauts d’entretien[49], les dysfonctionnements[50] affectent le voisinage.

 

            2 – les atténuations de responsabilités :

 

            La réalisation des inondations ou leur aggravation, comme la détermination des dommages peuvent aussi résulter de l’intervention d’éléments extérieurs aux personnes compétentes en matière d’entretien, de surveillance ou de gestion des milieux aquatiques.

 

            Dans certaines hypothèses, de plus en plus rares, l’imputation de la responsabilité d’une collectivité est impossible par l’intervention par exemple d’une force majeure, tandis que sont de plus en plus pris en considération le fait du tiers ou de la victime elle-même.

 

a) la force majeure :

 

            Parmi les causes extérieures à l’événement qui contribuent à atténuer ou à exclure le régime de responsabilité, figure la force majeure. Celle-ci est définie, selon une formulation classique par trois éléments : les caractères de l’imprévisibilité, de l’extériorité (par rapport au défendeur) et de l’irrésistibilité (dans ses effets) [51].

 

            Si la condition d’extériorité ne pose pas de problème, la condition d’irrésistibilité est caractérisée par l’intensité, la durée et la soudaineté de l’événement[52].

 

La condition d’imprévisibilité est essentielle dans le contentieux des risques naturels. Au vu de la jurisprudence parfois contradictoire, il est difficile aujourd’hui de dessiner les contours de cette notion soumise à l’appréciation souveraine du juge et que les considérations propres à chaque espèce rendent encore plus sujette à interprétation.

            Pour le risque inondation, l’imprévisibilité constitue cependant un aspect essentiel de son appréciation. La doctrine s’accorde néanmoins pour souligner son net recul pour au moins deux raisons précises :

            - la somme des moyens techniques à la disposition des autorités rend le risque de plus en plus prévisible[53].

            - le rôle même de l’administration est d’assurer la mémoire des événements et de prendre des mesures préventives pour éviter une répétition des sinistres [54].

            L’adage selon lequel administrer c’est non seulement prévoir, mais c’est aussi se souvenir trouve à s’illustrer ici.

 

            Pour notre part, l’examen de la force majeure au regard de la jurisprudence en notre possession permet d’illustrer la grille d’analyse dégagée par P. Planchet  et de corroborer la qualité de standard de la force majeure, selon un critère :

 

- d’intensité :

Ce critère n’est pas sans poser de problème d’appréciation car il est difficile de retenir des paramètres fiables pour mesurer l’intensité d’un événement par rapport à un précédent : doit-on considérer la hauteur des précipitations, leur durée, le débit des cours d’eau, le volume de la crue ?.

Pourtant ce critère est primordial lorsqu’il s’agit de comparer des événements qui se sont déroulés dans une même région et de tirer les conséquences des intempéries par rapport aux précédents.

Généralement, les formules utilisées sont “ malgré leur importance et leur intensité exceptionnelle ”, “ en raison de leur violence et de leur intensité exceptionnelle ”  et sont considérées la “ violence anormale ” de l’événement, son “ importance exceptionnelle ” ou sa “ rapidité et sa brutalité ”.

Par exemple, sont qualifiées comme telles des averses provoquées par un cyclone dans l’île de la Réunion [55],  dans le département du Gers[56] ou de l’Ardèche[57] qui ont alors la qualité de force majeure.

 

-                                 temporel :

La recherche d’un événement précédent similaire est un critère fiable pour écarter l’imprévisiblité.

La formule énoncée par le commissaire du gouvernement Braibant en 1962 selon laquelle “ la leçon d’un siècle doit être valable pour le suivant ” semble s’inscrire dans la durée puisque le juge peut remonter à plus de 100 ans[58] pour retrouver des cas d’inondation voire 150 ans[59] dans une décision récente et rejeter la force majeure.

Mais a contrario, la force majeure a été admise pour des intempéries dont les précédents remontent à plus de 100 ans[60].

 

Parfois le juge s’en tient aux événements les plus récents, sur 8 ans[61], 15 ans[62], ou 24[63] ou bien ne se réfère à aucun événement antérieur.[64]

 

Si une rivière a déjà été l’objet de crues, la périodicité du précédent est encore plus convaincante pour refuser la force majeure[65].

 

- géographique :

Ce critère a été dégagé par l’arrêt de principe Commune de Vierzon[66]. Il permet de comparer des pluies “ par rapport à tous les précédents connus dans la région ”. Cet arrêt a été confirmé par les décisions Descloîtres [67] et Consorts Boyers [68].

 

Les juridictions emploient généralement les termes de “ même endroit ”, “ le même lieu ”, ou bien “ dans la même zone ”.

 

Mais, quand bien même la force majeure serait retenue, l’exonération de la puissance publique n’est possible que si aucun ouvrage n’a accentué le dommage[69], on se trouve dans une situation paradoxale où une collectivité doit réparer les conséquences d’un événement de force majeure, donc par définition imprévisible et irrésistible[70].

 

Enfin, le classement administratif “ d’état de catastrophe naturelle ” n’induit pas la qualification de la force majeure[71].

 

            b) le fait du tiers ou de la victime :

 

            Le fait du tiers ou de la victime conduit à prendre en considération un acte ou un comportement qui favorise ou aggrave la réalisation du dommage. Les conditions de la responsabilité sont bien réunies mais des éléments vont conduire à en nuancer la portée.

Ainsi, les comportements des victimes peuvent amoindrir la responsabilité de l'administration lorsqu'elles ont commis une faute, dans la mesure de leur contribution au dommage. Ce principe est la simple application du “ devoir de prévoyance ” rappelé par J.M. Pontier, selon lequel il appartient à chacun, particulier comme personne publique, de n’être ni imprudent, ni négligent et de se prémunir contre les risques normalement prévisibles en prenant les mesures nécessaires[72].

 

Le fait du tiers est parfois un argument d’atténuation de la responsabilité de l’Etat. Il faut noter au sujet des inondations causées par la voirie que le fait du tiers n’est, par principe, jamais exonératoire, mais pour des raisons d’équité le juge atténuera la responsabilité de l’administration si une cause étrangère a eu malgré tout un rôle causal [73].

           

            En général, le juge est d’autant plus sévère que la victime est un professionnel informé des risques ou des règles de construction ou bien qu’un professionnel est en cause dans la survenance du dommage[74].

 

            Aux termes de la jurisprudence analysée, la prise en considération de ces situations ne peut résulter que d’un examen exhaustif et au cas par cas.

 

            Une fois les conditions de la responsabilité déterminées, l’imputabilité du dommage constitue une étape fondamentale.

 

Section 2 – l’imputabilité du dommage

 

            L’imputabilité du dommage constitue une seconde question fondamentale dans la mise en œuvre de la responsabilité en cas d’inondations. L’obligation de réparation va en effet conduire à identifier la ou les personnes sollicitées pour dédommager les victimes. De ce point de vue, le contentieux de la responsabilité en matière d’inondations permet de préciser que les juridictions administratives maintiennent les solutions pouvant être qualifiées de classiques, tout en procédant de plus en plus à un partage des responsabilités.

 

            1 – La persistance des solutions classiques :

 

                Celles-ci révèlent que les juridictions s’attachent à identifier les conditions d’intervention des divers acteurs directement concernés par la gestion du milieu aquatique, soit au titre de leurs obligations respectives soit au titre de la réalisation de travaux ou d’opérations particulières. Ainsi peuvent voir leur responsabilité engagée, les personnes publiques comme les personnes privées.

 

                        a ) Etat, collectivités, entreprises publiques

           

L’interférence entre les acteurs publics responsables de la prévention des inondations conduit le juge à identifier l’intervention de chacun (curage et entretien des cours d’eau, présence d’un ouvrage public, police de l’urbanisme) et les conditions d’opportunité pour en déduire la contribution de chaque intervenant au dommage.

Concrètement, le juge recherche si l’inondation a d’abord pour origine un défaut de curage. Cette abstention peut être reprochée aux riverains réunis en association syndicale, à un syndicat intercommunal. En dernier ressort le représentant de l’Etat doit procéder au curage si l’intérêt général le justifie.

Ensuite, le juge vérifie si aucun ouvrage ou travail public n’a contribué au dommage. C’est pourquoi chaque collectivité doit veiller à ce que les biens détenus ou placés sous sa responsabilité ne constituent pas des obstacles potentiels au bon écoulement des eaux. L’entretien des digues et des ouvrages de lutte contre les inondations, lorsqu’ils sont sous la responsabilité de l’Etat ou des communes (ou leur regroupement) doivent être opérationnels et répondre aux exigences suivantes : ne pas contenir de vice de conception, être entretenus et en bon état de fonctionnement.

Ces précautions s’imposent aussi pour les réseaux d’évacuation des eaux pluviales et pour les voies publiques.

 

Les travaux d’entretien et de curage des cours d’eau sont soumis à ce régime (responsabilité du fait des ouvrages publics) et les services de l’Etat ayant exécuté des travaux de faucardage pour le compte d’un syndicat pourraient, le cas échéant, voir leur responsabilité engagée[75].

 

                        b) personnes privées :

           

            Elles ne sont pas exclues de l’obligation de réparation dès lors qu’elles ont pu contribuer à l’intervention du dommage ou en aggraver les conséquences.

Les personnes privées condamnées ont agi soit en tant que maître d’œuvre de travaux[76], soit comme cause étrangère fautive.

 

            2 – L’extension du partage des responsabilités :

 

            Au-delà du cadre classique d’intervention, nous pouvons constater que les juridictions s’attachent à bien identifier, au cas par cas le niveau d’intervention de chacun des acteurs et d’en tirer toutes les conséquences en termes de conditions de la réparation. Les évolutions intervenues concernent aussi bien le partage des responsabilités entre personnes publiques qu’entre personnes publiques et privées.

 

                        a) entre personnes publiques :

 

Le contentieux des inondations révèle ici sa richesse et sa complexité. En effet, malgré les modalités de partage précitées, les juridictions administratives distinguent diverses hypothèses, prenant notamment en considération le cadre juridique d’intervention des autorités publiques.

Ainsi elles distinguent les cas où des mesures de police spéciale illégales ont eu un rôle dans la survenance d’une inondation. Il peut s’agir, par exemple,  d’une décision d’urbanisme [77] ou d’une décision d’extraction[78].

            Les polices spéciales des installations classées (loi du 19 juillet 1976) et de l’eau (loi du 3 janvier 1992) imposent aussi des décisions spécifiques (autorisation et déclaration) dont l’illégalité peut affecter le bon fonctionnement d’ouvrages qui seraient susceptibles de causer des inondations. Le développement du contentieux de la loi sur l’eau est significatif à cet égard.

            Dans le même sens, le développement du contentieux de légalité des plans de prévention des risques naturels prévisibles annonce la mise en cause de l’Etat lors d’une éventuelle inondation. Ainsi sa responsabilité pourra être engagée soit pour une abstention dans la mise en œuvre[79], soit pour une illégalité des documents [80] eux-mêmes.

            Nous pouvons formuler la même remarque au sujet des zones à risque naturel édictées par le préfet en vertu de l’article L. 443-2 du code de l’urbanisme [81].

 

            Au-delà de ces évolutions, les compétences exercées par les collectivités locales dans le cadre de la décentralisation offrent une nouvelle modalité d’intervention des diverses autorités. C’est le cas notamment lorsque les services de l’Etat sont mis à la disposition des collectivités locales pour l’instruction des autorisations d’urbanisme. Ainsi, les jurisprudences Desfougères et Ronchi  ont contribué à préciser les conditions d’intervention de chacune des autorités publiques et, de ce fait, après avoir identifié le rôle des collectivités et des services de l’Etat, à dégager les principes de répartition de la réparation.

 

                        b) entre personnes publiques et privées :

 

Si l’indemnisation des dommages dus aux inondations peut être mise à la charge d’une ou plusieurs autorités publiques, les personnes privées - y compris les victimes - peuvent aussi voir leur responsabilité engagée et participer à la réparation, fussent-elles victimes. L’adage “ nul n’est censé ignorer la loi ” pourrait être invoqué à cet égard, mais il s’agit aussi simplement de la prise en considération du comportement des uns et des autres.

           

A la lecture de la jurisprudence, nous pouvons dégager 5 degrés de gravité du fait de la victime au prorata desquels le dommage sera supporté par elle :

 

- lorsque la victime n’est pas en mesure de connaître le risque par absence de document d'urbanisme (POS ou PPR opposable) ou par insuffisance du certificat d'urbanisme, les juridictions ne retiennent pas d’atténuation pour l’administration [82] ;

 

-                                 négligence du pétitionnaire qui ne s’informe pas du risque avant d’entreprendre une construction[83] ou ne s’informe pas des dates de submersion d’un terrain agricole [84] ;

-                                 connaissance du risque et négligence fautive : stockage de matériel dans des locaux

inondables[85], obtention d'un permis de construire en connaissance du risque [86] ;

-   connaissance du risque et manquement à une obligation : se conformer au permis de   construire[87], ne pas prévoir d'ouvrages de lutte contre les inondations [88], ni procéder à l’entretien d’un fossé et d’un réseau d’évacuation privé sur le terrain exposé [89] ;

-                                 le comportement téméraire : une personne s'étant exposée à des risques en connaissance de cause ne peut prétendre à aucune indemnisation[90].

 

Certaines décisions dévoilent  une recherche minutieuse des caractéristiques techniques des biens détenus ou placés sous la responsabilité des victimes. Selon la formule usuelle, les ouvrages doivent être conformes aux “ règles de l’art ”[91].

Nous mentionnerons pour mémoire que la théorie dite “ du risque accepté ”[92] en matière d’inondations pourrait aussi s’appliquer et permettrait aux juridictions de refuser une indemnisation pour des dommages prévisibles auxquels la victime a pris le risque de d’exposer , malgré la connaissance établie de l’aléa “ inondation ”. La publication des plans de prévention des risques naturels prévisibles, ou l’identification claire dans un POS de zones à risque, pourrait renforcer cette réalisation.


 

 

CHAPITRE 2 – L’AFFIRMATION DE L’ACTION JUDICIAIRE

 

Au même titre que l’action administrative, l’action judiciaire doit permettre la réparation des dommages causés aux victimes des inondations. L’action judiciaire conduit à faire appel au juge civil, mais elle peut aussi être développée par le juge pénal pour la mise en œuvre de sanctions aux fins de condamner des personnes qui ont concouru à la réalisation de ce dommage. Les décisions jurisprudentielles intervenues à ce jour révèlent de ce fait un dispositif permettant d’évoquer à la fois la réparation et la sanction.

 

Section 1 : de la réparation…

 

Avant de traiter de l’état du droit de la responsabilité civile contractuelle et délictuelle en matière d’inondations, il convient de préciser les règles de répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire. En effet, le contentieux mettant en cause des personnes publiques porté devant les juridictions judiciaires reste une exception. Il est donc nécessaire de rappeler quelques règles de compétence afin d’évacuer toute ambiguïté sur la suite du développement.

 

1 - La compétence du juge judiciaire quant aux litiges relatifs aux inondations

 

            Les difficultés rencontrées en la matière imposent de préciser les principes de répartition des compétences, avant d’évoquer les hypothèses d’application.

 

a) principes de répartition des compétences

 

Le juge administratif est le juge de droit commun concernant le contentieux mettant en cause une personne publique.

Le juge administratif est compétent dès lors que le litige porte :

- sur le domaine public des personnes publiques ;

- sur un ouvrage public ou un travail public.

(ces deux critères/situations sont les plus fréquent(e)s dans le domaine des inondations).

 

Toutefois, dans certains cas, le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges auxquels les collectivités publiques sont parties. Ces cas de figure peuvent se rencontrer en matière d’inondations.

 

Les tribunaux judiciaires sont seuls compétents :

- pour tous les litiges concernant le domaine privé des collectivités publiques ;

- pour tous les litiges nés à l’occasion de contrats de droit privé des collectivités (essentiellement les communes dans notre étude) ;

- pour tous les dommages causés par le fonctionnement des services publics à gestion privée ;

- pour toute atteinte à la propriété constituant une voie de fait ;

- pour les actions récursoires de la collectivité contre l’auteur d’un dommage dont elle a été déclarée responsable… ;

- pour les actions intentées contre les agents publics (élus, fonctionnaires…) pour faute personnelle détachable de la fonction.

 

Une multiplicité de situations peut se rencontrer en matière d’inondations et il convient de bien cerner les tenants et les aboutissants de chaque litige pour déterminer la compétence du juge. Par exemple, un litige intervenant sur le domaine privé d’une commune est en principe jugé par les tribunaux judiciaires, mais si ce litige a pour origine un ouvrage public ou des travaux publics (toute la difficulté consistera à qualifier les travaux), le juge administratif sera finalement compétent.

 

b) illustrations :

 

La Cour de cassation a eu l’occasion de statuer sur sa compétence pour connaître des litiges mettant en cause des personnes publiques (essentiellement des communes).

 

Ainsi, dans un arrêt du 2 février 1999 [93], la Cour de cassation a retenu la compétence du juge administratif dans une affaire d’inondation. Le débordement d’un cours d’eau non domanial avait provoqué l’inondation de cultures appartenant à un riverain et celui-ci reprochait à l’association syndicale (ayant le statut d’établissement public dans cette affaire) de ne pas avoir procédé au curage du cours d’eau. Cette association invoquait l’incompétence de la juridiction judiciaire, mais la Cour d’appel a rejeté cet argument ; en effet, elle estimait que les travaux d’entretien d’un cours d’eau ne constituaient pas une activité caractérisant une prérogative de puissance publique et que dans ces conditions le tribunal administratif n’était pas compétent pour juger ce litige.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel : les travaux de curage réalisés par un établissement public ont le caractère de travaux publics, ce qui justifie la compétence du juge administratif dans cette affaire.

 

De la même manière, la Cour de cassation a rejeté la compétence des juridictions judiciaires lorsqu’un ouvrage public a provoqué une inondation[94]. Les clôtures d’une station de pompage ayant fait obstacle au libre écoulement des eaux, un propriétaire privé avait subi des inondations. Les canalisations étaient insuffisantes, les dispositifs de drainage étaient mal entretenus, de même que les abords de la station de pompage. La cour d’appel s’était déclarée compétente pour juger le litige au motif qu’il entrait dans la catégorie de la gestion de services ne se rattachant pas à la puissance publique. La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que “ l’action en responsabilité, exercée par un tiers, en raison des dommages qui résultaient tant de l’aménagement que de l’entretien d’une installation revêtant le caractère d’ouvrage public ne pouvait être porté que devant les juridictions de l’ordre administratif ”.

Dans le même sens, on relèvera un arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 1992[95]  qui retient la compétence du juge administratif. En l’espèce, il s’agissait de la reconstruction d’un pont situé sur le domaine privé de la commune mais ouvert à la circulation publique. Ce dernier élément permettait de le considérer comme un ouvrage public, malgré son appartenance au domaine privé communal. Sa reconstruction constituait donc un travail public, d’où la compétence du juge administratif.

 

Ainsi, dès lors que le litige a pour origine un ouvrage public ou des travaux publics, même s’ils sont effectués sur une propriété privée ou sur le domaine privé d’une collectivité publique, le juge administratif est compétent.

 

Mais le caractère d’ouvrage public ou de travail public peut être débattu. Par exemple, dans une affaire du 15 juillet 1993[96], la Cour de cassation a jugé que des travaux de surélévation de la digue d’un étang ayant provoqué une inondation n’avaient pas le caractère de travaux publics. La commune était propriétaire du chemin passant sur cette digue, elle avait participé aux travaux de surélévation, mais ceux-ci avaient été réalisés à l’initiative et pour le compte de personnes privées, sur un étang et des terrains privés. Ces dernières caractéristiques empêchaient de qualifier ces travaux de travaux publics.

 

Compte tenu de tous ces éléments, le contentieux civil des inondations mettant en cause des personnes publiques se résume à quelques cas de figure/hypothèses: la vente de terrains affectés par les inondations par la suite, la propriété et la garde d'ouvrages (lorsque le contentieux fait intervenir des personnes privées), l'existence de servitudes d'écoulement (prévues par le code civil)…

 

2 – La  mise en jeu de la responsabilité civile des personnes publiques ou des agents de l'Etat : la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle/quasi-délictuelle

 

Il est nécessaire de rappeler quelques concepts fondamentaux de la responsabilité civile avant d'exposer les applications en matière d'inondations.

 

a) responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle/quasi-délictuelle

 

Le mécanisme de la responsabilité civile a pour objectif de réparer les dommages causés aux victimes et provenant de tout fait quelconque qui cause un dommage à autrui.

En ce sens, la responsabilité civile se distingue de la responsabilité pénale dont l'unique but est de punir le coupable et qui est fondée sur la violation stricte de la loi, la sanction étant le prononcé d'une peine, indépendamment de toute réparation accordée à la victime.

Les deux régimes de la responsabilité civile sont la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle.

 

La responsabilité contractuelle suppose la violation (par le débiteur) d'une obligation issue d'un contrat valable (un contrat de vente par exemple). Celui qui n'exécute pas son obligation ou qui l'exécute mal engage sa responsabilité contractuelle. Le dommage doit alors être la conséquence directe de l'inexécution du contrat.

 

En revanche, la responsabilité délictuelle sanctionne tout dommage né en dehors de l'exécution d'un contrat. La responsabilité délictuelle se divise en trois catégories: la responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), la responsabilité du fait des choses dont on a la garde (article 1384 alinéa 1 du code civil) et la responsabilité du fait d'autrui (article 1384 du code civil).

 

En tout état de cause, la mise en jeu de la responsabilité civile suppose l'existence d'un dommage, d'une faute (fait générateur de responsabilité), et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage (la responsabilité civile contractuelle du débiteur suppose en plus l'existence d'un contrat).

 

b) applications en matière d'inondations :

 

En matière contractuelle, l’application la plus simple et la plus plausible concerne les contrats de vente de terrains par des personnes publiques (des communes en général) à des personnes privées. Si les terrains - et les habitations construites sur ces terrains - sont ensuite affectés par des inondations, les acquéreurs peuvent rechercher la responsabilité civile de la commune venderesse. En effet, les terrains litigieux faisant partie du domaine privé de la commune et le contrat de vente étant un contrat de droit privé dans cette hypothèse, le contentieux est porté devant la juridiction civile. Ce type d'affaire peut être particulièrement fâcheux pour une commune, surtout lorsqu’elle a procédé à la vente de plusieurs lots de terrains destinés à devenir un lotissement.

 

Cette hypothèse a fait l’objet d’une application, notamment dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 8 novembre 1995[97].

Un particulier avait acheté un lot dans un lotissement réalisé par une commune pour y construire une maison d’habitation. A la suite de fortes inondations, l’acquéreur du terrain a assigné la commune en résolution de la vente en se fondant sur le manquement de la commune à son obligation de délivrance. La cour d’appel a prononcé la résolution de la vente au profit de l’acquéreur. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, au motif que la commune n’avait pas manqué à son obligation contractuelle de délivrance.

 

En effet, la commune en tant que lotisseur et vendeur de terrains a l'obligation de délivrer la chose vendue et de garantir l’acheteur contre les vices cachés des terrains.

 

Ces deux obligations n’ont pas le même contenu : l’obligation de délivrance consiste à livrer une chose conforme à la commande, répondant à ce qui était convenu dans le contrat de vente ; la livraison d’un terrain pour lequel une autorisation de construire a été accordée répond donc à cette exigence. Si par la suite le terrain présente de graves défectuosités (caractère inondable en l’espèce) empêchant d’y habiter dans des conditions normales (donc non conforme à l'usage auquel il est destiné) on ne peut pas reprocher à la commune d’avoir manqué à son obligation de délivrance.

En ce sens, un arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 1993 Commune d’Ossun [98] qui avait décidé que la commune était tenue de livrer un terrain conforme à l’usage auquel il était destiné avait posé une condition supplémentaire à l’obligation de délivrance.

Mais l’arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 1995 Commune de Ligueux vient rappeler strictement les composantes de l’obligation de délivrance.

 

En revanche, l’obligation de garantir l’acquéreur contre les vices cachés de la chose vendue consiste à livrer une chose conforme à l’usage auquel elle est destinée et non plus seulement conforme à ce qui était convenu entre les parties.

Dans l’affaire Commune d’Ossun du 24 mars 1993[99], l’acquéreur a donc confondu l’obligation de délivrance et la garantie contre les vices cachés de la chose. En reprochant à la commune la non conformité du terrain à l’usage auquel il était destiné, il aurait dû fonder son action sur la garantie des vices cachés. Dans l’arrêt du 8 novembre 1995, Commune de Ligueux, la Cour de cassation (troisième chambre civile) revient sur cette jurisprudence du 24 mars 1993 qui avait admis le manquement à l’obligation de délivrance de la commune parce que le terrain n’était pas conforme à l’usage auquel il était destiné. La Cour revient à une interprétation stricte des obligations du vendeur.

Les acheteurs de terrains victimes de dommages ultérieurs comme les inondations pourront donc fonder leur action sur la garantie contre les vices cachés.

 

Certains acquéreurs ont pu également reprocher à la commune ayant vendu des terrains inondés par la suite d’avoir manqué à son devoir de conseil ou d’information[100]. Le vendeur doit informer l’acquéreur sur les risques pouvant affecter la chose vendue. La commune est donc tenue d’informer l’acquéreur sur les risques d’inondations. Cette obligation connaît une limite : si l’acquéreur avait connaissance des risques, on ne peut reprocher au vendeur d’avoir manqué à son obligation d’information et de conseil (dans l’affaire rapportée, la commune avait vendu un terrain figurant en zone constructible sur le plan d’occupation des sols. L’acquéreur y avait édifié un atelier puis une maison. Suite à d’importants mouvements de terrain dus en partie à un trop-plein d’eau, les bâtiments s’étaient effondrés. La cour d’appel avait déclaré la commune responsable en partie du préjudice subi par l’acquéreur. La Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la cour d’appel car l’acquéreur avait connaissance du risque d’inondation sur ce terrain). La difficulté tient à l’appréciation de la connaissance des risques par l’acquéreur.

 

En matière de responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, les litiges ont porté par exemple sur le défaut d’entretien d’un cours d’eau non domanial reproché à un syndicat intercommunal. Dans une affaire Syndicat intercommunal du Morbras [101], la cour d’appel avait reconnu le syndicat intercommunal civilement responsable à l’égard des propriétaires privés victimes des inondations. La Cour de cassation a cassé cet arrêt de la cour d’appel, mais l'argumentation de la Cour de cassation laisse penser qu'elle n'écarte pas toute responsabilité civile en cas de défaut d'entretien. Si la cour d'appel avait motivé sa décision de manière satisfaisante, la Cour de cassation l'aurait peut-être suivie dans son raisonnement.

 

La Cour de cassation a également jugé qu’une commune propriétaire et gardienne d'un fonds servant (affecté par une servitude d'écoulement) n'était pas tenue d'entretenir les ouvrages d'écoulement des eaux et leurs accessoires par des opérations de curage et de nettoyage de ces ouvrages. La Cour a précisé que la commune n’avait l'obligation d'intervenir que si les obstacles à l'écoulement des eaux lui étaient imputables[102].

 

Enfin, on pourrait imaginer le recours à certains mécanismes de la responsabilité délictuelle déjà utilisés par ailleurs, en particulier la théorie des troubles du voisinage.

 

Section 2 : … à la sanction

 

Le droit pénal prévoit un certain nombre d’infractions susceptibles de s’appliquer en cas d’inondations.

Contrairement à la responsabilité civile, la responsabilité pénale est fondée sur la violation stricte de la loi dont la sanction est le prononcé d’une peine ; le but de la responsabilité pénale est donc de punir le coupable.

On perçoit l’enjeu de ce mécanisme dans le domaine des inondations : les victimes et l’opinion publique souhaitent de plus en plus que les agents publics ayant commis des négligences dans la prévention ou la lutte contre les inondations soient reconnus coupables de ces faits, surtout lorsque des vies humaines ont été sacrifiées. A cet égard, on peut parler d’une véritable “ demande sociale ” [103]. L’existence de condamnations pénales à l’encontre de maires responsables de négligences en matière d’établissements recevant du public (cf. l’incendie des thermes de Barbotan ou du dancing des cinq sept) suffit à illustrer ces propos. La mise en jeu de la responsabilité administrative, qui ne permet qu’une indemnisation, n’est plus entièrement satisfaisante pour les victimes d’inondations.

Si le contentieux pénal en matière d’inondations ne s’est pas encore développé (2 affaires jugées mettant en cause des agents de l’Etat et une commune, 1 affaire en cours d’instruction [mise en examen du préfet en fonction il y a 20 ans dans la catastrophe de Vaison-la-Romaine]), le droit pénal est suffisamment “ outillé ” aujourd'hui pour que les affaires se multiplient dans les années à venir.

Plusieurs éléments laissent percevoir une évolution probable : le juge pénal est désormais compétent pour interpréter les actes administratifs réglementaires ou individuels ou pour en apprécier la légalité lorsque la solution du procès dépend de cet examen [104] (or, le contentieux des inondations est souvent lié à la délivrance d'autorisations de construire ou au retard dans l'élaboration de documents d'urbanisme),  le juge pénal a maintenant le pouvoir de juger les personnes morales, l'expertise pénale est moins onéreuse que l'expertise administrative ou civile, les magistrats hésitent de moins en moins à engager des poursuites contre les élus. Enfin, le droit lui-même a multiplié les incriminations en créant des délits et des principes nouveaux parfaitement adaptés au contentieux des inondations.

Pour compléter ces remarques préliminaires concernant le droit pénal, on rappellera que le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à partir de la survenance du dommage. C'est ce qui explique la récente mise en examen du préfet en poste il y a 20 ans à la suite de la catastrophe de Vaison-la-Romaine, le délai de prescription n'ayant pris effet qu'après les inondations catastrophiques.

 

Avant de préciser quels sont les éléments nécessaires pour mettre en jeu la responsabilité pénale des agents de l'Etat et des collectivités publiques lorsqu’ils sont impliqués dans la réalisation d’inondations, il est utile de rappeler quelques règles relatives à la détermination de ces personnes responsables.

 

1 – les personnes pénalement responsables

 

La question se pose d’abord pour les personnes physiques, c’est-à-dire les agents de l’Etat ou des collectivités locales, mais également pour les personnes morales de droit public, en particulier l’Etat et les communes.

 

                        a) les personnes physiques

 

La responsabilité pénale des agents publics (élus et fonctionnaires) peut être mise en œuvre en cas de faute personnelle détachable du service. L’infraction peut consister en un acte positif mais également en une omission : plusieurs maires ont déjà été condamnés pour des faits de négligences en matière de pollution [105] ou en cas d’accidents dans des établissements recevant du public [106]. Or, dans le domaine des inondations, on reproche le plus souvent aux élus d’avoir omis d’intervenir.

La responsabilité pénale des fonctionnaires a déjà été engagée : par exemple, des agents de Voies Navigables de France ont été condamnés pour pollution de cours d'eau par déversement massif de boues et de sédiments à la suite du dragage d'un canal [107]. En revanche, dans l'affaire du barrage de Malpasset dont la rupture avait causé la mort de 381 personnes, les fonctionnaires du génie rural avaient été relaxés, en dépit des fautes de négligence évidentes[108]. Jugée dans le contexte juridique et social contemporain, une hypothèse similaire connaîtrait sûrement un aboutissement différent.

 

Cependant, la loi du 13 mai 1996 [109] atténue cette responsabilité pénale, spécialement pour les faits d’imprudence ou de négligence (article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales). En effet, la condamnation ne peut intervenir que si l’agent ou l’élu n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions qu’il devait remplir. Cette disposition est censée atténuer la responsabilité pénale des maires puisque le juge analyse désormais la faute in concreto, c’est-à-dire en prenant en compte les circonstances qui ont entouré la prise de décision ou l’absence de prise de décision (avant cette loi de 1996, la faute était appréciée par référence à un comportement standard, sans prendre en compte les circonstances).

 

Enfin, la voie de la complicité est susceptible d'élargir le champ des personnes responsables : on peut parfaitement imaginer qu'un adjoint au maire ou une personne morale de droit public par exemple soit mis en cause dans une affaire d'inondations, dans la mesure où ce type de contentieux fait intervenir une multiplicité d'acteurs.

 

                        b) les personnes morales de droit public

 

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal (1er mars 1994 ; article 121-2 alinéa 1), les personnes morales sont responsables pénalement, dans les cas prévus par la loi ou les règlements, des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

L’Etat ne peut être poursuivi pénalement.

 

Toutefois, une collectivité territoriale ne peut être déclarée responsable pénalement que si les infractions reprochées ont été commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

En matière d’inondations, cette condition restreint les possibilités de mise en cause des personnes morales de droit public, en particulier des communes. Ainsi, l'activité de police administrative, essentielle en ce qui concerne les inondations, ne peut jamais faire l'objet d'une délégation de service public ou d’un contrat. Cet élément restreint donc les possibilités de mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes morales de droit public à l'occasion du contentieux des inondations. On peut toutefois songer à l'hypothèse de rupture des canalisations de distribution des eaux ou d'assainissement (la commune exploitant en régie directe un service de distribution d’eau ou d’assainissement).

 

L'infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale, par ses organes ou par ses représentants. Cela ne signifie pas que l'organe ou le représentant doit nécessairement avoir été déclaré coupable des faits reprochés à la personne morale : un non-lieu ou une relaxe de l'organe ou du représentant n'empêche pas de condamner la collectivité territoriale (voir l’affaire du Drac[110]), à condition d'établir une faute (de l'organe ou du représentant) en lien avec l'accident.

 

La loi ou le règlement doit prévoir expressément la possibilité de mettre en jeu la responsabilité pénale de la personne morale de droit public. C’est le cas notamment pour l’homicide ou les blessures involontaires (hypothèse probable dans le contentieux des inondations), les pollutions qui pourraient résulter des inondations (loi sur l’eau), la mise en danger délibérée de la vie d’autrui…

 

2 : les éléments de mise en jeu de la responsabilité pénale

 

Selon les principes généraux du droit pénal, la responsabilité pénale d'un individu ne peut être retenue que si trois éléments sont réunis: un élément légal (c'est-à-dire une incrimination prévue expressément par un texte), un élément matériel (les faits reprochés) et un élément moral (l'intention ou la conscience de commettre les faits reprochés, la négligence, l'imprudence…).

 

                        a) l’élément légal de l'infraction : les incriminations

                       

Le droit pénal général peut parfaitement s'appliquer en matière d'inondations. Certaines incriminations sont classiques, d'autres plus récentes mais néanmoins adaptées à l'objet de notre étude.

Ainsi, lorsque des inondations causent la disparition de vies humaines, le délit classique d’homicide involontaire (article 221-6 alinéa 1 du nouveau code pénal en cas de faute d'imprudence ou de négligence; article 221-6 alinéa 2 en cas de manquement délibéré à une obligation de prudence ou de diligence) peut s’appliquer aux agents de l’Etat. L’affaire du barrage de Malpasset[111] avait conduit à la mise en cause de plusieurs ingénieurs du génie rural sur ce fondement (aucune condamnation n'avait été prononcée). Dans certaines hypothèses, le délit pourra s'appliquer aux collectivités territoriales concernées et plus généralement aux personnes morales de droit public (article 121-2 du nouveau code pénal), si elles ont manqué gravement à leurs obligations de prévention ou de lutte contre les inondations. Plus généralement, on reprochera à ces personnes un manquement à leur obligation de sécurité. L’affaire du Drac [112] (lâcher d'eau ayant provoqué la mort de plusieurs enfants en visite dans le lit du cours d'eau en amont du barrage) illustre parfaitement ce type de mise en cause.

Le délit d'homicide involontaire est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende en cas de faute d'imprudence ou de négligence et de 5 ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende en cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence.

 

Si des victimes d’inondations ont subi des blessures, l’infraction de coups et blessures involontaires (articles 226-6 et 222-19 du nouveau code pénal) utilisée classiquement en droit pénal pourra être retenue contre les personnes précitées. Les peines peuvent aller de 1 000 F d'amende à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 F d'amende, en fonction de la gravité de la faute et du dommage causé à la victime.

 

Le droit pénal général accompagne l'évolution de la société, et la création récente (1994) de l'infraction de mise en danger délibérée de la personne d’autrui ou de “ risques causés à autrui ” (qui peut constituer une infraction autonome ou une cause d’aggravation d’autres infractions) peut également être utilisée.

 

En effet, l'article 223-1 du nouveau code pénal punit d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 10 000 F d'amende “ le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement (…) ”.

 

L'article 223-1 exige donc la violation d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Qu'est-ce qu'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, et le “ droit des inondations ” contient-il de telles obligations? Lorsque la norme de comportement est imprécise, lorsque le législateur n'entre pas dans le détail de la conduite à tenir dans telle ou telle circonstance déterminée, l'obligation n'est pas particulière. En revanche, constitue une obligation particulière de sécurité “ celle qui impose un modèle de conduite circonstanciée précisant très exactement l'attitude à avoir dans telle ou telle situation ” [113].

La Cour de cassation a refusé d'accueillir la demande d'une personne qui reprochait au maire et au préfet de police de Paris de s'être abstenus de prendre les mesures nécessaires pour pallier les effets de la pollution atmosphérique sur la santé [114]. Selon la Cour de cassation, le texte qui confie au maire de façon générale le soin de prévenir et de faire cesser tous les événements survenant sur le territoire de sa commune et de nature à compromettre la sécurité des personnes (l'ancien article L131-2-6° du code des communes, aujourd'hui l'article 2212-2 5° du code général des collectivités territoriales) ne crée pas à sa charge d'obligation particulière de sécurité au sens de l'article 223-1 du code pénal, en raison du caractère général de ses prescriptions. De même, la Cour estime que le décret du 13 mai 1974 relatif à la surveillance de la qualité de l'air dans les agglomérations laisse au préfet toute liberté d'appréciation dans la mise en œuvre des procédures d'alerte et n'impose pas à leur sujet d'obligation particulière de sécurité.

Cette solution peut être discutée ; en tout état de cause, elle est susceptible d’évolution. En effet, l'article 2212-2- 5° qui impose au maire de faire usage de ses pouvoirs de police générale en cas d'accidents et fléaux calamiteux énumère ceux-ci, il prévoit expressément le cas des pollutions et précise la manière dont le maire doit intervenir: en prenant les précautions convenables et en procédant à la distribution des secours nécessaires. Il est donc possible de considérer que l'article 2212-2-5° impose une obligation particulière de sécurité. Ce raisonnement s'applique également aux inondations qui sont visées elles aussi par le même article.

Cette affaire illustre la difficulté d'apprécier si l'obligation de sécurité est particulière ou générale.

Certaines hypothèses ne laissent place à aucun doute. Ainsi, lorsqu'un maire délivre un permis de construire en méconnaissance d'un plan de prévention des risques (PPR) adopté par arrêté préfectoral, il va à l'encontre des prescriptions contenues dans le PPR et viole ainsi une obligation particulière de sécurité. De même lorsqu'un syndicat intercommunal ne procède pas au curage d'un cours d'eau non domanial alors que ce curage était prescrit par arrêté préfectoral. Toutes ces hypothèses concernent bien des obligations de sécurité puisqu'il s'agit de prévenir les inondations.

 

Les circulaires n'ayant pas valeur réglementaire en principe, celles qui prescrivent une intervention de l'autorité administrative en matière d'inondations n'entrent pas, a priori, dans le champ d'application de l'infraction de mise en danger d'autrui.

 

Selon les termes employés par l'article 223-1 (“ exposer ”, “ risques ”), l'infraction est constituée alors même qu'aucun dommage n'est survenu. Dans cette hypothèse, le délit de mise en danger délibérée d'autrui constitue une infraction autonome. L'intérêt de cette incrimination est de “ sanctionner un comportement sans attendre que celui-ci ait tourné à la catastrophe ” [115]. Des victimes potentielles - des propriétaires privés résidant sur des terrains exposés aux risques d'inondations par exemple - ou des associations pourront utiliser cette incrimination pour obliger les autorités à prendre les mesures de nature à éviter les inondations. La voie pénale serait alors plus efficace que la voie administrative utilisée actuellement et qui conduit à demander l'annulation des documents d'urbanisme pour insuffisance de prévention (or, le recours administratif est lent, souvent aléatoire et parfois peu satisfaisant).

 

La faute reprochée ici se distingue de la simple imprudence ou négligence : le législateur a souhaité réprimer les comportements traduisant un “ mépris délibéré de la personne humaine ” [116]. Cela suppose un comportement délibéré de la part de la personne poursuivie, “ une attitude persistante dans une conduite négligente, [la faute délibérée] est la conscience du péril ou des risques que l'on fait courir par un comportement doublé de la volonté de s'y engager malgré tout ” [117].

Mais la frontière entre la négligence et le comportement délibéré de mise en danger d'autrui peut être difficile à cerner. Par exemple, le fait de délivrer un permis de construire dans une zone notoirement inondable traduit-il une négligence, une imprudence, ou un comportement délibéré de mise en danger d'autrui ?

 

D'autres questions se posent, qui ne sont pas encore résolues, la jurisprudence n'étant pas assez fournie sur ce thème. Ainsi, la notion de risque est sujette à des interprétations diverses : en matière d'inondations, fait-on référence au risque répertorié sur les cartes ? Si oui, quelle cartographie sert indiscutablement de référence ? Faut-il plutôt privilégier le risque connu par la “ mémoire humaine ” ? La connaissance du risque peut également résulter des circonstances, en particulier de la configuration des lieux.  A cet égard, il est intéressant de noter que le juge administratif reconnaît la responsabilité du maire (pour avoir délivré un permis de construire) et celle du préfet (pour le retard dans l'élaboration du PER) alors même que le risque d'inondation est seulement “ probable ” et résulte simplement de la configuration des lieux.

 

Lorsqu'un dommage est survenu, la mise en danger délibérée de la personne d'autrui peut prendre la forme d'une circonstance aggravante des délits d'atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité corporelle (articles 221-6, 222-29, 222-20, R 625-2 et 322-5 du nouveau code pénal).

 

Enfin, il est à noter que la reconnaissance de la mise en danger d'autrui permet l’indemnisation du  préjudice personnel et direct causé à une association. Cette solution a été retenue par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence [118] dans une affaire mettant en cause le propriétaire d'un terrain ayant accueilli des campeurs dans un site boisé non aménagé, en période estivale où les risques d'incendies sont réels. La constitution de partie civile d'une association de consommateurs a été acceptée par le juge. Cette solution est particulièrement significative des évolutions en cours. Le développement de ce type de contentieux semble inéluctable, notamment des recours intentés par des associations, en particulier des associations de riverains, afin d'obtenir des autorités publiques les mesures de prévention des inondations qui s'imposent.

 

La dernière incrimination à envisager dans le domaine du droit pénal général est l’abstention volontaire de prendre ou provoquer les mesures de secours sans risque pour l’intéressé ou pour les tiers permettant de combattre un sinistre de nature à causer un danger pour la sécurité des personnes (article 223-7 du nouveau code pénal). Ce délit d’abstention de combattre un sinistre est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.

Les inondations font partie des sinistres visés par cet article. L’éventualité d’un danger suffit, il n’est pas nécessaire que des personnes soient effectivement menacées. Mais il faut établir une abstention volontaire, un refus volontaire de provoquer les secours, une simple négligence ne suffisant pas. La preuve de cet élément intentionnel est plutôt difficile à rapporter, elle pourra découler notamment de l’analyse du comportement du prévenu et des circonstances. Le prévenu doit avoir eu connaissance du danger pour les personnes et la volonté de ne pas intervenir pourra être recherchée notamment dans le “ manquement à un devoir de solidarité sociale de prévention ”[119].

Dans le même ordre d’idée, on peut songer au délit de non-assistance à personne en péril (article 223-6 du nouveau code pénal).

 

D’autres incriminations sont issues du droit pénal spécial. Il s’agit ici du droit pénal de l’urbanisme et du droit pénal de l’environnement.

 

Concernant le droit de l’urbanisme, l’exécution de travaux ou d’utilisation du sol en méconnaissance des obligations du code de l’urbanisme peut s’appliquer. Ainsi, l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dispose que “ le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ”. Si l’on examine la jurisprudence relative à cet article, on constate que le juge administratif n’hésite pas à annuler les permis de construire qui conduiraient à une atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ; le maire est donc tenu de respecter l’article R. 111-2. Or, l’article L. 160-1 du code de l’urbanisme réprime l’exécution de travaux ou l’utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les articles L. 111-1 à L. 111-4 ainsi que par les règlements pris pour leur application, dont fait partie l’article R. 111-2… On peut donc envisager une condamnation pénale du maire sur ce fondement, soit comme auteur principal soit comme complice du constructeur lorsqu’il aura délivré un permis de construire sans précautions dans une zone à risques (l’hypothèse de la complicité étant plus plausible, sauf lorsque les constructions litigieuses appartiennent à la collectivité elle-même).

 

La législation relative aux risques majeurs (loi du 22 juillet 1987 complétée par la loi Barnier du 2 février 1995) prévoit également des dispositions pénales. Ainsi, l’article 40-5 prévoit que “ le fait de construire ou d’aménager un terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques ou de ne pas respecter les conditions de réalisation, d’utilisation ou d’exploitation prescrites par ce plan est puni des peines prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme (…) ”. Par conséquent, un maire qui délivrerait une autorisation de construire sur une zone interdite par un PPR pourrait engager sa responsabilité pénale, au moins comme complice du constructeur. Là encore, l’hypothèse de la construction d’un bâtiment communal par exemple pourrait conduire à une condamnation du maire, surtout s’il s’agit d’un bâtiment destiné à recevoir du public.

 

Les dispositions pénales de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 pourraient également trouver application, lorsque des ouvrages ou travaux de prévention ou de lutte contre les inondations ou des ouvrages ou travaux ayant pour conséquence de nuire au libre écoulement des eaux ont été exécutés en méconnaissance des dispositions de cette loi. En effet, celle-ci impose soit une déclaration soit l’obtention d’une autorisation pour certains types d’ouvrages ou travaux prévus par une nomenclature (par exemple, et sous réserve des seuils prévus par la nomenclature : le curage ou le dragage, les déversoirs d’orage sur un réseau d’égouts destinés à collecter des flux polluants, les ouvrages, remblais et épis, dans le lit d’un cours d’eau constituant un obstacle au libre écoulement des eaux…). Lorsqu’une collectivité territoriale ou les services de l’Etat compétents ont exécuté de tels travaux sans respecter la procédure imposée par la loi sur l’eau, la peine d’amende prévue pour les contraventions de 5e classe est applicable (10 000F). Toutefois, il convient de préciser que les travaux exécutés en vue de prévenir un danger grave et qui présentent un caractère d’urgence sont dispensés des procédures de déclaration ou d’autorisation ; or, les travaux de lutte contre les inondations peuvent entrer dans cette catégorie. Dans ce cas, aucune condamnation ne pourra être prononcée.

 

Enfin, il n’est pas inutile de préciser que les inondations peuvent provoquer des pollutions, par exemple lorsqu’elles conduisent au débordement d’une station d’épuration ou en cas de rupture de canalisations d’assainissement. Les faits de pollution sont réprimés pénalement (article 232-2 du code rural ; article 22 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992), et certains maires ont déjà été reconnus pénalement responsables des dommages provoqués par des stations d’épuration [120]. On peut parfaitement imaginer qu’un mauvais entretien des ouvrages d’assainissement à l’origine d’une pollution puisse être reproché à des agents de l’Etat après l’intervention d’une inondation. L’hypothèse d’une condamnation pour des faits de pollution ne doit donc pas être écartée.

De même, une pollution intervenue à la suite d’un dragage peut être réprimée[121].

 

                        b) l’élément matériel de l’infraction : les faits reprochés

 

Les faits susceptibles d’être reprochés aux agents de l’Etat ont été évoqués à l’occasion du développement concernant les incriminations. Loin d’être exhaustive, la liste des faits pouvant être reprochés est la suivante :

- le manquement à une obligation de sécurité (par exemple l’obligation du maire de faire usage de ses pouvoirs de police générale pour prévenir les inondations…) ;

- le manquement à une obligation d’assistance (par exemple l’obligation d’assurer le secours des victimes d’inondations) ;

- la délivrance d’autorisations d’occuper les sols dans des zones à risque ;

- la négligence, le retard dans la prescription et l’établissement des plans de prévention des risques, et l’occupation des sols en méconnaissance des dispositions prévues dans ces PPR ;

- la réalisation d’ouvrages ou de travaux en méconnaissance des dispositions de la loi sur l’eau ;

- le négligence dans l’entretien des ouvrages publics.

 

                        c) l’élément moral de l’infraction

 

En principe, une faute intentionnelle est requise pour qu'un délit soit consommé. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

Les infractions évoquées précédemment ne sont pas réalisées dans l’intention de nuire aux victimes : ce sont des infractions d’imprudence ou de négligence en général, à l’exception des manquements délibérés à une obligation de sécurité qui ne suppose pas non plus une véritable intention de nuire. L'imprudence ou la négligence peut s'analyser en “ un défaut de prévoyance, une insuffisance de précaution par rapport à une norme de comportement ” [122]. Cette norme peut être édictée par la loi, le règlement ou des décisions administratives individuelles ou par un modèle de comportement d'un individu normalement prudent et diligent apprécié par le juge. Toutefois, l'écart par rapport à ce modèle est apprécié en fonction des circonstances.

Aujourd'hui (depuis la loi du 13 mai 1996 ayant modifié l’article 121-3 du Code pénal), la faute d'imprudence est appréciée de manière concrète, en tenant compte de la situation de l'auteur de l'infraction, de ses compétences, de son autorité... et non plus seulement par référence à l'attitude qu'aurait normalement adopté un individu moyen dans ces circonstances, indépendamment des capacités personnelles de l'auteur des faits. La lecture de l'affaire mettant en cause des agents de Voies Navigables de France[123] éclaire parfaitement ces propos (à la suite du dragage d'un canal, des fonctionnaires de VNF ont été condamnés pour avoir déversé les boues et sédiments issus de ce dragage dans un cours d'eau, ce déversement ayant provoqué une pollution du cours d'eau). De même,  une affaire relative à la pollution d’un cours d’eau provoquée par la Compagnie générale des eaux constitue une illustration de l’appréciation in concreto de la faute de négligence ou d’imprudence[124] : “ (…) il découle de ce qui précède à l’encontre de B.F., directeur régional de la CGE, professionnel technicien compétent de haut niveau, la preuve d’une imprudence, d’une négligence caractérisée par la volonté d’engager et poursuivre des travaux dont il n’ignorait pas le caractère polluant et les dommages irréversibles qui en résulteraient, faute d’avoir pris, en accord avec les autorités administratives compétentes et les collectivités locales concernées avant et pendant les travaux, les mesures conservatoires pour assurer la protection et la sauvegarde de la faune aquatique fluviale et marine, ainsi que de son environnement déjà pollué mais auquel cette faune avait pu s’adapter ; (…) ” Ainsi, lorsque le prévenu possède des compétences professionnelles avérées, son comportement est apprécié plus sévèrement.

 

 


 

En conclusion

 

            L’étude du contentieux des inondations permet bien d’identifier un régime de responsabilités inscrit dans un processus évolutif.

Depuis une décennie, les inondations sont caractérisées par une ampleur et une fréquence significatives. Les dommages qui en résultent conduisent à un développement du contentieux de la responsabilité. L’étude de cet aspect du contentieux des inondations, mettant en cause les divers intervenants sur le milieu aquatique, conduit à préciser  en conclusion:

 

-                                 que le rôle de la prévention occupe une place centrale. Ainsi, tous les propriétaires, qu’ils soient privés ou publics, ont des obligations caractérisées à cet égard. De manière constante les juridictions en précisent le contenu et la portée. Cette prévention impose aujourd’hui de prendre en considération à la fois l’entretien des écosystèmes (dragage, curage, élagage par exemple) mais aussi les interventions réalisées sur le milieu, ses abords, voire sur le bassin versant. Ainsi, le développement de l'urbanisation ou la réalisation de travaux (infrastructures en particulier) conditionnent de plus en plus  l’aspect qualitatif de la gestion des milieux aquatiques et déterminent l’évolution du contentieux des inondations ;

 

-                                 que le contrôle des obligations des propriétaires (qu’ils soient publics ou privés), des riverains et des divers intervenants sur les milieux aquatiques constitue un élément essentiel dans la lutte contre les inondations. Les polices (générale ou spéciales) apparaissent de ce point de vue déterminantes. Ici les décisions des juridictions révèlent le rôle central des autorités étatiques, mais l’intervention des collectivités locales (les communes et les départements en particulier) s’inscrit désormais dans un processus intégrant les transferts de compétences résultant notamment  de la décentralisation. De ce point de vue, le contentieux de la responsabilité en matière d’inondations démontre l’importance de l’identification du rôle de chacun dans l’intervention des inondations mais présente aussi un intérêt particulier notamment quant au partage des responsabilités ;

 

-         le caractère évolutif du contentieux des inondations. Ainsi, bien que le juge administratif continue à exiger la faute lourde dans de nombreuses hypothèses pour mettre en jeu la responsabilité de l’administration, une évolution semble se dessiner au terme de laquelle, et après un examen de plus en plus approfondi des circonstances de l’espèce, la faute simple pourrait à terme, suffire pour engager la responsabilité de l’Etat

 

 

 

 En revanche, les évolutions les plus significatives sont intervenues dans l’appréciation par les juridictions du partage des responsabilités tant entre personnes publiques compétentes (l’Etat et les collectivités locales ou leurs groupements) qu’entre les acteurs publics et les acteurs privés. De ce point de vue l’administré et l’aménageur voient désormais leurs responsabilités engagées dès lors qu’ils ont pu contribuer ou renforcer la réalisation des dommages résultant des inondations.

 

-                                 au titre des perspectives, nous mentionnerons que la mise en œuvre des plans de prévention des risques naturels prévisibles doit permettre de clarifier quelque peu le champ des compétences et des responsabilités. L’obligation pour l’Etat d’élaborer ces plans et la nécessité pour les communes et leurs groupements de les prendre en considération dans les planifications urbaines ou bien lors de la délivrance des autorisations devrait entraîner une meilleure identification des responsabilités au regard du risque inondation ;

 

-                                 il apparaît nécessaire de mentionner le développement du contentieux judiciaire. Sans négliger les hypothèses de responsabilité contractuelle susceptibles d’intervenir, l’essentiel des évolutions en matière d’inondations concerne les aspects pénaux et délictuels de la responsabilité. L’ensemble des intervenants devrait s’attacher à en apprécier la portée réelle. Par ailleurs, la reconnaissance de la mise en danger d’autrui  pourrait constituer l’une des perspectives les plus significatives en ce domaine.

 

Parmi les principes fondamentaux qui déterminent la gestion des ressources aquatiques dans une perspective de développement durable, le principe de prévention et le principe pollueur- payeur, qui déterminent les conditions de mise en oeuvre des responsabilités, constituent les fondements de toute intervention en matière de contentieux des inondations. Au-delà du caractère événementiel des inondations qui peuvent résulter aussi de l’action naturelle des eaux, l’étude permet de relever que l’intervention humaine apparaît au centre d’un processus  généralement aggravant dont les juridictions s’efforcent de déterminer la juste part.

 

 

 


 

Plan des fiches

 

Fiche n° :                                                                                                                             Page n° :

 

Chapitre 1 - lutte contre les inondations, entretien et curage :

 

- les obligations des riverains sur les cours d’eau domaniaux et non domaniaux : 

 

  1  - les travaux d’entretien et de curage de cours d’eau non domaniaux              52

par les riverains

     2    - les ouvrages de lutte contre les inondations                                                      55

 

- les obligations des personnes publiques sur le domaine public fluvial :

 

        - la responsabilité de l’Etat du fait des travaux d’entretien et de curage                  58

des cours d’eau domaniaux

 

-                                 les obligations de surveillance des autorités publiques sur les cours

 d’eau non domaniaux :

 

   4  - les interventions et la responsabilité de l’Etat sur les cours d’eau                            63

non domaniaux

   5 - les interventions et la responsabilité des communes sur les cours                                   69

d’eau non domaniaux

 

- les responsabilités résultant de la gestion de l’entretien des cours d’eau :

 

     6      - les conséquences du stockage des matières de curage                                      74

 

Chapitre 2 - pouvoirs de police générale en matière d’inondation :

 

-                                 les mesures de prévention :

 

   7    - la distinction entre prescription et exécution des mesures de police                      78

 

   8  - le défaut d’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre                             80

les inondations

   9 - l’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations :                   83

 les plans de prévention contre les inondations

 10 - l’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations :                   85

 le contrôle des travaux privés

 11- l’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations:                     88

mesures d’évacuation ou d’interdiction d’accès/exploitation

   12  - le pouvoir de substitution du représentant de l’Etat en cas de carence du maire       91

 

-                                 les mesures d’exécution ( mesures préventives et mesures d’urgence)

 

   13    - le défaut d’exécution des mesures de lutte contre les inondations :                                                   carence dans l’annonce des crues (signalisation, information)                      95

   14   - la responsabilité de l’Etat du fait du service d’annonce des crues                            97

   15   - le défaut d’exécution des mesures de lutte contre les inondations :              

abstention dans la réalisation de travaux d’entretien et curage des cours                101

 d’eau non domaniaux

 16  - les conditions générales d’intervention du maire en cas de danger grave                         105   

et imminent

   17   -  l’abstention d’exécutions de mesures d’urgence                                                          107

   18   -  les travaux de lutte contre les inondations sur des propriétés privées                          109

 

Chapitre 3 - les modalités de réalisation des responsabilités :

 

   19   -  le partage des responsabilités entre personnes publiques                                  113

   20   -  les atténuations de la responsabilité                                                               117

   21    -  le préjudice                                                                                                                       121

 

Chapitre 4 - l’impact des ouvrages et travaux publics sur les inondations:

 les hypothèses d’engagement des responsabilités 

 

   22  -  la réparation des dommages causés ou accentués par les ouvrages publics              124

   23  - le partage et les atténuations de responsabilités du fait des ouvrages publics              129

 

Chapitre 5 - urbanisme et inondations : les responsabilités :

 

-                                 la planification, la réglementation et les inondations :

 

   24   - le schéma directeur                                                                                                           134

   25  - le  plan d’occupation des sols et inondations                                                       136

   26 - le plan d’aménagement de zone de la zone d’aménagement concertée                  141

et les inondations

   27  - le plan de prévention des risques naturels prévisibles                                            143

   28  - le projet d’intérêt général                                                                                                  146

 

 

 

-                                 l’information préalable et les inondations :

 

   29   -   le certificat d’urbanisme                                                                                           149

 

-                                 les autorisations et déclarations :

 

   30   -  le permis de construire                                                                                             153

   31   -  l’autorisation de lotir                                                                                                    159

   32    -  les activités de camping et de caravanage                                                        165

   33    -  la déclaration de travaux                                                                                                   170

   34    -  la responsabilité de l’Etat du fait de l’activité de service instructeur                     172

 

Chapitre 6 - responsabilité pénale et civile :

 

-                                 responsabilité pénale :

 

   35  - responsabilité pénale d’une commune pour homicide et blessures involontaires      176

 

-                                 responsabilité civile :

 

   36 - la responsabilité délictuelle des collectivités pour défaut d’entretien                      182

d’un cours d’eau

   37 - la responsabilité délictuelle de l’Etat pour défaut d’intervention auprès                           184

d’une association syndicale

 

La responsabilité de la commune en tant que vendeur :

 

   38  - l’obligation d’information sur le risque d’inondation                                                       186

   39   - le vice caché des terrains vendus                                                                                       188

   40   - la délivrance conforme des terrains vendus                                                                           191

 

La responsabilité de la commune propriétaire : 

 

   41   - l’entretien et la garde des ouvrages des collectivités locales                                       194

 

La responsabilité de la commune gardienne des ouvrages :

 

   42   - la garde des ouvrages de lutte contre les inondations                                            197

 

 

 

La responsabilité des intervenants réalisant des travaux :

 

   43   - l’obligation de remise en état des terrains endommagés par les inondations        199


 

 

 

 

Chapitre 1

 

 

Lutte contre les inondations, entretien et curage

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les obligations des riverains sur les cours

d’eau domaniaux et non domaniaux
1

 

Les travaux d'entretien et de curage de cours d’eau

non domaniaux par les riverains

 

· Fondement juridique :

 

Article 98 du code rural : “ Le lit des cours d’eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives. Si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d’eux a la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l’on suppose tracée au milieu du cours d’eau, sauf titre ou prescription contraire. Chaque riverain a le droit de prendre, dans la partie du lit qui lui appartient, tous les produits naturels et d’en extraire de la vase, du sable et des pierres, à la condition de ne pas modifier le régime des eaux et d’en exécuter le curage conformément aux règles établies par le chapitre III du présent titre (chapitre III : Curage, entretien, élargissement et redressement).

 

Article 114 du code rural : “ Sans préjudice des articles 556 et 557 du code civil et des dispositions de la loi n°92-3 du 3 janvier  1992 sur l’eau, le propriétaire riverain est tenu à un curage régulier pour rétablir le cours d’eau dans sa largeur et sa profondeur naturelle, à l’entretien de la rive par élagage et recépage de la végétation arborée et à l’enlèvement des embâcles et débris, flottants ou non, afin de maintenir l’écoulement naturel des eaux, d’assurer la bonne tenue des berges et de préserver la faune et la flore dans le respect du bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques ”.

 

Article 115 du code rural : “ Il est pourvu au curage et à l’entretien des cours d’eau non domaniaux ainsi qu’à l’entretien des ouvrages qui s’y rattachent de la manière prescrite par les anciens règlements ou d’après des usages locaux. […] ”

 

· Problème de droit :

 

Les obligations des riverains en matière de prévention des inondations, rôle en matière de curage et d’entretien des cours d’eau non domaniaux.

 

· Solution :

 

- La règle selon laquelle l'entretien et le curage des cours d'eau non domaniaux incombent aux riverains est affirmée depuis longtemps :

 

CE 1er décembre 1978, Ministre de l’Equipement c/ Aussel et Delaurenti, n° 05905 : “ Considérant que l’Hers est un cours d’eau ne faisant pas partie du domaine public ; que l’entretien de ce lit incombe aux riverains qui ont créé à cet effet une association syndicale et qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que les services de l’Etat, dans l’exercice de leur pouvoir de police des eaux, aient commis une faute lourde, seule susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

            Voir aussi : CE 9 février 1972, Société industrielle de tous plastiques, Leb. p. 213.

 

- Mais les collectivités publiques peuvent intervenir partiellement ou globalement et faire participer les riverains aux frais :

 

CE 23 mars 1998, Société civile d’exploitation agricole et forestière, n° 155 323 : “ Considérant, en second lieu, qu'en statuant au fond sur la requête dont il était saisi et en précisant dans ses motifs que, si la charge de tels travaux incombait légalement, en vertu de l'article 98 du code rural, à chaque riverain, le syndicat mixte pouvait y procéder et, sur le fondement de l'article 175 du code rural alors en vigueur, faire participer aux dépenses les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent un intérêt ”.

 

- L’Etat en tant que personne publique chargée de l’application de la police des cours d’eau non domaniaux doit prendre toutes les mesures utiles pour assurer le libre écoulement des eaux. Une carence dans sa mission de police est constitutive d’une faute lourde (voir fiche n° 4) :

 

CE 10 juin 1994, Ministre des transports, n° 56.439 : “ Considérant que si, par un arrêté en date du 13 janvier 1961, le préfet des Bouches-du-Rhône avait rappelé qu'il appartenait aux riverains de procéder au curage des cours d'eau, il résulte de l'instruction que le lit du Vallat de Roubaud était, à la date des faits, obstrué, empêchant ainsi l'écoulement des eaux ; que le fait pour le préfet des Bouches-du-Rhône de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer le libre écoulement des eaux, comme lui en faisaient obligation les articles 103 et 115 du code rural, a constitué, dans les circonstances de l'espèce, une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'ainsi le Ministre des transports n'est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à supporter une partie des conséquences dommageables des inondations dont il s'agit ”.

 

· Synthèse :

 

Si l’entretien des cours d’eau non domaniaux relève de la responsabilité des riverains (organisés en association syndicale), les communes et l’Etat peuvent intervenir pour pallier les éventuelles carences (voir fiches n° 4 et n° 5). Les frais engagés pour réaliser ces travaux seront mis à la charge des propriétaires. La réalisation de travaux sur le lit des cours d’eau peut aggraver certaines inondations, d’où l’engagement partiel de la responsabilité des collectivités publiques.


 

2

 

Les ouvrages de lutte contre les inondations

 

· Fondement juridique :

 

Article 33 de la loi  du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais. Protection des digues, des bords de torrents, rivières, fleuves, bords de lacs et de mer : “ Lorsqu’il s’agira de construire des digues à la mer, ou contre les fleuves, rivières et torrents navigables ou non navigables, la nécessité en sera constatée par le gouvernement, et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux, sauf les cas où le gouvernement croirait utile et juste d’accorder des secours sur les fonds publics ”.

 

Circulaire relative aux modalités de gestion des travaux contre les risques inondations, 17 août 1994, Bull. off. du ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, NOR : INTB 9400227 C.

 

· Problème de droit :

 

Identifier les responsabilités relatives à l’édification des ouvrages et les travaux de lutte contre les inondations.

 

· Solution :

 

- Par principe, la protection contre l’action naturelle des cours d’eau, domaniaux ou non domaniaux, est à la charge des riverains qui doivent prendre toutes mesures utiles pour lutter contre les inondations :

           

CE 6 mars 1964, Sieur Dumons, Leb. n° 60054, p. 164 : “ Considérant qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaire l’y contraignant, l’Etat n’a pas l’obligation d’assurer la protection des propriétés riveraines des cours d’eau navigables ou non navigables contre l’action naturelle des eaux ;  qu’il ressort au contraire des articles 33 et 34 de la loi du 16 décembre 1807 que cette responsabilité incombe aux propriétaires intéressés, l’Etat n’intervenant que par l’allocation de subventions au cas où il juge opportun ; qu’il suit de là que l’Etat n’est pas tenu d’assurer l’entretien des ouvrages de défense qui ont pu être établis à cette fin, même s’il a participé à l’édification desdits ouvrages et même si ceux-ci, implantés dans le lit des cours d’eau, constituent des dépendances du domaine public ; que toutefois la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée au cas où la seule  présence de ces ouvrages publics, en l’état où ils se trouvent, peut être regardée comme ayant provoqué ou aggravé les dommages subis par les propriétaires riverains ”.

 

Dans de même sens : CE 9 février 1972, Société Industrielle de tous articles plastiques, n° 79268, Leb. p. 126 ; CE 23 février 1973, Ministre de l’Equipement et du Logement c/ Société Entreprise Tomine, n°81 302 et 81 646, Leb. p. 168 ; CE 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune, n° 35524 et 35874, Leb. p. 93 ; CE 18 décembre 1989, Syndicat intercommunal pour l'entretien de la rivière "La Juine" et ses affluents, n° 86 297, Leb. p. 901.

           

- Mais la responsabilité de l’Etat peut être retenue si des ouvrages publics ont accentué ou causé des crues génératrices de dommages (voir aussi fiche n° 22) :

 

CE 4 avril 1962, Ministre des travaux publics c/ Société Chais d’Armagnac, n° 49258, Leb. p. 245 : “ Considérant  d’autre part que la digue de Condom, construite par l’Etat (…) constitue un ouvrage public dont l’Etat est propriétaire ; que dans ces conditions et nonobstant les dispositions des articles  30 à 35 de la loi du 16 septembre 1807 et celles de l’article 8 du décret-loi du 30 octobre 1935, il appartient à l’Etat d’assurer la surveillance et l’entretien de cet ouvrage en vue de le maintenir en état d’assurer une protection efficace ”.

 

CAA Nantes 25 octobre 1990, M. et Mme Lebelhomme, n° 89NT00963 : la responsabilité de l’Etat n’est pas retenue dans cette affaire puisque le barrage sous sa responsabilité n’a pas contribué à la rupture d’une digue protégeant une propriété des inondations. Les dommages subis par les époux “ ont pour origine des circonstances d’ordre naturel ”.

 

· Synthèse :

 

Il est nécessaire de distinguer les dommages résultant du défaut d’entretien ou de surveillance des cours d’eau - y compris des ouvrages qui y sont implantés - de ceux pouvant être provoqués par l’action naturelle des eaux.  Une crue peut intervenir dans des conditions naturelles, sans qu’aucun fait matériel ne vienne provoquer ou aggraver le phénomène. Le Conseil d’Etat a étendu aux cours d’eaux la jurisprudence du 17 mai 1946 Ministre des travaux publics c/ Commune de Vieux Boucau relative aux dommages causés aux propriétés riveraines de la mer. L’Etat n’a pas l’obligation de protéger les propriétés riveraines des cours d’eaux, navigables ou pas.

En revanche toute intervention susceptible de modifier l’écoulement naturel des eaux et génératrice de dommage conduira les juridictions à reconnaître cette responsabilité.

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les obligations des personnes publiques sur le domaine public fluvial
3

 

La responsabilité de l’Etat du fait des travaux d'entretien

et de curage des cours d’eau domaniaux

 

· Fondement juridique :

 

Article 1er du code du domaine public fluvial : “ Le domaine public fluvial  comprend les cours d’eau navigables ou flottables…, les lacs navigables ou flottables…, les rivières canalisées…, les ports publics…, les ouvrages publics…, les cours d’eau, lacs et canaux rayés de la nomenclature maintenus dans le domaine public ”.

 

Article 14 du Code du domaine public fluvial : “ Le curage des cours d’eaux navigables ou flottables et leurs dépendances faisant partie du domaine public est à la charge de l’Etat ”.

 

Article 29 du Code du domaine public fluvial: “ les riverains, les mariniers et autres personnes doivent faire enlever tout obstacle qui se trouve de leur fait sur le domaine public fluvial. ”

 

Article 33 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 (modifié loi du 2 février 1995):

 

            “  Les départements ou leurs groupements sont compétents pour aménager, entretenir et exploiter les cours d’eaux, canaux, lacs et plans d’eau domaniaux, rayés de la nomenclature des voies navigables ou n’y ayant jamais figuré, qui leurs sont transférés par décret en Conseil d’Etat sur proposition du ou des conseils généraux concernés ”.

 

 

Article 2224-17 du code général de collectivités territoriales : “ L’obligation générale d’entretien à laquelle sont soumis les propriétaires et affectataires du domaine public comporte celle d’éliminer ou de faire éliminer les déchets qui s’y trouvent ”.

 

· Problème de droit :

 

Les responsabilités engagées du fait des obligations de l’Etat pour entretenir les cours d’eau domaniaux.

 

· Solution :

 

- Seul l’Etat est chargé de l’entretien et du curage des cours d’eau domaniaux, sous réserve d'un transfert de compétence à Voie navigable de France ou, désormais, à un département :

 

CE 24 juillet 1981, Ministre de l’Equipement c/ consorts Boissieux,  n° 6482 et 6517 : “ Considérant qu’il résulte de l’instruction que les dommages subis par les consorts Boissieux sont exclusivement imputables aux fautes commises par l’Etat, qui a reconnu l’obligation qui lui est faite par les dispositions de l’article 14 du Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, de procéder au curage du lit des cours d’eau domaniaux ”.

 

- Qui plus est, il doit veiller au bon écoulement des eaux en enlevant tout obstacle et procéder à un curage suffisant, mais sa responsabilité ne sera engagée qu’au regard de ces deux obligations :

 

CE 23 février 1973, Ministre de l’équipement et du logement et société anonyme “ Entreprise Tomine ”, n° 81 302 et 81 646 : “ Considérant que le lit de la Vilaine dans le traversée de Rennes n’avait fait l’objet d’aucun curage depuis de nombreuses années lorsque la crue s’est produite ; que divers ouvrages qui, devenus inutiles, n’avaient cependant pas été supprimés, faisaient obstacle à l’écoulement de l’eau ; qu’à la suite de l’implantation dans le lit de la rivière de 250 piliers en ciment supportant un parc de stationnement, aucune mesure susceptible de compenser le présence de ces obstacles supplémentaires n’avait été prise ; que cet encombrement du lit de la rivière a contribué à élever le niveau atteint par les eaux lors de la crue et à augmenter les surfaces inondées et a, en conséquences, aggravé les effets dommageables de la crue.

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation de la responsabilité ainsi encourue par l’Etat en mettant à sa charge le tiers des dommages subis par le sinistré ”.

 

CAA Paris 8 mars 1994, Ministre de l’environnement c/SA Renault, Comptoir Caraïbe d'importation et d'exportation Sté Martiniquaise de Carton ondulé, n° 93PA00079 : “ Considérant que les obligations de l'Etat au titre de curage d'un cours d'eau domanial qui n'est plus, comme en l'espèce, navigable et flottable se limitent aux travaux nécessaires pour maintenir la capacité naturelle d'écoulement du cours d'eau et ne s'étendent pas aux travaux ayant pour objet d'accroître cette capacité ou de s'opposer dans l'intérêt des propriétaires riverains aux mouvements naturels du lit ; qu'ainsi la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée envers les propriétaires riverains qui ont subi par suite d'inondations des dommages du fait de l'inexécution des travaux de curage que si, compte tenu par ailleurs de l'ensemble des autres caractéristiques de la zone inondée et des autres causes des inondations, l'Etat n'a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir au cours d'eau dont les débordements occasionnent les inondations sa capacité naturelle d'écoulement au regard des crues habituelles de ce cours d'eau et si ce défaut d'exécution de travaux appropriés est une cause directe et certaine des dommages ”

 

- Le juge, pour sa part, peut ordonner des expertises pour établir le lien de causalité entre les inondations et un défaut de curage :

 

CE 6 mars 1964, Sieur Dumons, n° 60054, Leb. p. 164 : “(…) c’est avec raison que les premiers juges ont ordonné sur ce point une expertise, qui ne présente aucun caractère inutile ou frustratoire ”.

 

CAA Paris 8 mars 1994, Ministre de l’environnement c/SA Renault, Comptoir Caraïbe d'importation et d'exportation Sté Martiniquaise de Carton ondulé, n° 93PA00079 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par la cour, que les dommages dont il était demandé réparation ont été causés par le mauvais écoulement de la crue de la Lézarde le 8 août 1988, ont tenu au débit constaté ce jour mais également au faible niveau de la mer dans ce secteur ainsi qu'aux tassements de terrains existant dans la zone industrielle du Lamentin; Considérant, en particulier, qu'il ressort des pièces jointes au dossier que le chenal de la Lézarde n'a pu assurer l'écoulement de la crue à l'origine des dommages, laquelle revêtait pourtant une ampleur habituelle ; qu'ainsi le mauvais écoulement de cette crue résulte, pour partie, de la cessation des dragages systématiques du lit inférieur de la rivière par l'Etat ”.

 

- Enfin, l’Etat doit assurer sa mission de surveillance des activités soumises à autorisation administrative (extractions, installations classées).  Dans le cas contraire, sa responsabilité pour faute lourde est retenue :

 

CE 19 octobre 1988, Ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, ministre de l’environnement c/ M. et Mme Veillard, n° 71 248, Leb. p. 347 : “ Considérant que si, en vertu des dispositions combinées du code du domaine public fluvial, du code du domaine de l’Etat, et du code minier, l’administration a une obligation générale de contrôle et de surveillance des activités d’extraction dans le lit des cours d’eaux domaniaux, (…) la direction départementale de l’équipement est intervenue à plusieurs reprises auprès des sociétés exploitantes et à chaque fois qu’une infraction a pu être constatée ; que dans ces conditions les riverains ne sont pas fondés à soutenir que l’administration a commis dans la surveillance qu’elle devait exercer sur les sociétés titulaires d’autorisation d’extraction, une faute lourde seule de nature à engager la responsabilité de l’Etat ”,

 

· Synthèse :

 

L’Etat ou le délégataire de la gestion du domaine public fluvial ont une double responsabilité. Tout d’abord celle de l’entretien de ce domaine et de ses dépendances, et celle de sa surveillance. Ce dispositif génère concrètement le développement de responsabilités attachées à chacun de ces éléments. Si les riverains du domaine public fluvial ont des obligations particulières, elles peuvent parfois, et sous condition, atténuer les responsabilités de l’Etat mais non l’exonérer au regard notamment des obligations d’entretien et de la surveillance.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les obligations de surveillance des autorités publiques

sur les cours d’eau non domaniaux
4

 

Les interventions et la responsabilité de l’Etat

sur les cours d’eau non domaniaux

 

· Fondement juridique :

 

Article 103 du code rural : “ l’autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d’eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux. Dans tous les cas les droits des tiers demeurent réservés ”.

 

Article 115 du code rural : “ Il est pourvu au curage et à l’entretien des cours d’eau non domaniaux ainsi qu’a l’entretien des ouvrages qui s’y rattachent de la manière prescrite par les anciens règlements ou d’après des usages locaux. (…) Les préfets sont chargés sous l’autorité du ministre compétent de prendre les dispositions nécessaires pour l’exécution de ces règlements et usages ”.

 

Article 117 du code rural : “ Dans tous les cas, les rôles de répartition des sommes nécessaires au payement des travaux de curage ou d’entretien des ouvrages sont dressés sous la surveillance du préfet et rendus exécutoires par lui (…) ”.

 

Article 121 du code rural : “ Un programme pluriannuel d’entretien et de gestion, dénommé plan simple de gestion, peut être soumis à agrément du représentant de l’Etat dans le département par tout propriétaire riverain d’un cours d’eau non domanial et toute association syndicale de propriétaires riverains ”.

 

Article 31 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et décret du 21 octobre 1993.

 

Article L. 151-36 du code rural.

 

Circulaire du 17 août 1994 relative aux modalités de gestion des travaux contre les risques inondations.

 

· Problème de droit :

 

Les conditions d’intervention de l’Etat pour l’entretien et le curage des cours d’eau non domaniaux et les travaux de lutte contre les inondations.

 

· Solution :

 

- Concernant l’entretien et le curage : l’Etat possède un pouvoir discrétionnaire pour décider de ses modalités d’intervention sur un cours d’eau non domanial dans l’intérêt général :

 

CE 20 avril 1951, Sieur Balland, n° 97044, Leb. p. 202 : “ considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’époque où le sieur Balland a acquis le moulin de Pincemaillle et a demandé qu’il soit procédé au curage du Lathan, cette opération n’avait pas été exécutée depuis de nombreuses années ; que d’une part, il n’est pas établi que, dans l’état où se trouvait alors cette rivière, la reprise des curages périodiques prévus […] aurait pu contribuer efficacement à en rétablir le cours normal ; que, s’il a été reconnu que des travaux plus importants étaient nécessaires et s’imposaient dans l’intérêt général, l’administration avait la faculté de fixer elle-même, compte tenu des ressources disponibles, la date d’exécution de ces travaux ; qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’en différant cette exécution, elle ait eu en vue un but étranger à l’intérêt général et ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

CE 13 juillet 1968, Sieur Jouan et Entreprise Razel Frères, n°66395 et 66437 : “ (…) le fait que le préfet n’a pas usé des pouvoirs qu’il tient de l’article 103 et des articles 115 et suivants du code rural pour obliger les propriétaires riverains de l’Aritxague à procéder à ces opérations ou à modifier l’aménagement des ponceaux situés sur ce ruisseau n’a pas, dans les circonstances de l’affaire, constitué une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

CE 22 avril 1992, Association syndicale autorisée des irriguants de la Vallée de la Lèze, n° 72 441 : “ Considérant que ces divers travaux [de curage et faucardage] ont été effectués dans l’intérêt général pour pallier les carences des propriétaires auxquels il incombait d’assurer l’entretien de cette rivière non navigable au droit de leur propriété et les garantir contre les dégâts provoqués par les inondations ”.

 

Voir aussi : CE 26 décembre 1952, Département de la Corrèze,  Leb. p. 605 ; CE 2 février 1957, Champollion , Leb. p. 84 ; CE 25 octobre 1961, De Andreis, Leb. p. 1047.

 

- Une faute lourde est constituée lorsque l’Administration n’est pas intervenue dans l’intérêt général en cas de carence des riverains :

 

CE 10 juin 1994, Ministre des transports, n° 56.439 : “ Considérant que si, par un arrêté en date du 13 janvier 1961, le préfet des Bouches-du-Rhône avait rappelé qu'il appartenait aux riverains de procéder au curage des cours d'eau, il résulte de l'instruction que le lit du Vallat de Roubaud était, à la date des faits, obstrué, empêchant ainsi l'écoulement des eaux ; que le fait pour le préfet des Bouches-du-Rhône de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer le libre écoulement des eaux, comme lui en faisaient obligation les articles 103 et 115 du code rural, a constitué, dans les circonstances de l'espèce, une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'ainsi le Ministre des transports n'est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à supporter une partie des conséquences dommageables des inondations dont il s'agit ”.

 

CAA Nancy 9 juillet 1992, Société Spie-Batignolles, n° 90NC00150 : constitue une faute lourde du préfet le fait de s’abstenir alors qu’ “ en raison des caractéristiques hydrographiques de la Solre et notamment des très grandes variations de débit de ce cours d'eau non domanial l'exécution de travaux de curage, qui n'avaient plus été effectués depuis de nombreuses années, présentait un caractère indispensable, compte tenu de l'encombrement du lit ; que d'ailleurs, l'administration a décidé de procéder au curage de la Solre en 1981, soit quelques mois après la crue litigieuse ; qu'il ressort du rapport de l'expert Demay que cette absence de curage a contribué à l'aggravation des effets de la crue du 21 juillet 1980 ; que par suite, en intervenant tardivement pour faire procéder à ce curage, l'Etat a commis une faute lourde engageant sa responsabilité à l'encontre de la société Spie-Batignolles ; que cependant, compte tenu de ce que le curage n'aurait pas permis d'éviter l'inondation, mais seulement d'en réduire l'intensité, il n'y a lieu de mettre à la charge de l'Etat que l'indemnisation de l'aggravation du préjudice subi par la Société Spie-Batignolles du fait du non curage de la Solre ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant l'Etat à payer à la Société Spie-Batignolles une indemnité représentant 10 % du préjudice subi par elle ”.

 

A contrario :

 

CAA Nancy 2 juillet 1998, Société des autoroutes du nord et de l’est de la France, n° 92NC00214 : “ Considérant, en second lieu, que la Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France n'établit pas que la direction départementale de l'agriculture se serait opposée au curage des ouvrages hydrauliques de décharge de l'autoroute A4, qu'il lui appartient d'entretenir en sa qualité de concessionnaire ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux incidences qu'une telle intervention serait susceptible de comporter sur les propriétés situées en aval de l'autoroute, le préfet de la Meuse n'a pas commis une faute lourde en n'usant pas du pouvoir de police des cours d'eau non domaniaux qu'il tient du code rural afin d'obliger les propriétaires riverains à procéder au curage de l'Orne et de ses affluents ; que, dès lors, les conclusions de la Société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France dirigées contre l'Etat doivent être rejetées ”

 

CAA Bordeaux, 5 mai 1997, M et Mme Rouanet et M et Mme Saint Martin, n°94 BX 00 383 : “ Considérant que si, en vertu des article 103 et 115 du code rural, il incombe aux préfets de prendre toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux et pour l’exécution des anciens règlements ou usages locaux de façon à pourvoir au curage des cours d’eau non domaniaux, il ne résulte pas de l’instruction que l’inondation dont ont été victimes les requérants trouve son origine dans l’absence d’entretien du lit ou des berges du ruisseau ‘Le Laou’ ou de toute autre cause empêchant l’écoulement normal de ses eaux ; que la nécessité de travaux de curage particulier à l’endroit du lotissement en cause n’était pas apparue antérieurement à l’inondation alors même que les services de l’Etat auraient été alertés peu de temps auparavant de l’existence d’une pollution persistante qui serait due à des déversoirs d’orages situés sur la commune de Pau ; que, dès lors, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n’a commis, en l’espèce, aucune faute en n’usant pas des pouvoirs de police qu’il tient des articles 103 et 115 du code rural ”.

 

- En présence d’une association syndicale, l’intervention de l’Etat n’est justifiée qu’en cas de carence de celle-ci  :

 

CE 1er décembre 1978, Ministre de l’Equipement c/ Aussel et Delaurenti, n° 05905 : “ Considérant que l’Hers est un cours d’eau ne faisant pas partie du domaine public ; que l’entretien de ce lit incombe aux riverains qui ont créé à cet effet une association syndicale et qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que les services de l’Etat, dans l’execice de leur pouvoir de police des eaux, aient commis une faute lourde, seule susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

CE 27 janvier 1989, Société anonyme FILATUFT, n°67722 : “ Considérant qu'aux termes des articles 103 et 115 du code rural: "l'autorité administrative . . . prend toutes les dispositions pour assurer le libre cours des eaux" et "il est pourvu au curage des cours d'eau non domaniaux et à l'entretien des ouvrages qui s'y rattachent, de la manière prescrite par les anciens règlements et d'après les usages locaux.  Les préfets sont chargés sous l'autorité du ministre compétent, de prendre les dispositions nécessaires pour l'exécution de ces règlements et usages"; que les opérations de curage de la rivière Sane avaient été effectuées normalement par l'association syndicale et que la nécessité de travaux de curage extraordinaire et d'entretien des berges aux abords de la Société anonyme Filatuft n'était pas apparue antérieurement à l'inondation; que le libre cours des eaux était assuré; que, dès lors, l'autorité administrative n'a commis, en l'espèce, aucune faute en n'usant pas des pouvoirs de police qu'elle tient des articles 103 et 115 du code rural ”

 

- L’Etat est également responsable s’il s’est abstenu de prendre des dispositions nécessaires pour assurer le respect d’une réglementation qu’il avait lui-même prescrite :

 

CE 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune et autre, n° 35 524 et 35 874 : “ (…) si le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit, par son arrêté du 26 octobre 1932 (…) le curage de l’Huveaune, il s’est abstenu ultérieurement de prendre des dispositions nécessaires pour assurer le respect de la réglementation qu’il avait édictée, alors qu’une crue importante avait eu lieu un an auparavant et que le lit du cours d’eau était notoirement encombré au moment des faits litigieux ; qu’il suit de là que, si le syndicat intercommunal de l’Huveaune est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge les conséquences dommageables de cet encombrement, la société Micasar est recevable et fondée à demander, par ses conclusions d’appel provoqué, que ces conséquences soient mises à la charge de l’Etat ”.

 

CE 31 octobre 1986, Ministre de l’urbanisme, n° 56 612 : “ Considérant que si le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit par arrêté du 26 octobre 1932, modifié par un arrêté du 13 janvier 1961, le curage de l’Huveaune, il s’est abstenu ultérieurement de prendre les dispositions nécessaires pour prévenir les conséquences dommageables des crues fréquentes dudit cours d’eau, que, dès lors, le ministre de l’urbanisme n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge 20 % des conséquences dommageables à la crue de l’Huveaune ” .

 

- Enfin, l’institution d’un syndicat pour l’entretien des cours d’eau ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’Etat soit retenue en cas de carence dans sa mission de curage :

 

CAA Bordeaux 22 mars 1999, GIANESINI, n° 96BX01355 : “ Considérant, en premier lieu, qu'à supposer même que le syndicat intercommunal d'aménagement du Crieu (S.I.A.C), qui a pour objet la réalisation du programme d'aménagement hydraulique du Crieu, ait une mission d'entretien du lit du cours d'eau, cette circonstance n'est pas de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'il appartenait au préfet, autorité de l'Etat, seul chargé en vertu des articles 103 et suivants du code rural de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux, de prendre les dispositions utiles pour veiller au curage dudit cours d'eau ; qu'il n'est pas allégué que les travaux publics que le syndicat a pu effectuer dans le cadre de son objet statutaire aient aggravé les dommages subis par M. GIANESINI ”.

 

CAA Bordeaux 22 mars 1999, Groupement agricole d’exploitation en commune de Peyroutet, n° 96BX01356 :  Considérant, en premier lieu, qu'à supposer même que le syndicat intercommunal d'aménagement du Crieu (S.I.A.C.), qui a pour objet la réalisation du programme d'aménagement hydraulique du Crieu, ait une mission d'entretien du lit du cours d'eau, cette circonstance n'est pas de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'il appartenait au préfet, autorité de l'Etat, seul chargé en vertu des articles 103 et suivants du code rural, de la conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux, de prendre les dispositions utiles pour veiller au curage dudit cours d'eau ; qu'il n'est pas allégué que les travaux publics que le syndicat a pu effectuer dans le cadre de son objet statutaire aient aggravé les dommages subis par le G.A.E.C. de Peyroutet ”

 

- Concernant les ouvrages de lutte contre les inondations, le préfet décide d’intervenir sur la base de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 (anciennement loi n° 73-624 du 10 juillet 1973) en cas de défaillance des riverains qui devront participer aux dépenses :

 

CE 29 avril 1998, M. Nold, M. Cleron, n° 90 657 : “ Considérant que les conditions dans lesquelles le préfet peut décider la construction de digues destinées à assurer une protection contre les inondations sont régies, non par les article 97 et suivant du code rural, mais par les dispositions de la loi n° 79-624 du 10 juillet 1973 relative à la défense contre les eaux et du décret n° 74-851 du 8 octobre 1974 pris pour son application ; que par suite les moyens tirés de la méconnaissance du code rural sont inopérants ”.

 

- Mais il n’est pas tenu d’entreprendre ces travaux de lutte contre les inondations ni d’assurer leur entretien a posteriori, même s’il a participé à leur édification :

 

CE 17 mai 1946, Ministre des travaux publics c/ Commune de Vieux-Boucau, n° 60054, Leb. p. 135 et CE 6 mars 1964, Sieur Dumons, Leb. p. 164 : “ Considérant qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires l’y contraignant, l‘Etat n’a pas l’obligation d’assurer la protection des propriétés riveraines des cours d’eau navigables ou non navigables contre l’action naturelle des eaux, (…) qu’il suit de là que l’Etat n’est pas tenu d’assurer l’entretien des ouvrages de défense qui ont pu être établis à cette fin, même s’il a participé à l’édification desdits ouvrages et même si ceux-ci, implantés dans le lit du cours d’eau, constituent des dépendances du domaine public ; que toutefois la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée au cas où la seule présence de ces ouvrages publics, en l’état où ils se trouvent, peut être regardée comme ayant provoqué ou aggravé les dommages subis par les propriétés riveraines”.

 

- Dans tous les cas, si l’Etat n’est pas obligé d’entreprendre des travaux pour parer aux inondations, sa responsabilité sera recherchée par ailleurs si des ouvrages publics ont contribué au dommage ou s’il avait la gestion d’un ouvrage de lutte contre les inondations :

 

CE 4 avril 1962, Ministre des travaux publics c/ Société Chais d’Armagnac ”, n° 49258, AJDA 1962, p. 592 : “ Considérant  d’autre part que la digue de Condom, construite par l’Etat […] constitue un ouvrage public dont l’Etat est propriétaire ; que dans ces conditions et nonobstant les dispositions des articles 30 à 35 de la loi du 16 septembre 1807 et celles de l’article 8 du décret-loi du 30 octobre 1935, il appartient à l’Etat d’assurer la surveillance et l’entretien de cet ouvrage en vue de le maintenir en état d’assurer une protection efficace ”.

 

· Synthèse :

 

Longtemps la responsabilité de l’Etat en cas de carence dans l’entretien et le curage d’un cours d’eau non domanial n’a pas été retenue. Aujourd’hui, la jurisprudence permet de constater que l’Etat ne doit pas s’abstenir d’intervenir en cas d’insuffisance des riverains. Le juge est de plus en plus vigilant sur les obligations de l’Etat qui ne doit pas manquer à sa mission de surveillance et d’intervention.


 

5

 

Les interventions et la responsabilité des communes

sur les cours d’eau non domaniaux

 

· Fondement juridique :

 

Article 111 du code rural : “ Les maires peuvent, sous l’autorité des préfets, prendre toutes les mesures nécessaires pour la police des eaux ”.

 

Article 122 du code rural : “ Si les travaux de curage, d’entretien, d’élargissement, de régularisation et de redressement intéressent la salubrité publique, l’acte qui les ordonne peut, après avis du conseil général et de conseils municipaux intéressés, mettre une partie de la dépense à la charge des communes dont le territoire est assaini ”.

 

Article L. 151-36 du code rural.

 

Article 31 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et décret du 21 octobre 1993.

 

Circulaire du 17 août 1994 relative aux modalités de gestion des travaux contre les risques inondations.

 

· Problème de droit :

 

Les obligations et les responsabilités des communes (et leurs groupements) en matière de lutte contre les inondations et d’entretien et curage des cours d’eau non domaniaux.

 

· Solution :

 

- Une commune n’a pas l’obligation d’intervenir pour l’entretien et le curage des cours d’eau non domaniaux si les règlements locaux ne l’obligent pas à le faire :

 

CE 26 octobre 1928, Mesnard, Leb. p. 1092 : “ Considérant qu’aux termes des articles 18 et suivants de la loi du 8 avril 1898, c’est aux préfets seuls qu’il appartient d’assurer, conformément aux anciens règlements et usages locaux, le curage des cours d’eau non navigables et non flottables, quel que soit d’ailleurs le but du curage et sans qu’il y ait à distinguer suivant qu’il est prescrit en vue de procurer le libre écoulement des eaux ou dans un but de salubrité publique ; qu’à défaut d’anciens règlements ou usages locaux, il est, soit procédé en conformité de la loi du 21 juin 1865 – 22 décembre 1888, soit statué par un décret en Conseil d’Etat ; qu’ainsi, en aucun cas, les maires n’ont qualité pour prescrire le curage d’un cours d’eau non navigable ni flottable”.

 

CE 26 octobre 1962, Ville de Toulouse, n° 51538 : “ Considérant qu’aux termes de l’article 115 du code rural : “ il est pourvu au curage des cours d’eau non navigables ni flottables et à l’entretien des ouvrages qui s’y rattachent de la manière prescrite par les anciens règlements ou d’après les usages ”; que l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 15 novembre 1832 a, conformément à la loi du 4 mai 1803, repris et codifié les anciens règlements et usages locaux ; que si l’article 48 dudit arrêté met à la charge des communes l’entretien du lit des rivières non navigables et des ruisseaux, l’article 52 du même règlement dispose que “ les ruisseaux  qui versent leurs eaux dans les nauses publiques ou dans les rivières ou ruisseaux doivent être entretenus par les riverains (…) Considérant qu’il ne résulte pas de la combinaison des dispositions de ces textes que la commune de Launaguet ait eu l’obligation de procéder elle-même sur son territoire au curage du fossé-mère d’Encource” sa responsabilité n’est pas engagée.

 

- tout au plus peut-elle intervenir en cas d’urgence (voir fiche n° 8 et 15) :

 

CE 28 mars 1939, Dame et Demoiselle Beaulac, Leb. 234 : “ [Considérant] qu’en vertu de la loi du 8 avril 1898 les règlements permanents destinés à assurer le libre écoulement des eaux des cours d’eau non navigables ni flottables rentrent dans les attributions du préfet ; que, dès lors, les dispositions de l’arrêté attaqué, par lesquelles le maire de Nizas, qui ne se trouvait pas dans un des cas exceptionnels où il aurait pu prescrire des mesures d’urgence pour prévenir un péril imminent, a réglementé de manière permanente l’élagage et le recépage le long des ruisseaux de la commune, sont entachés d’incompétence ”.

Dans le même sens : CE 10 décembre 1954, Demoiselle Daude, Leb. p. 658.

 

CE 28 décembre 1992, M. Duga, n°73 627, Leb. p. 954 : “ Considérant que, par arrêté préfectoral en date du 14 juin 1982, le préfet de la Gironde a prescrit aux riverains de la rivière "La Jaugue", cours d'eau non navigable ni flottable, sur le fondement des articles 103 et 114 à 122 du code rural, de procéder au curage de la partie du cours d'eau concernant chacun d'entre eux, en vue de rétablir le libre écoulement des eaux ; que faute pour les riverains, notamment pour les consorts DUGA, d'avoir effectué les travaux nécessaires dans le délai que l'arrêté préfectoral leur avait imparti, et en considération des risques imminents d'inondation que l'accumulation des eaux en amont de la partie de la rivière bordant la propriété des consorts DUGA faisait courir à plusieurs maisons d'habitation comme à la sécurité de la circulation sur une route départementale, les maires des communes de Quinsac et de Camblanes et Meynac ont fait procéder d'urgence au curage de "La Jaugue" au droit de la propriété ”.

 

- C’est à l’autorité de l’Etat qu’il incombe d’agir :

 

CE 22 avril 1970, Duhaze, n° 75 361 : c’est au préfet, en vertu de l’article 115 du code rural, qu’il incombe, si l’intérêt général l’exige, de prendre les dispositions nécessaires pour l’exécution des règlements et usages relatifs au curage des cours d’eau. En l’absence, en l’espèce, d’accident ou de fléaux calamiteux, il n’appartient pas au maire d’ordonner le curage du cours d’eau.

 

- Une commune peut toutefois être investie d’une mission de curage et d’entretien en s’appuyant sur deux textes à sa disposition : l’article 31 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et l’article L. 151-36 du code rural. Mais dans les deux cas, cette décision est encadrée par l’Etat qui décide ou non de déclarer l’intérêt général ou l’urgence de ces opérations.

La commune peut alors décider de faire peser sur les riverains la charge de ces travaux :

 

CE 23 mars 1998, Société civile d’exploitation agricole et forestière, n° 155323 : “ (…) si la charge de tels travaux incombait légalement, en vertu de l’article 98 du code rural, à chaque riverain, le syndicat mixte pouvait y  procéder et, sur le fondement de l’article 175 du code rural, faire participer aux dépenses les personnes qui ont rendu les travaux nécessaires ou qui y trouvent un intérêt ”.

 

- Pour les travaux de lutte contre les inondations, une commune n’est pas obligée d’entreprendre des travaux ni d’assurer l’entretien des ouvrages dès lors qu’aucun texte ne le lui impose :

 

CE 14 mars 1950, Frouin et autres, Gaz. 13 avril 1951, p. 259 : “ Considérant que la ville n’était pas tenue d’édifier des ouvrages de défense contre les eaux ; qu’ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que sa responsabilité se trouve engagée ”.

CE 14 mars 1961, Fravin et autres, Leb. p. 160 : “ La ville n’était pas tenue d’édifier des ouvrages de défense contre les eaux (…) ; ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que sa responsabilité se trouve engagée ”.

CE 6 janvier 1971, Dame Louvet, n° 75 282, Leb. p. 6 : “ Considérant en revanche que la ville de Biarritz n’était pas légalement tenue d’exécuter des travaux en vue de la protection des propriétés privées contre les atteintes de la mer ”.

TA Montpellier 19 janvier 1994, M. Dunyach c/ Commune de Bize-Minervois, Préfet de l’Aude, n° 902 982 : une commune n’est pas obligée d’assurer la protection contre les inondations.

 

- Mais une commune a la faculté d’entreprendre des travaux pour remédier au risque d’inondation par le biais d’un syndicat :

 

CE 8 novembre 1991, M. Bazin et société Horti Sylva, n° 51001 : “ Considérant qu’il n’est pas contesté que l’opération déclarée d’utilité publique a pour objet de remédier aux risques d’inondation dans les communes membres du syndicat ; qu’il ne ressort pas du dossier que les inconvénients du projet et son coût l’emportent sur ses avantages dans des conditions de nature à lui faire perdre son caractère d’utilité publique ” (rejet de la demande d’annulation de la déclaration d’utilité publique).

 

TA Strasbourg 24 juin 1997, M. Jehl c/ préfet du Haut-Rhin, commune d’Illhausern, n° 952640 : déclaration d’utilité publique d’un projet de protection d’une commune contre les inondations.

 

· Synthèse :

 

Les interventions des communes sur les cours d’eau non domaniaux (du fait de la prééminence de l’Etat) sont conditionnées par l’urgence en cas de péril imminent. Lorsque l’intérêt général l’exige une politique de prévention peut être entreprise.

                       

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les responsabilités résultant de la gestion

de l’entretien des cours d’eau non domaniaux


 

6

 

Les conséquences du stockage des matières de curage

                       

· Fondement juridique :

 

            Les boues de curage sont soit stockées, soit épandues sur le sol.

 

- régime antérieur à 1995 : les boues sont considérées comme des matières fertilisantes, elles sont le plus souvent épandues avec l’accord des propriétaires

 

- depuis 1995 : article 115 alinéa 2 :  “ Les propriétaires riverains ne sont assujettis à recevoir sur leur terrain les matières de curage que si leur composition n'est pas incompatible avec la protection des sols et des eaux, notamment en ce qui concerne les métaux lourds et autres éléments toxiques qu'elles peuvent contenir ”.

 

· Problème de droit :

 

Les responsabilités inhérentes aux pollutions résultant de l’épandage de ces boues.

 

· Solution :

 

- Dans le régime antérieur à 1995 l’ensemble des intervenants considéraient que la dépose de ces boues constituait une plus-value pour le propriétaire accueillant (enrichissement du sol), sans s’attacher à la composition chimique des boues. Il en résultait que le stockage de telles boues sur des parcelles riveraines du cours d’eau n’était pas constitutif d’une faute, même si dans cette affaire il s’agissait d‘un curage accompli dans l’urgence :

 

CE 28 décembre 1992, M. Duga, n° 73.627 : “ Considérant que la décision des maires des deux communes de faire exécuter les travaux de curage sous l'emprise de l'urgence ne présentait aucun caractère fautif ; qu'à supposer même que l'entreprise chargée des travaux ait déposé sans l'accord de M. Jean DUGA sur la berge de la propriété indivise l'intégralité des matières provenant du curage, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu notamment de la plus-value que cet apport de terres était susceptible de donner à la parcelle litigieuse, les consorts DUGA aient subi de ce chef un préjudice excédant les sujétions normales inhérentes à leur qualité de propriétaires riverains ”.

 

- la toxicité de certaines boues de curage ou de dragage épandues génère désormais un contentieux en développement. La loi du 2 février 1995 permet aux propriétaires de refuser l’épandage. La destination même des terrains renfloués par de telles boues est désormais posée, par application notamment du principe de précaution. A titre d’exemple, notons la décision :

 

CE 30 avril 1997, Commune de Quevillon, req. 159224 : “  Considérant que, compte tenu, d’une part, du risque de nuisances lié notamment à la restitution finale à l’agriculture des terrains renfloués par les boues de dragage dont l’inocuité toxicologique n’est pas garantie, d’autre part, de l’importance de la superficie concernée qui représente 6% du territoire communal, les changements ainsi apportés au plan d’occupation des sols portent atteinte à son économie générale ; que, par la suite, la Commune de Quevillon n’a pu légalement recourir à la procédure prévue par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l’article L 123.4, pour modifier son plan d’occupation des sols. ”

           

· Synthèse :

 

Les responsabilités relatives à l’entretien des cours d’eau imposent aussi de s’interroger sur la gestion des boues de curage ou de dragage.

L’épandage des boues peut engager la responsabilité de l’autorité qui  a autorisé l’opération ou de celle qui l’a réalisée. La loi de 1995 permet désormais au propriétaire de refuser ces boues. L’intervention d’inondations peut par ailleurs favoriser la dispersion de boues toxiques sur le sol, soit du fait d’ouvrages publics soit du fait d’un stockage mal maîtrisé. L’Etat doit donc s’assurer de la bonne gestion de ces boues, sa responsabilité pourrait en effet être engagée pour carence ou négligence constitutives de faute. Le droit de l’eau et le droit de l’urbanisme apparaissent ici indissociables.

Enfin, les boues de curage sont susceptibles de provoquer une pollution des eaux, pénalement répréhensible (article L 232-2 du Code rural ; Crim., 2 juillet 1998, n° 4117 : condamnation des agents de Voies Navigables de France pour avoir rejeté des boues issues de dragage ayant provoqué une pollution dans le cours d’eau.)

 


 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2

 

 

Pouvoirs de police générale en matière d’inondation


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les mesures de prévention

 


 

7

 

La distinction entre prescription et exécution des mesures de police

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5°du code général des collectivités territoriales (ancien article L. 131-2 du code des communes) : “  La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure. ”

 

· Problème de droit:

 

La nature des responsabilités du fait de l’exercice des pouvoirs de police conduisant à la prescription de mesures et à leur exécution.

 

· Solution:

 

- La responsabilité de la commune est reconnue sur la base de la faute simple à raison de la prescription des mesures préventives de police:

 

CE 31 mars 1965, Consorts Peydessus c/ commune de Loudenvielle, n° 61280, Leb. p. 212 : “ Considérant, d'une part, [qu'] il résulte de l'instruction que la municipalité avait (...) conçu un plan de défense contre les inondations; que, bien que ledit plan n'ait été que partiellement exécuté à l'époque du sinistre et que les ouvrages déjà construits se soient révélés insuffisants à contenir les eaux, il n'est pas établi, dans les circonstances de l'affaire, que la municipalité ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dans la prescription des mesures de police destinées à prévenir les accidents et fléaux calamiteux ”.

 

- Par contre, la responsabilité de la commune est constitutive d'une faute lourde  lorsqu'elle exécute des mesures de police édictées dans le but de prévenir ou de lutter contre les inondations:

 

CE 31 mars 1965, Consorts Peydessus c/ commune de Loudenvielle, n° 61280, Leb. p. 212 : “ Considérant, d'autre part, qu'au moment du sinistre, et en vue de détourner du village les eaux qui s'étaient engouffrées dans un chemin creux conduisant à celui-ci, le maire a ordonné l'érection d'un barrage en travers dudit chemin et la destruction, au droit de la propriété des consorts Peydessus, d'un pan de la murette le bordant vers l'aval; qu'en prenant ces décisions, qui ont concouru à préserver avec succès le village, le maire n'a pas commis de fautes lourdes seules de nature à engager le cas échéant la responsabilité de la commune dans l'exécution des mesures de police susmentionnées ”.

 

Dans le même sens, à propos de l’abstention du maire de prendre des mesures complétant l’arrêté préfectoral et qui auraient évité l’accumulation d’ordures dans le cours d’eau : CE 11 mai 1960, Commune du Teil c/ Société des chaux et ciments de Lafarge et du Teil, Leb. p. 307.

 

· Synthèse :

 

Il faut  distinguer entre la prescription et l'exécution des mesures de police.

 

En principe, la prescription engage la responsabilité de la commune sur la base d'une faute simple (en effet, l'autorité municipale n'agit pas dans l'urgence ou la précipitation, elle est donc en mesure de prendre des décisions opportunes). En revanche, pour réduire les effets d’une crue, l’exécution de ces mesures peut, en elle-même, générer des dommages. Dans ce cas c’est la responsabilité pour faute lourde qui sera exigée.

 

Toutefois, des circonstances locales peuvent conduire à une interprétation plus nuancée de ces principes d’application.

 


 

8

 

Le défaut d'édiction des mesures de prévention

ou de lutte contre les inondations

 

 

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5° du code général des collectivités territoriales (ancien article L. 131-2 du code des communes): “ La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure ”.

 

· Problème de droit:

 

Identification des responsabilités respectives des communes et de l’Etat dans la prévention du risque inondation, la sanction de l’abstention.

 

· Solution:

           

- Le maire qui ne prend aucune disposition pour prévenir les inondations, alors qu’il est tenu de faire usage de ses pouvoirs de police générale, commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (faute simple)  :

 

CE 12 janvier 1983, Commune de Laronx c/ mutuelle d'assurance des instituteurs de France, n°19.952 : “ Considérant (…) qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en s'abstenant de prescrire, en vertu des dispositions du 6° de l'article 97 du code l'administration communale devenu article L.131-2 du code des communes, des mesures de police destinées à prévenir les inondations dans le lotissement" [travaux permettant de remédier au défaut de conception du système d'évacuation des eaux]. ”

 

CAA Lyon, 13 mai 1997, Balusson c/ Mutuelle du Mans, Dalloz 1998, p. 11 : “ Considérant que les dispositions susmentionnées des décrets du 7 février 1959 et du 9 février 1969 [police spéciale des campings exercée par le préfet] ne dispensaient pas le maire du Grand Bornand d'exercer les pouvoirs de police qu'il tenait de l'article 107, alinéa 1er, du code de l'administration communale, repris par l'article L. 131-2 du code des communes, alors en vigueur, qui lui imposait de veiller à la sécurité publique et, plus particulièrement, de prévenir par des précautions convenables les fléaux calamiteux tels que les inondations; qu'il est constant que le maire n'a prescrit à l'égard de l'exploitant du terrain de camping Le Borne aucune mesure ou interdiction à cette fin (...); qu'en méconnaissant ainsi ses obligations, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des victimes. ” (Faute simple)

           

- Parfois, cette abstention sera constitutive d’une faute lourde, même s’il s’agit d’une simple mesure de police, les circonstances locales, précisément analysées par les juridictions, mais aussi la gravité des faits déterminent  la reconnaissance de cette responsabilité :

 

CAA Nantes 25 octobre 1990, M. et Mme Lebelhomme, n°89NT00963 : “ Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que, dans les circonstances de l'affaire, le maire de la commune de Graye-sur-Mer, en s'abstenant de prescrire les mesures de nature à prévenir le risque d'inondation, ait commis dans l'exercice de la police municipale une faute lourde, seule susceptible d'engager la responsabilité de la commune ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à invoquer l'absence d'intervention du maire pour demander la condamnation de la commune. ”

 

CE 16 mai 1986, Commune de Cilaos, n° 45.296, Leb. p. 707 : “ Considérant qu'aux termes de l'article 97-6° du code de l'administration communale, alors en vigueur, "la police municipale comprend notamment (…)" le soin de prévenir par des précautions convenables et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les (…) inondations (…); de pourvoir d'urgence à toutes mesures d'assistance et de secours et s'il y a lieu de provoquer l'intervention de l'administration supérieure" ; qu'ainsi, alors même que l'accident s'est produit sur un chemin départemental et que la police de la circulation sur ce chemin départemental, situé en dehors de l'agglomération communale, relevait de la compétence du préfet, il appartenait au maire d'user des pouvoirs de police qu'il tient de l'article précité, pour prévenir des accidents susceptibles d'être entraînés par les pluies torrentielles sur le territoire de la commune; qu'en ne prenant pas les mesures nécessaires pour empêcher les enfants de quitter le collège d'enseignement secondaire afin de rejoindre leur domicile par leurs propres moyens, alors qu'il ne pouvait ignorer que le 10 mars 1973 était un jour de sortie pour les internes de l'établissement, qu'il savait que le service de ramassage scolaire était interrompu et qu'il devait connaître les dangers auxquels s'exposeraient les enfants qui emprunteraient le chemin départemental 241, le maire a commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune.”

 

? Synthèse :

 

Au titre de ses pouvoirs de police générale le maire est tenu d’intervenir pour prévenir le risque d’inondation. Son abstention, source de dommages du fait d’inondations peut entraîner la mise en œuvre de la responsabilité de la commune.

 

En principe, une faute simple suffit pour engager la responsabilité des personnes publiques, mais selon les circonstances de l’espèce le juge estimera que la faute lourde sera requise. L’appréciation de ces circonstances est ici déterminante.


 

9

 

L'édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations

 

Les plans de défense contre les inondations

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5°du Code général des collectivités territoriales (ancien article L. 131-2 du code des communes) : “ La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure . ”

 

· Problème de droit:

 

Les limites des pouvoirs et des responsabilités des maires dans la prévention du risque inondation : la prescription des mesures.

           

· Solution:

 

La responsabilité de la commune à raison de la prescription des mesures préventives de police ne peut être recherchée que sur la base de la faute simple :

 

CE 31 mars 1965, Consorts Peydessus c/ commune de Loudenvielle, n°61-            280, Leb. p. 212 : “ Considérant, d'une part, [qu’] il résulte de l'instruction que la municipalité avait...conçu un plan de défense contre les inondations; que, bien que ledit plan n'ait été que partiellement exécuté à l'époque du sinistre et que les ouvrages déjà construits se soient révélés insuffisants à contenir les eaux, il n'est pas établi, dans les circonstances de l'affaire, que la municipalité ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune dans la prescription des mesures de police destinées à prévenir les accidents et fléaux calamiteux. ”

 

· Synthèse :

 

Les pouvoirs de police municipale de la sécurité publique obligent le maire à prescrire les mesures de lutte contre les inondations qui s'imposent. Parmi ces mesures figurent les plans de défense contre les inondations. La responsabilité du fait de la prescription de ces plans se distingue de la responsabilité du fait de l'exécution des travaux qui relève du régime de la faute lourde.

 

           

 

 

 


 

10

 

L'édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations

 

Le contrôle des travaux privés

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5°du Code général des collectivités territoriales (ancien article L131-2 du code des communes) : “ La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure . ”

 

· Problème de droit:

 

Les conditions de l’intervention du maire quant à l’exécution de travaux privés de nature à favoriser ou générer des inondations.

 

· Solution:

 

- Lorsque les travaux présentent un danger pour le public parce qu'ils sont entrepris sur un terrain exposé aux risques d'inondation, le maire est fondé à user de ses pouvoirs de police générale afin de les interdire:

 

CE 13 juillet 1977, Société de gestions foncières, Leb. p. 337 : “ Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'en raison du danger créé par les travaux de terrassement entrepris, sans autorisation ni déclaration préalable, sur un terrain particulièrement exposé aux risques d'inondation, le maire (...) n'a pas excédé les pouvoirs qu'il tient des articles 96 et 97 (...) du code d'administration communale, en ordonnant la cessation desdits travaux [construction d'une résidence]. ”

 

- Dans certains cas, les travaux entrepris sont de nature à aggraver le risque d'inondation. Le maire peut alors les interdire :

 

CE 20 juillet 1971, Sieur Mehu, Leb. p. 567 : “ Considérant que, pour éviter que l'exploitation par leurs propriétaires de dunes de sable bordant le littoral de la commune réduise l'épaisseur du cordon naturel de sable qui protège l'arrière-pays contre les incursions de la mer en cas de tempête ou de forte marées, le maire de cette commune, par un arrêté du 23 février 1966, visant l'article 97 du code de l'administration communale, et le préfet (...), ont interdit toute extraction de sable sur les dunes bordant le littoral de cette commune; (...)

Considérant que bien que les mesures prises pour protéger les rivages de la mer puissent affecter les conditions d'exploitation de carrières situées à proximité du littoral, l'existence de pouvoirs relevant de la police spéciale des carrières et destinées à permettre aux autorités publiques de parer aux dangers tenant à la présence ou à l'exploitation de carrières ne fait pas obstacle à ce que le maire use de ses pouvoirs de police générale pour assurer la protection des terres contre les inondations d'origine maritime; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le maire (...) aurait excédé sa compétence en interdisant l'extraction de sable, pierres et autres matériaux dans les dunes qui bordent le territoire de la commune. ”

 

TA Lille 4 juillet 1996, Préfet de la région Nord Pas-de-Calais, Préfet du Nord c/commune d'Ennetières-en-Weppes, Leb. p. 1058 : un maire est habilité à interdire la réalisation de travaux de redressement d'une rivière décidés par une association foncière de remembrement, si cette interdiction apparaît seule de nature à prévenir les inondations qui seraient la conséquence de la destruction des dispositifs aménagés.

 

- Une autorisation d'affouillement accordée par le maire ne fait pas obstacle à ce que celui-ci use de ses pouvoirs de police pour ordonner l'interruption des travaux autorisés préalablement (à condition de justifier que ces travaux mettent en danger la sécurité publique):

 

 

CE 17 mai 1991, SCI de Boumois, n° 81.794 : “ Considérant que la SCI de Baumois a été autorisée à aménager un étang par arrêté du maire (…),  qualifié de permis de construire, mais constituant en réalité une autorisation d'affouillement délivrée en application de l'article R 442-2 du code de l'urbanisme; que par arrêté du 23 septembre 1985, le maire de ladite commune a prescrit l'interruption immédiate des travaux entrepris sur le fondement de cette autorisation, au motif qu'ils risqueraient de compromettre la stabilité des berges de la Loire, de provoquer des infiltrations et de gêner l'écoulement des eaux en période d'inondation;

Considérant que si la délivrance d'une autorisation d'affouillement en application de l'article L.442-2 du code de l'urbanisme ne fait pas obstacle à l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L.131-2 du code des communes (…), il ne ressort pas des pièces du dossier que les travaux entrepris sur le fondement de l'autorisation accordée (…) aient été de nature à compromettre la sécurité publique (…) que dans ces conditions, le maire (…) a excédé ses pouvoirs en prescrivant l'interruption desdits travaux. ”

 

· Synthèse :

 

Certains travaux effectués par des personnes privées sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Les pouvoirs de police municipale peuvent conduire à en assurer le contrôle pour prévenir les inondations. Ainsi le maire peut ordonner la cessation de ces travaux privés.

 

Dans tous les cas, le juge vérifie que la sécurité publique est réellement menacée.


 

11

 

L'édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations

 

Mesures d'évacuation ou d'interdiction d'accès/d'exploitation

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5°du Code général des collectivités territoriales (ancien article L131-2 du code des communes) : “ La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure . ”

 

· Problème de droit:

 

Rôle et responsabilité du maire quant à l’accès aux terrains, sites et constructions menacés d’inondation.

 

· Solution:

 

- Le maire ne peut faire usage de ses pouvoirs de police en vue d'évacuer ou d'interdire l'accès des lieux exposés que si ces mesures sont nécessaires, c'est-à-dire si la nature et la gravité du danger le justifient. Dans le cas contraire le maire commet un excès de pouvoir:

 

CE 1er décembre 1972, Sieur Lassieur, Leb. p. 769 : “ Considérant que s'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article 97 du code de l'administration communale de prendre dans les terrains de camping (...) des mesures de police tendant à l'évacuation ou à l'interdiction de l'accès de ces terrains en cas de menace d'inondation, les mesures édictées à cet effet ne sont légales que si elles sont nécessitées par la nature et la gravité d'une telle menace; qu'il ressort des pièces du dossier que bien que le terrain de camping (...) soit compris dans une zone inondable, les inondations n'y ont été constatées depuis 1933 qu'une année sur quatre ou cinq environ; qu'elles n'ont jamais duré plus de quinze jours et sont normalement prévisibles trois à quatre jours auparavant; qu'en interdisant (...) l'implantation de tentes et stationnement des caravanes pendant la période s'étendant du 1er décembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, le maire (...) a pris une mesure qui excède celles qui étaient nécessaires pour que soient assurées la sécurité et la salubrité du camp et a, par suite, excédé ses pouvoirs. ”

           

Dans le même sens : CAA Marseille 15 septembre 1998, M. Chavardes et Fédération de l’hôtellerie de plein air du Languedoc-Roussillon, n° 96MA12001C.

 

- Le juge vérifie que le risque d’inondation ne pouvait être écarté par une mesure moins contraignante :

           

CE 17 mars 1997, Commune de Pierrelongue, req. 162075 : “ [Considérant que] la partie du terrain de camping faisant l’objet de la décision attaquée était soumise à des risques d’inondation qu’aucune mesure de police moins contraignante n’était de nature à écarter ; qu’ainsi le maire de Pierrelongue n’a pas excédé ses pouvoirs qu’il tenait de l’article L131-2 du code des communes. ”

 

- En cas de carence du maire pour prescrire une mesure d'interdiction justifiée par la sécurité publique, le préfet peut faire usage du pouvoir de substitution qu'il détient en vertu de l'article L. 131-13 du code des communes (aujourd’hui L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales):

 

             CE 31 janvier 1997, SARL Camping "Les Clos", n°156276 :  Considérant (...) qu'il ressort des pièces du dossier que (...) le préfet de la Drôme a mis en demeure le maire (...) d'interdire la zone inondable du camping "Les Clos"; que cette lettre est restée sans réponse pendant trois semaines; qu'ainsi le préfet de la Drôme pouvait faire usage des pouvoirs prévus par l'article L131-13 précité;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L 131-13 du code des communes donnent             compétence au préfet pour prendre, en cas de carence du maire, une mesure relative à la sécurité publique, lorsque celle-ci est menacée; qu'il ressort des pièces du dossier que la zone où est installé le camping "Les Clos" était située dans une "zone à risque majeur" et avait été affectée par des inondations importantes en 1992; qu'ainsi, en interdisant, dans l'attente d'une révision du plan d'occupation des sols par la commune et pour y garantir la sécurité publique, les installations de tentes, caravanes et "mobile homes", le préfet n'a ni commis d'erreur de droit en se fondant sur les pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions de l'article L131-13 du code des communes, ni fait une inexacte application de ces dispositions. ”

 

· Synthèse:

 

Les mesures prises par le maire dans le cadre de ses pouvoirs de police doivent être justifiées par les circonstances et proportionnées aux enjeux. Ces justifications sont soigneusement examinées par le juge.

Il sera plus facile pour le maire d’ordonner l’évacuation ou l’interdiction d’exploitation dans un contexte d’urgence, c’est-à-dire sur le fondement de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.

Si le maire s'abstient de prendre les mesures interdiction ou d'évacuation nécessaires et qu'un dommage survient par la suite, la responsabilité de la commune pourra éventuellement être recherchée sur le fondement de cette abstention.

 


 

12

 

Le pouvoir de substitution du représentant de l’Etat

en cas de carence du maire

 

? Fondement juridique :

 

Article 2215-1 du code général des collectivités territoriales (ancien article L131-13 du code des communes) : “ La police municipale est assurée par le maire, toutefois :

1° Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.

Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat ”

 

Article 8 du décret du 23 novembre 1983 : “ sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l’ordre public et de la conduite des relations internationales, et exception faite du cas où il est statué sur une demande présentée par l’intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé ait été mis à même de présenter ses observations écrites. ”

 

? Problème de droit :

 

Les conditions d’intervention du représentant de l’Etat en cas de carence du maire d’une commune lorsque les risques d’inondation menacent la sécurité publique.

 

? Solution :

 

- Avant de prendre une quelconque mesure, le préfet doit procéder à une mise en demeure du maire. L’absence de réponse du maire à cette mise en demeure s’analyse comme un refus, elle permet au représentant de l’Etat de se substituer au maire dans l’exercice du pouvoir de police :

 

CE 31 janvier 1997, SARL Camping “ les Clos ”, n°156276 : “ [considérant] qu’il ressort des pièces du dossier que, par une lettre en date du 2 avril 1993, le préfet de la Drôme a mis en demeure le maire (…) d’interdire la zone inondable du camping “ Les clos ” ; que cette lettre est restée sans réponse pendant trois semaines ; qu’ainsi le préfet pouvait faire usage des pouvoirs prévus par l’article L 131-13 [du code des communes]. ”

 

CAA Marseille, 10 décembre 1998, M. Arnaud, n° 96MA12422 : “ Considérant que par un arrêté du 25 octobre 1995 le préfet de l’Hérault a ordonné que le camping (…) cesse définitivement toute activité à compter du 15 septembre 1995 ; que le maire de la commune (…) n’ayant pas fait procéder à la fermeture de ce camping malgré la mise en demeure qui lui a été adressée en ce sens le 24 avril 1995 par le préfet de l’Hérault, carence qui ne saurait être interprétée comme valant avis favorable du maire à l’exploitation de ce camping, le préfet a pu prendre la mesure de fermeture précitée en lieu et place de l’autorité municipale. ”

 

- Le représentant de l’Etat peut faire usage de son pouvoir de substitution pour réglementer l'exercice du camping (interdiction de toute forme de camping sur une partie du territoire de la commune, fermeture temporaire ou définitive d'un camping…) :

 

CE 16 octobre 1998, M. et Mme Bressange SARL camping Moulin des Ramades, n°167591 : “ Considérant que, par un arrêté du 9 mars 1994, le maire de Caseneuve a prononcé la fermeture du camping "Le moulin des Ramades" (…) en raison des risques d'inondation pesant sur cet établissement; que par un deuxième arrêté du 20 mai 1994, le maire a "rapporté" son arrêté du 9 mars 1994; que par l'arrêté attaqué du 25 mai 1994, le préfet de Vaucluse, après avoir mis le maire de Caseneuve en demeure de revenir sur sa décision du 20 mai 1994, a usé des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L131-13 du code des communes et ordonné la fermeture du camping… ”

 

CAA Marseille, 10 décembre 1998, M. Arnaud, n° 96MA12422 : “ Considérant que par un arrêté du 25 octobre 1995 le préfet de l'Hérault a ordonné que le camping "La Guitoune" cesse définitivement toute activité à compter du 15 septembre 1995 (…). ”

 

CE 31 janvier 1997, SARL Camping “ les Clos ”, n°156276 : “ Considérant] qu’il ressort des pièces du dossier que, par une lettre en date du 2 avril 1993, le préfet de la Drôme a mis en demeure le maire (…) d’interdire la zone inondable du camping “ Les clos . ”

 

- Le représentant de l’Etat doit permettre au destinataire de la mesure de police (l’exploitant d’un camping par exemple) de présenter ses observations, sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous peine d’annulation de l’arrêté préfectoral pour vice de procédure :

 

CE 16 octobre 1998, SARL camping Moulin des Ramades, n°167591 : “ Considérant qu’aux termes de l’article 8 du décret du 23 novembre 1983 : “ sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserve des nécessités de l’ordre public et de la conduite des relations internationales, et exception faite du cas où il est statué sur une demande présentée par l’intéressé lui-même, les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ne peuvent légalement intervenir qu’après que l’intéressé ait été mis à même de présenter ses observations écrites ” ; Considérant que la décision attaquée [arrêté préfectoral prononçant la fermeture définitive d’un camping] qui constitue une mesure de police qui doit être motivée en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ; qu’il est constant que les époux (…) n’ont pas été invités à présenter leurs observations préalablement à son intervention ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision, qui prononçait non la fermeture provisoire de l’installation mais sa fermeture définitive, ait présenté un caractère d’urgence ; qu’elle a, dès lors, été prise au terme d’une procédure irrégulière (…) ”

 

- Le juge exerce un contrôle minimum de la légalité de l'arrêté préfectoral :

 

CAA Marseille 10 décembre 1998, M. Arnaud, n° 96MA12422 : “ Considérant qu'en ce qui concerne le bien-fondé de la mesure de fermeture prise par le préfet, il ressort des pièces du dossier que le terrain (…), situé à proximité immédiate du cours d'eau (…) est classé en zone rouge dans le plan d'exposition aux risques naturels de la commune (…) approuvé le 25 mai 1993, en raison de son caractère inondable lors des débordements de ce cours d'eau dont les crues susceptibles d'être importantes font courir aux usagers du camping des risques graves; qu'il n'est pas établi que des mesures de protection suffisamment efficaces pourraient être mises en œuvre contre lesdites crues ni que ledit terrain pourrait être exploité en camping sans danger pendant certaines périodes de l'année; qu'ainsi la mesure prise, dont il n'est pas établi qu'elle aurait été superflue en raison de l'absence d'exploitation effective du camping, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation; que si M.Arnaud soutient que d'autres terrains de camping exposés à un risque de même nature n'ont pas été concernés par une telle mesure (…) un tel moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué (…) ”

 

? Synthèse:

 

Le représentant de l’Etat peut se substituer au maire lorsque la sécurité du public est menacée du fait des inondations, dès lors que le maire n’a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes. Le plus souvent, le préfet utilise ses pouvoirs pour réglementer les activités ou l’occupation du sol et de l’espace (dont le camping) mais il peut prendre également d'autres mesures de prévention ou de lutte contre les inondations (travaux, information de la population…).

 

Le code de l'urbanisme prévoit l'intervention du préfet pour ordonner la fermeture des campings en cas de carence du maire (article L. 443.2 du code de l’urbanisme [voir fiche n° 32]).

 

Le préfet est également compétent pour prendre les mesures nécessaires à la sécurité publique lorsque les territoires de plusieurs communes sont concernés.

 


 

 

 

 

 

 

Les mesures d’exécution

 

(exécution des mesures préventives et mesures d’urgence)

 


 

13

 

Le défaut d’exécution des mesures de lutte contre les inondations

 

Carence dans l'annonce des crues (absence de signalisation, d'information)

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5°du Code général des collectivités territoriales (ancien article L131-2 du code des communes): “ La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure. ”

 

· Problème de droit:

 

La responsabilité des autorités locales au regard de l’annonce des crues.

 

· Solution:

 

- Par principe, la responsabilité de la commune est engagée si le maire ou le service de lutte contre les inondations a commis une faute lourde :

 

CE 16 novembre 1960, Société Codolar et fils et Société du Pont de Bordès, Leb. p. 932 (extraits); AJDA 1961, II, p. 231 : “ Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le message reçu par le maire (...) a annoncé par le garde-champêtre, à son de clairon, vers 19 heures, dans divers endroits de la localité et notamment au Pont-de-Bordes, à proximité des usines requérantes; qu'aucune disposition réglementaire ne faisait obligation au maire d'actionner, en pareil cas, la sirène d'alarme; qu'en s'abstenant d'actionner ladite sirène afin de ne pas provoquer une agitation que la situation, telle qu'elle était alors connue dans la localité, ne justifiait pas, le maire (...), agissant comme autorité de police municipale, n'a commis aucune faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune (...). ”

 

CE 23 février 1973, Ministre de l'équipement et du logement c/ entreprise Tomine, Leb. p.168 : “ Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que des fautes lourdes, seules de nature à engager la responsabilité de la ville de Rennes, aient été commises par les services chargés de (...) l'alerte et des secours. ”

 

- Cette  faute lourde est constituée si les services d’annonce des crue n’ont pas déclenché l'état d'alerte ni averti les riverains des maisons exposées alors que le péril était imminent :

 

CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/ Compagnie rennaise de linoléum et du caou-tchouc, Leb. p.223 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts commis par les premiers juges, qu'alors que la cote d'alerte constatée (...) laissait présager l'imminence du débordement de l'Ille (...) les services de la ville de Rennes chargés de la lutte contre les inondations n'ont pas déclenché l'état d'alerte, ni averti les riverains des maisons exposées à l'inondation; que cette carence a constitué une faute lourde et engagé la responsabilité de la ville de Rennes à l'égard de la compagnie rennaise de linoléum et du caoutchouc pour les dommages causés aux biens transportables qui auraient pu être mis à l'abri.

Considérant que la ville de Rennes ne saurait s'exonérer de la responsabilité qu'elle a encourue dans l'exercice de la mission de prévention des inondations qui lui incombe en vertu du code des communes en invoquant les fautes qu'aurait commises le service d'annonce des crues mis en place par l'Etat en tardant à informer les services municipaux de la montée des eaux."

 

Dans le même sens: CAA Lyon, 13 mai 1997, M. Balusson et autres, Dalloz 1998, p. 11.

 

· Synthèse:

 

En vertu de ses pouvoirs de police municipale, le maire doit prévenir la population de la montée des crues.

 

Alors même que la création d’un service d’annonce de crues par une commune n’est pas obligatoire, celle-ci peut-être responsable sur la base d’une faute lourde en cas de défaillance de l'annonce des crues : en effet, le service d'annonce des crues est institué en dehors de toute obligation légale et son action en période d'inondation est confrontée à des difficultés importantes (voir en ce sens CE 11 janvier 1957, Dame veuve Etienne, Leb. p. 27). La faute lourde est caractérisée au cas par cas par le juge, en fonction des circonstances.

 

La faute commise par le service d'annonce des crues de l'Etat n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité (CE 23 février 1973, Ministre de l'équipement et du logement c/ entreprise Tomine, rec. p. 168 ; CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/ Compagnie rennaise de linoléum et du caoutchouc, rec. p.223).

 

Si les conséquences prévisibles de l'inondation dépassent, par leur importance ou leur intensité, les dimensions ou les capacités de prévention de la commune, le maire doit alors “ provoquer l'intervention de l'administration supérieure ” : le préfet.

 


 

14

 

La responsabilité de l’Etat du fait du service d’annonce des crues

 

? Fondement juridique :

 

Article 2215-1 du code général des collectivités territoriales : “ La police municipale est assurée par le maire, toutefois :

1° Le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d’entre elles, et dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques.

Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l’Etat dans le département à l’égard d’une seule commune qu’après une mise en demeure au maire restée sans résultat ;

2° Si le maintien de l’ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes limitrophes, le représentant de l’Etat dans le département peut se substituer, par arrêté motivé, aux maires de ces communes pour l’exercice des pouvoirs mentionnés aux 2° et 3° de l’article 2212-2 et à l’article 2213-23 ;

3° Le représentant de l’Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d’application excède le territoire d’une commune. ”

 

Arrêtés du 27 février 1984 (JONC p. 3427)

 

? Problème de droit :

 

La responsabilité des services de l’Etat au regard de l’annonce des crues (absence de service d'annonce des crues, fonctionnement défectueux).

 

? Solution :

 

- L’Etat n’étant pas tenu de créer un service d’annonce des crues, c’est seulement si un tel service est organisé par le préfet que la responsabilité de l’Etat pourra être recherchée, en cas de faute de ce service :

 

CE 23 février 1973, Ministre de l’Equipement et du logement c/ société entreprise Tomine, Leb. p. 168 : “ Considérant que la crue de la Vilaine qui s’est produite à Rennes les 24,25 et 26 octobre 1964 a été la conséquence de pluies d’une abondance et d’une durée exceptionnelles ; qu’ainsi les dommages causés par les eaux aux biens de la société … ont pour origine des circonstances d’ordre naturel ; que ces circonstances ne sauraient engager la responsabilité de l’Etat qui n’est légalement tenu ni de créer un service d’annonce des crues ni d’assurer la protection des riverains d’un cours d’eau domanial contre l’action naturelle des eaux... ”

           

- La mission du service d’annonce des crues instituée par l'Etat consiste uniquement à communiquer aux communes les informations relatives à la montée des eaux; les victimes de l’inondation ne peuvent donc se prévaloir de la carence du service d’annonce des crues :

 

CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/ Compagnie rennaise du linoléum et du caoutchouc, Leb. p. 223 : “ Considérant qu’il appartenait uniquement au service d’annonce des crues mis en place par l’Etat de communiquer aux communes toutes informations sur la montée des eaux en vue de faciliter l’exercice par lesdites communes de leur mission de police ; que, par suite, la carence dont ce service aurait fait preuve dans l’accomplissement de ses obligations envers les communes ne peut engager la responsabilité de l’Etat envers les victimes (…) ”

 

Dans le même sens: CE 25 mai 1990, Abadie et autres, Dalloz 1991, somm. comm. p. 232 ; CAA Nancy, 9 juillet 1992, Société SPIE-Batignolles, n° 90NC00166.

 

- Les victimes de l'inondation ne peuvent pas non plus se prévaloir du défaut de création d'un service des crues par l'Etat :

 

CAA Nancy, 9 juillet 1992, Société SPIE-Batignolles, n° 90NC00166 : “ Considérant que la responsabilité de l'Etat, en raison du défaut de création d'un service d'annonce des crues ou du fonctionnement défectueux de ce service ne peut être recherchée que par les communes concernées auxquelles incombe, en vertu du code des communes, la mission de prévention des inondations et que, dès lors, il revient uniquement aux services d'annonce des crues mis en place par l'Etat de faciliter l'exercice par lesdites communes de leur mission de police en leur communiquant toutes informations utiles sur la montée des eaux; que par suite, la carence imputée à l'Etat au motif qu'il se serait abstenu fautivement de créer un service d'annonce des crues n'est pas susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard des victimes des inondations… ”

 

- Seule une faute lourde du service d’annonce des crues est de nature à engager la responsabilité de l’Etat :

 

CE 11 janvier 1957, Dame Veuve Etienne, Leb. p. 27 : “ Considérant qu’eu égard tant au caractère du service en question, institué par l’administration en dehors de toute obligation légale, qu’aux difficultés propres de son accomplissement en période d’inondation et de désorganisation des moyens de communication, seule une faute lourde dans son exécution pourrait engager la responsabilité de l’Etat vis-à-vis des victimes de l’inondation. ”

 

- L’existence d’une faute lourde est difficilement admise par le juge :

 

CE 11 janvier 1957, Dame Veuve Etienne, Leb. p. 27 : “ Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que, lors de la crue …, les services techniques de la navigation, qui ont transmis des messages réguliers aux mairies et la préfecture, ni les services préfectoraux, dans leurs tentatives pour diffuser ces informations auprès des communes intéressées, aient commis des fautes présentant un tel caractère;  que, par suite, la Dame Veuve Etienne n’est pas fondée à demander à l’Etat réparation de toute la part du dommage qui aurait pu, selon elle, être évité si elle avait été informée en temps utile de l’imminence et de l’ampleur de la crue… ”

 

CE 16 novembre 1960, Société Codolar et Cie, Leb. p.932 : “ Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’ingénieur subdivisionnaire (…) a adressé au maire (…), le 2 février, à 18H45, le relevé réglementaire prévu par les règlements (…) aussitôt que la cote de deux mètres a été atteinte (…) ; que, si le lendemain, un seul relevé, au lieu de deux, a été notifié vers 15H au maire (…), ce fait ne saurait, en tout état de cause, dans les circonstances de l’affaire, engager la responsabilité de l’Etat, dès lors qu’il ressort de l’instruction qu’au moment où, selon les prescriptions des règlements en vigueur, un premier relevé aurait du être émis, soit vers 8H du matin, les dommages dont se plaignent les sociétés requérantes étaient déjà consommés ; qu’enfin, si l’ingénieur subdivisionnaire (…) s’est abstenu, au cours de la nuit du 2 au 3 février, de transmettre au maire (…) l’avertissement exceptionnel prévu, en cas d’urgence ( …), il n’apparaît pas que le fonctionnaire ait ainsi gravement manqué à ses obligations, compte tenu de l’avance prise par les inondations (…) à 30 Km en aval (…), sur les prévisions qui pouvaient être faites à la même heure, dans cette dernière ville ; qu’ainsi il n’est établi à la charge du service d’annonce des crues aucune faute lourde susceptible d’entraîner la responsabilité de l’Etat à l’égard des société requérantes… ”

 

CE 28 février 1986, Commune du Vernet c/ M. Pellet Soret Jacques, n° 42-252 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service de l'Etat chargé de l'annonce des crues a été avisé vers 13 heures, le 19 mai, que la cote de l'Ariège (…) était à midi de 2,20 m et qu'elle progressait d'une dizaine de centimètres à l'heure; qu'en fait, la montée des eaux s'est presque aussitôt brusquement accélérée, l'inondation du camping du Vernet s'étant produite à partir de 13h30; que dans ces conditions les délais anormalement longs dans lesquels ces renseignements sont parvenus au service et ont été répercutés par lui sur les autorités locales ne peuvent être regardés comme ayant un lien de causalité avec les dommages subis par M. Pellet Soret; qu'il suit de là que la commune n'est pas fondée à demander la garantie de l'Etat. ”

 

- La faute commise par le service d’annonce des crues de l’Etat ne peut exonérer une commune de son obligation de prévenir les inondations :

 

CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/ Compagnie rennaise du linoléum et du caoutchouc, Leb. p. 223 : “ Considérant que la ville de Rennes ne saurait s’exonérer de la responsabilité qu’elle a encourue dans la mission de prévention des inondations qui lui incombe en vertu du code des communes en invoquant les fautes qu’aurait commis le service d’annonce des crues mis en place par l’Etat en tardant à informer les services municipaux de la montée des eaux. ”

 

? Synthèse :

 

Il est nécessaire de distinguer :

 

- les mesures de prévention des inondations, avec la responsabilité éventuelle de l’Etat en cas de carence de la commune.

 

- et la responsabilité de l’Etat du fait de l’annonce des crues. Dans ce cas seule une faute lourde des services chargés de l’alerte et des secours peut engager la responsabilité de l’Etat vis-à-vis des communes.

 

La commune elle-même ne peut s’exonérer de ses responsabilités du fait de ses missions de prévention, mais elle peut appeler l’Etat en garantie. La responsabilité de celui-ci est alors susceptible d’être engagée pour faute lourde.


 

15

 

Le défaut d’exécution des mesures de lutte contre les inondations

 

Abstention dans la réalisation de travaux d'entretien et curage des cours

d'eau non domaniaux

 

 

· Fondement juridique:

 

Article 2212-2-5°du Code général des collectivités territoriales (ancien article L. 131-2 du code des communes): “ La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (…) le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que les inondations, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention  de l’administration supérieure . ”

 

Article 115 du code rural : “ Il est pourvu au curage et à l'entretien des cours d'eau non domaniaux ainsi qu'à l'entretien des ouvrages qui s'y rattachent de la manière prescrite par les anciens règlements ou d'après les usages locaux. (...) Les préfets sont chargés sous l'autorité du ministre compétent de prendre les dispositions nécessaires pour l'exécution de ces règlements et usages. ”

 

Article 111 du code rural : “ Les maires peuvent, sous l’autorité des préfets, prendre toutes les mesures nécessaires pour la police des cours d’eau. ”

 

· Problème de droit :

 

Identification des autorités compétentes, et des responsabilités qui en résultent, en matière de mesures préventives des inondations telles que l’entretien ou le curage des cours d’eau non domaniaux.

 

· Solution :

 

- Le maire n’a pas l’obligation d’intervenir :

 

CE 26 octobre 1928, Mesnard, Leb. p. 1092 : “Considérant qu’aux termes des articles 18 et suivants de la loi du 8 avril 1898, c’est aux préfets seuls qu’il appartient d’assurer, conformément aux anciens règlements et usages locaux, le curage des cours d’eau non navigables et non flottables, quel que soit d’ailleurs le but du curage et sans qu’il y ait à distinguer suivant qu’il est prescrit en vue de procurer le libre écoulement des eaux ou dans un but de salubrité publique ; qu’à défaut d’anciens règlements ou usages locaux, il est, soit procédé en conformité de la loi du 21 juin 1865-22 décembre 1888, soit statué par un décret délibéré en Conseil d’Etat ; qu’ainsi, en aucun cas, les maires n’ont qualité pour prescrire le curage d’un cours d’eau non navigable ni flottable. ”

 

- Mais malgré les compétences dévolues au représentant de l’Etat, le maire peut intervenir en cas d'urgence ou de péril imminent et si le risque ou le danger sont réels. En l'absence de telles circonstances, le maire n'est pas tenu d’agir en lieu et place du représentant de l’Etat et c'est à celui-ci qu'il incombe de prendre les mesures qui s’imposent:

 

CE 28 mars 1939, Dame et demoiselle Beaulac, Leb. p. 234 : “ Mais considérant qu'en vertu de la loi du 8 avril 1898 les règlements permanents destinés à assurer le libre écoulement des eaux des cours d'eau non navigables ni flottables rentrent dans les attributions du préfet; que, dès lors, les dispositions de l'arrêté attaqué, par lesquelles le maire (...), qui ne se trouvait pas dans un des cas exceptionnels où il aurait pu prescrire des mesures d'urgence pour prévenir un péril imminent, a réglementé de manière permanente l'élagage et le recépage le long des ruisseaux de la commune, sont entachés d'incompétence (...). ”

 

CE 2 février 1957, Ministre de l'agriculture et commune de Lettret c/Champollion, Leb. p. 84 : “ Considérant, d'autre part, qu'il n'appartient pas au maire de se substituer au préfet pour prescrire le curage; qu'il n'était pas tenu, en dehors de tout péril imminent, de provoquer l'intervention de l'autorité supérieure; que, dans les circonstances de l'affaire, les prescriptions de l'article 97-6° de la loi du 5 avril 1884 ne lui imposaient pas davantage d'ordonner le nettoiement d'un tel cours d'eau; que c'est donc à tort que le Conseil de préfecture a mis à la charge de la commune la moitié des conséquences dommageables subies par le sieur Champollion (...). ”

                       

Dans le même sens: CAA Bordeaux, 12 mai 1992, M. Gachelin, n° 90BX00170.

 

- Il peut également utiliser ses pouvoirs de police générale pour se substituer au préfet si celui-ci lui donne délégation :

 

CE 11 juin 1886, Commune de Vensat, Leb. p. 516 : “ Considérant qu'en faisant procéder d'office aux travaux de curage que le sieur Marcheboeuf s'était refusé à exécuter dans ledit cours d'eau, le maire (...) a agi non point comme représentant de cette commune, mais comme agent de l'administration, en exécution d'un arrêté approuvé par le préfet et en vue d'un intérêt général; qu'il suit de là que la commune était sans qualité pour poursuivre contre le sieur Marcheboeuf le recouvrement de la taxe représentant la dépense nécessitée par les travaux de curage dont s'agit (...). ”

 

- Le juge considérait autrefois que, du fait que l'obligation d'assurer le curage des cours d'eau non domaniaux n'incombait pas aux communes, leur responsabilité ne pouvait être mise en cause pour les dégâts consécutifs à un défaut de curage :

 

CE 12 décembre 1956, Commune de Villeneuve-Loubet, Leb. p. 414 : “ Considérant que, si le sieur Thaon soutient que la responsabilité de la commune se trouve engagée en raison du non-exercice par le maire de ses pouvoirs de police, il résulte de l'instruction que le ruisseau (...) a le caractère d'un cours d'eau non navigable et non flottable; que la police appartient au préfet en vertu de la loi du 8 avril 1898; que, dans ces conditions, la responsabilité de la commune (...) ne saurait être engagée par le défaut du curage et de faucardement dudit ruisseau mais seulement par le fait des ouvrages communaux dont l'aménagement défectueux a été de nature à modifier les conditions d'écoulement des eaux; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en ne laissant à la charge de la commune la réparation du dommage subi qu'à concurrence de 25% du montant dudit dommage (...) ”.

 

CE 26 octobre 1962, Ville de Toulouse, AJDA 1963, p. 154 : “ Considérant qu'il ne résulte pas de la combinaison des dispositions de ces textes que la commune (...) ait eu l'obligation de procéder elle-même sur son territoire au curage du fossé-mère (...); qu'en conséquence, le sieur Escolier n'est pas fondé à se plaindre que le Tribunal administratif ait, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à mettre en cause la responsabilité de ladite commune du fait du défaut de curage (...). ”

 

- Désormais, le juge estime que la responsabilité de la commune peut être engagée si la preuve d'une faute lourde est rapportée :

 

CE 11 mars 1983, Bertazzon, Dalloz 1984, n° 32550, IR, p. 341 : les rigoles servant à faciliter l'écoulement des eaux, qui n'ont pas été entretenues par leurs propriétaires, ne constituent pas des cours d'eau non domaniaux auxquels s'appliquent les dispositions du titre III du code rural, et le préfet ne pouvant faire usage des pouvoirs qui lui sont donnés par le code rural en matière de curage, il ne peut être reproché à un maire de ne pas avoir provoqué l'intervention de l'autorité supérieure : “ Considérant qu'il appartenait à chaque propriétaire concerné d'opérer individuellement un nettoiement périodique des rigoles; qu'il résulte de l'instruction que, si d'une part, dans les circonstances de l'espèce et alors qu'aucun danger ne menaçait la sécurité des personnes, le maire de Peisey-Nancroix n'a pas veillé à ce que cette pratique traditionnelle soit respectée, et si, d'autre part, avisé dans la journée du 1er juin 1975, du danger imminent auquel était exposé le chalet, il n'a pas usé, en raison du bref délai dont il disposait, des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article L 131-2-6° du code des communes pour tenter de pallier ce danger, il n'a commis aucune faute lourde, qui seule, serait de nature à engager la responsabilité de la commune ”

                                   

CAA Nancy, 16 mai 1989, Elie Delval, n° 89NC00043 : “ Considérant que M. Delval soutient que la responsabilité de la commune est engagée en raison du non exercice par le maire de Saint Quentin des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L 131-2 du code des communes aux termes duquel “ La police municipale comprend notamment 6° le soin de prévenir, par des précautions convenables les inondations ” ; qu’en vertu des articles 103 et 107 du code rural la police des cours d’eau non domaniaux appartient au préfet ; que le maire, en ne prescrivant pas des travaux de curage de la Somme en l’absence de péril grave et imminent, n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police, une faute lourde seule susceptible d’engager la responsabilité de la commune. ”

 

- La commune qui réalise des travaux d'entretien pour prévenir une inondation ne commet pas de faute lourde pour ne pas les avoir réalisés antérieurement:

 

CAA Bordeaux, 5 mai 1997, Rouanet, Saint-Martin et Sanchez, n° 94BX00383, CDRom Lamy CE : “ Considérant que les requérants n'établissent pas que le fossé, par l'intermédiaire duquel les eaux du ruisseau ont inondé le lotissement, appartiendrait à la commune; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la présence de ce fossé ferait peser sur le lotissement un risque d'inondation tel que le maire aurait commis une faute lourde, seule de nature à engager la responsabilité de la commune en n'usant pas des pouvoirs qui lui sont conférés (...); que la circonstance que, postérieurement à l'inondation, la commune a réalisé des travaux, n'est pas de nature à établir l'existence d'une telle faute pour ne pas les avoir réalisés antérieurement. ”

 

· Synthèse :

 

La surveillance de l’entretien des cours d’eau relève de la compétence de l’Etat. Cependant, au titre de leur pouvoir de police municipale, les maires peuvent prévenir les inondations. A ce titre leur responsabilité peut être engagée, sur la base d’une faute lourde.


 

16

 

Conditions générales d'intervention du maire en cas de danger

grave ou imminent

 

? Fondement juridique:

 

Article 2212-4 du Code général des collectivités territoriales (ancien article L131-7 du code des communes) : “ En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ”

 

? Problème de droit:

 

Conditions d'intervention et de responsabilité de l'autorité de police municipale lorsqu'elle édicte des mesures d'urgence.

 

? Solution:

 

- Le maire n'a l'obligation d'intervenir que si le danger est grave ou imminent. Par conséquent, en l'absence d'un danger présentant ces caractéristiques, la faute du maire ne peut être reconnue :

 

CAA Bordeaux, 17 juillet 1997, Jampy, n°94BX01958 : “ Considérant que M. Jampy soutient que l'imminence du péril qui a conduit au classement de son terrain dans la zone rouge du PER constituait un cas d'urgence qui imposait au maire de faire usage des pouvoirs de police que lui confèrent les dispositions de l'article L.131-7 du code des communes (...);

Considérant que, si ledit terrain est exposé, en cas d'intempéries violentes, à la submersion soudaine par les eaux du Cady, ce risque ne peut être regardé comme imminent (...); que, par suite, le requérant n'établit pas l'existence d'une faute des autorités administratives dans l'exercice de leurs pouvoirs de police susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique à son égard (...). ”

 

- Le juge apprécie la notion de péril imminent au cas par cas. Elle est donc assez fluctuante. Pour des exemples d’appréciation:

 

CE 10 février 1943, Béziers, Leb. p. 35 : “ Considérant que, d’après les dispositions de l’article 97 de la loi du 5 avril 1884 et de l’article 7 de la loi du 21 juin 1898, le maire ne peut prescrire l’exécution des mesures de sécurité destinées à assurer l‘écoulement des eaux qu’en cas de danger grave et imminent ; qu’un tel danger n’avait pas été créé le 19 mars 1937 par la montée des eaux de l’étang de Kergalan, propriété du requérant ; que, par suite, en faisant procéder d’office au percement de la dune qui séparait ledit étang de la mer, le maire (…) a excédé ses pouvoirs… ”

 

CAA Lyon, 29 avril 1997, Commune de Montélimar, n° 96LY00572 : “ Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que, malgré le précédent de la crue centenaire de 1988 et les inondations de l’automne 1993 ayant affecté la commune de Montélimar, le quartier peu urbanisé de Beaulieu ne pouvait être regardé, le 18 juillet 1995, date de l’arrêté attaqué, comme menacé par un danger grave ou imminent au sens des dispositions de l’article L.131-7 (…) ”

           

CAA Bordeaux, 17 juillet 1997, Jampy, n°94BX01958, précité.

 

- En l'absence de péril imminent le maire ne peut s'immiscer dans un domaine de police relevant de la compétence du préfet, sous peine d'illégalité :

                                                                             

CE 7 juin 1939, Leroux-Piémont, rec. p. 377 : “ Considérant que, par l’arrêté attaqué, le maire (…) a ordonné l’ouverture d’une brèche dans la digue de la rivière (…), ladite ouverture étant destinée à permettre l’alimentation en eau du bras de cette rivière (…). Il résulte de l’instruction que ledit arrêté ne constitue pas en réalité une mesure d’urgence destinée à faire disparaître un danger imminent, mais un règlement de police temporaire nécessité par la baisse des eaux ; que, seul le préfet eût été compétent, en vertu des articles 8 et suivants de la loi du 8 avril 1898 pour prendre un tel règlement ; qu’ainsi, le sieur Leroux-Piémont est fondé à soutenir que le maire a excédé les pouvoirs qu’il tient de la loi du 5 avril 1898 et à demander l’annulation dudit arrêté (…) ”

 

? Synthèse :

 

L’existence d’un péril grave ou imminent est nécessaire pour justifier l’intervention du maire, elle détermine l’engagement de la responsabilité de la commune.

Classiquement, dans un contexte d’urgence, la responsabilité de la commune est subordonnée à la preuve d’une faute lourde.

Dès lors que l’imminence n’est pas établie, le juge exonère la commune de toute responsabilité.

La résolution du contentieux repose donc ici sur l’appréciation de la notion de danger grave et imminent.

 En pratique, l’élément déterminant sera établi par le contexte qui a motivé la prise de décision,  voire les difficultés rencontrées.


 

17

 

L'abstention d’exécution de mesures d'urgence

(évacuation, information...)

 

? Fondement juridique:

 

Article 2212-4 du Code général des collectivités territoriales (ancien article L131-7 du code des communes) : “ En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ”

 

? Problème de droit:

 

L'abstention du maire dans l’exécution des mesures de sûreté en cas de danger grave et imminent et la responsabilité de la commune.

 

? Solution:

 

- Le maire qui ne prend aucune disposition pour mettre la population hors de danger, alors qu'il est tenu de faire usage de ses pouvoirs de police générale, commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune:

 

CAA Lyon, 13 mai 1997, Balusson c/ Mutuelle du Mans (affaire du Grand Bornand), Dalloz 1998, p. 11 : “ Considérant (…) qu'en outre, le jour même de la catastrophe, alors que les sols étaient saturés d'eau en raison de la pluviosité intense observée au cours des semaines précédentes et qu'un bulletin météorologique exceptionnel avait annoncée la survenue d'orages violents sur le secteur, le maire n'a pris aucune disposition pour prévenir les risques que couraient les campeurs; qu'en méconnaissant ainsi ses obligations, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des victimes. ”

 

? Synthèse :

 

Lorsque le maire s’abstient de prendre les mesures d’urgence nécessaires pour prévenir les risques encourus par la population, il commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Le juge semble s’en tenir à l’exigence d’une faute simple contrairement au principe selon lequel une faute lourde est requise pour les opérations d’exécution sur le terrain (voir fiche n° 7), mais il convient de tenir compte des circonstances. Dans un contexte différent, la faute lourde pourrait être exigée.


 

18

 

Les travaux de lutte contre les inondations sur des propriétés privées

 

? Fondement juridique :

 

Article 2212-4 du Code général des collectivités territoriales (ancien article L131-7 du code des communes) : “ En cas de danger grave ou imminent, tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites. ”

 

? Problème de droit :

 

Les conditions de prescription des travaux de lutte contre les inondations sur des propriétés privées. La responsabilité de la commune du fait de ces travaux.

 

? Solution :

 

- L’autorité de police municipale ne peut prescrire de travaux sur des propriétés privées qu’en présence d’un péril grave et imminent :

 

CE Ass., 24 janvier 1936, Mure, Leb. p. 105 : “ Considérant qu'il appartient au maire, dans les cas prévus par cette disposition, d'ordonner des travaux sur des propriétés privées, sa décision comportant le droit d'entrer sur lesdites propriétés pour l'exécution des travaux; que, s'agissant de travaux d'intérêt collectif, ils doivent être exécutés par la commune et à ses frais.

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'état d'un terrain appartenant au sieur Mure, ainsi que d'autres terrains contigus, situés sur le territoire de la commune (...) entraînait un danger grave et imminent pour la sécurité publique justifiant la prescription de travaux de sûreté par application de l'article 7 précité; mais que le maire n'a pu légalement, par l'arrêté attaqué, imposer au requérant l'exécution desdits travaux d'intérêt collectif par ses soins et à sa charge, sauf tel recours que de droit de la commune contre le sieur Mure à raison de faits qui, comme elle le soutient devant le Conseil d'Etat, seraient de nature à engager la responsabilité du requérant. ”

 

CAA Lyon, 29 avril 1997, Commune de Montélimar, n° 96LY00572 : “ Considérant (…) que s’il appartient à l’autorité de police municipale, en vertu du 6° de l’article L.131-2 précité, de prévenir par des précautions convenables les accidents naturels tels que les inondations, elle ne peut, alors qu’il incombe aux propriétaires des biens voisins des cours d’eau de se protéger contre l’action naturelle des eaux, autoriser la prise de possession des terrains privés nécessaires à la réalisation de travaux publics de protection qu’en application de l’article L.131-7 lorsqu’une situation d’urgence le justifie en raison d’un péril grave et imminent ;

Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que, malgré le précédent de la crue centenaire de 1988 et les inondations de l’automne 1993 ayant affecté la commune de Montélimar, le quartier peu urbanisé de Beaulieu ne pouvait être regardé, le 18 juillet 1995, date de l’arrêté attaqué, comme menacé par un danger grave ou imminent au sens des dispositions de l’article L.131-7 (…) ”

 

- Une jurisprudence constante met le coût des travaux à la charge de la commune :

 

CE Ass., 24 janvier 1936, Mure, Leb. p. 105 : “ Considérant qu'il appartient au maire, dans les cas prévus par cette disposition, d'ordonner des travaux sur des propriétés privées, sa décision comportant le droit d'entrer sur lesdites propriétés pour l'exécution des travaux; que, s'agissant de travaux d'intérêt collectif, ils doivent être exécutés par la commune et à ses frais. ”

 

CE 6 février 1970, Préfet de police c/ sieur Kerguelen, Leb. p. 87 : “ Considérant que les désordres, qui ont rendu nécessaires les travaux litigieux, exécutés dans l'immeuble appartenant au sieur Kerguelen, ont eu pour seule origine un affaissement du sol, imputable à des courants d'eau souterrains et affectant un ensemble d'immeubles, ainsi que la voie publique et des accessoires de celle-ci; que le préfet de police n'a pu légalement mettre à la charge du sieur Kerguelen le montant desdits travaux sauf tels recours que de droit de la ville contre le sieur Kerguelen à raison des faits qui, comme le Préfet de police le soutient devant le Conseil d'Etat, seraient de nature à engager la responsabilité du propriétaire. ”

 

- Ces travaux constituent des travaux publics (ils sont réalisés dans l’intérêt collectif, par la commune et sont à la charge de celle-ci) :

 

CE 31 mars 1965, Consorts Peydessus c/ Commune de Loudenvielle, Leb. p. 212 : “  Mais considérant que le percement d’une brèche dans la murette dont s’agit, exécutée pour le compte de la commune et dans l’intérêt de ses habitants, a constitué une opération de travaux publics ; que du fait de cette opération, qui a eu pour conséquence de diriger vers leur propriété la ligne du plus fort courant des eaux, qui ont raviné et excavé leurs terres, les consorts Peydessus ont subi un préjudice spécial (…). ”

 

? Synthèse :

 

Le maire n'est tenu de faire usage de ses pouvoirs de police générale pour prescrire des travaux qu'en cas d'urgence, si le danger d'inondation est imminent.

 

Les travaux concernés sont considérés par les juridictions comme des travaux publics, les dommages qu’ils causent engagent la responsabilité sans faute de la collectivité publique vis à vis des tiers. Or, le propriétaire privé victime d’un dommage sur sa propriété est considéré comme tiers par rapport aux travaux ; par conséquent, il n’a pas besoin de démontrer une faute de l’autorité municipale pour obtenir réparation.

 

La jurisprudence étant parfaitement établie sur ce point en matière d'éboulements (CE 16 octobre 1964, Ville de Tulle c/ Roume, AJDA 1965, II, n°157, p.180; CE 4 décembre 1974, Dame Bonneau, rec. p. 608) on peut la transposer aux inondations.

 

On doit donc distinguer deux hypothèses concernant les travaux entrepris par la commune :

 

- la responsabilité en raison de l’exécution de mesures de polices édictées, qui peut conduire à engager la responsabilité sur la base de la faute lourde.

 

- la responsabilité à raison des dommages causés par les travaux publics de lutte contre les inondations, qui peut être invoquée par les propriétaires privés sans qu'ils aient à rapporter la preuve d'une faute de la commune.

 

 

 

 


 

 

 

 

Chapitre 3

 

 

 

Les modalités de réalisation des responsabilités
19

 

Le partage des responsabilités entre personnes publiques

 

 

· Fondement juridique :

 

La condamnation solidaire : lorsqu’il y a collaboration entre plusieurs personnes publiques dans la mission de lutte contre les inondations, l’entretien et curage des cours d’eau, le régime d’indemnisation s’organise selon les obligations qui incombent à chacune (réglementation des cours d’eaux, entretien d’un ouvrage public, police de l’urbanisme).

 

La technique de l’appel en garantie : en cours d’instance, elle permet à la personne condamnée de demander le report de tout ou partie de la charge indemnitaire sur une autre personne.

 

· Problème de droit :

 

Les conditions de réalisation du partage des responsabilités en matière d’inondations.

 

· Solution :

 

- Dans le cas d’une inondation causée par la crue d’un cours d’eau, le juge recherche d’abord si les obligations d’entretien et de curage mais aussi de surveillance ont été remplies. Si elles l’ont été, il examine les conditions de leur intervention.

 

CE 31 janvier 1986, Syndicat intercommunal pour l’aménagement du Bassin de la Théols et autres, n° 50828 : “ Si les dommages subis sont dus pour partie à la situation naturelle des lieux, ils ont été fortement aggravés par la réalisation des travaux [de curage] des deux syndicats intercommunaux, qui n’établissent pas qu’ils aient été normalement conçus et exécutés ”.

 

CAA Nancy 4 juin 1991, Mme Arbogast, n° 89NC00857 : “ Considérant que Mme Arbogast […] est fondée à rechercher la responsabilité du syndicat intercommunal du bassin d’Erbach, de l’Etat maître d’œuvre et du département dans la mesure où ces dommages ont été causés par lesdits travaux et où les collectivités défenderesses n’établissent pas qu’ils ont été normalement conçus et exécutés ”.

 

Ces travaux peuvent être aussi avoir été exécutés par l’Etat :

TA Montpellier 26 mars 1990, M. Taillade, n° 878757 : la DDE n’a commis aucune faute dans cette espèce lors des travaux de faucardage et de désherbage d’un ruisseau pour le compte d’un syndicat.

                       

            Une entreprise privée peut aussi intervenir et être poursuivie :

TA Grenoble 23 mai 1997, M. Gilbert Russier et autres, n° 941532 : rupture d’un ouvrage réalisé pour le compte d’une collectivité.

 

- Les juridictions prennent ensuite en considération les conditions de gestion de certains ouvrages. Le dommage peut être causé ou aggravé par un ouvrage public, auquel cas le régime de responsabilité est celui de la responsabilité pour dommage causé par des ouvrages publics (voir fiche n° 22) :

 

CE 1er juillet 1987, Syndicat intercommunal de la Vallée de l’Huveaune, n° 24048 :  mauvais entretien d’un barrage et d’un pont ayant accentué les inondations d’un fleuve.

 

CAA Lyon 5 novembre 1991, M. Robert Roibet, n° 89LY01754 : pont ayant accentué des inondations.

 

TA Grenoble 20 février 1998, M. Joseph DUCROZ, n° 94 517 : débordement d’un ruisseau obstrué par des cailloux et rochers.

 

TA Montpellier 1er février 1995, M. Polit c/ Commune de Perpignan, n° 91676  : ouverture d’une vanne d’un ouvrage hydraulique ayant provoqué le débordement d’un ruisseau.

 

- Les juridictions administratives sanctionnent également les fautes commises lors de délivrance d’autorisations :

 

C’est le cas en particulier en matière d’urbanisme : l’Etat engage sa responsabilité lorsqu’il commet une faute lors d’une collaboration avec une commune dans l’instruction d’un permis de construire, laquelle faute est caractérisée par la transmission d’un avis erroné ou bien une carence dans l’exécution d’un ordre :

 

CAA Lyon 9 juillet 1990, Commune de Bourg Saint-Maurice, n° 89LY00734 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction que les terrains devant lesquels ont été édifiés les immeubles inondés ont été classés en terrains constructibles par le plan d'occupation des sols approuvé au nom de l'Etat le 21 juin 1976, et que les permis de construire de ces immeubles ont été accordés au vu d'un avis émanant des services extérieurs du ministère de l'équipement qui excluait expressément tout risque de débordement depuis la canalisation du Charbonnet, alors que les informations possédées par l'administration, à l'époque où ces décisions ont été prises, tant en ce qui concernait le régime du torrent que la nature et la situation des lieux, ne permettaient pas de considérer que tout risque était éliminé ; qu'ainsi, en accordant les permis de construire dont s'agit, sans même les assortir des prescriptions qu'appelait le risque de débordement du Charbonnet, le préfet de la Savoie a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ”.

 

CAA Bordeaux 8 avril 1993, Mme Desfougères, n° 91BX00268 : “ Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les services départementaux d'Etat de l'équipement mis à la disposition gratuite de la commune pour l'instruction des permis de construire, agissent sur l'autorité du maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont ainsi confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut, en ce cas, être engagée envers la commune que lorsqu'un agent de l'Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; que le maire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré a rappelé au service instructeur de la demande de permis de construire de Mme Desfougères, le caractère inondable du terrain de l'intéressée, lui donnant ainsi pour instruction de vérifier si pour cette raison, le permis de construire devait être refusé ou assorti de prescriptions spéciales ; qu'en négligeant d'exécuter cette instruction, le service instructeur de l'Etat a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat envers la commune ; que dès lors, l'Etat devra garantir la commune de Sainte-Marie-de-Ré des condamnations prononcées contre elle ”.

 

C’est le cas aussi en matière d’extraction : CE 19 octobre 1988, Ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, n° 71248 : concernant une activité d’extraction dans le lit d’un cours d’eau ayant accentué des dommages.

 

- Le partage de responsabilité peut concerner l’Etat et une collectivité locale ou un groupement, voire même un syndicat, et un exploitant privé :

 

CE sect. 2 mars 1984, Syndicat Intercommunal de l’Huveaune, Ville de Marseille (Bouches du Rhône) req. 35524, 35874 : “ Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert commis par le juge des référés, que ces dommages sont imputables pour une part à l’implantation de l’usine dont il s’agit qui l’exposait à la fois aux eaux de ruissellement et à celles provenant des crues de l’Huveaune ; qu’ils ont toutefois été sensiblement aggravés, d’une part par le mauvais état du cours d’eau de la rivière et de ses berges, encombrés par la décharge d’objets et de résidus de toute sorte, d’autre part en raison de la section insuffisante et du mauvais état d’entretien des ponts appartenant à la ville de Marseille et situés en aval de l’usine, et enfin, quoique pour une moindre part, par les travaux de calibrage effectués en amont de Marseille par le syndicat intercommunal de l’Huveaune avec la maîtrise d’œuvre de l’Etat ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 30% la part des dommages imputables aux ouvrages susmentionnés, à 30% celle qui est imputable à l’absence de curage et d’entretien du cours d’eau et à 10% celle qui est imputable aux travaux de calibrage effectués en amont de Marseille ; que cette dernière part doit donner lieu à la condamnation solidaire du syndicat intercommunal de l’Huveaune, maître d’ouvrage, et de l’Etat, maître d’œuvre chargé de la conception des travaux ; que le surplus des dommages doit être laissé à la charge de la Société Micasar”.

 

 

· Synthèse :

 

Le partage des responsabilités révèle la complexité de ce domaine du contentieux. Dans chacune des hypothèses soumises au juge la jurisprudence révèle qu’il est nécessaire de bien identifier les divers acteurs et leurs obligations respectives. La situation de propriétaire (public ou privé) riverain ( du cours d’eau non domanial ou du cours d’eau domanial) doit être précisée ainsi que la présence d’ouvrages, publics mais pas seulement, ainsi que l’application de décision administrative dans le cadre de la police des eaux, notamment pour l’entretien des  cours d’eau ou d’autres polices, telle que l’urbanisme ou les installations classées par exemple.

 


 

20

 

Les atténuations de la responsabilité

 

· Fondement juridique :

 

La force majeure : constitue un cas de force majeure un événement extérieur à l’action du défendeur, imprévisible et irrésistible dans ses effets.

 

Le fait du tiers : l’action d’un tiers (personne publique ou privée) peut avoir une incidence sur le dommage. Sa responsabilité sera retenue à hauteur de sa participation au dommage.

 

La faute de la victime : une imprudence ou une négligence de la victime elle-même peut être constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité.

 

· Problème de droit :

 

Les conditions d’atténuation de la responsabilité en matière d’inondation.

 

· Solution :

 

La jurisprudence révèle en pratique plusieurs hypothèses caractéristiques.

 

- En dépit d’une jurisprudence parfois fluctuante, la force majeure est admise sous certaines conditions.

Le juge examine l’ancienneté, l’intensité et la localisation des inondations pour admettre ou non la force majeure.

 

Celle-ci n’est pas retenue :

 

-                                  lorsqu’un torrent a déjà “ inondé à plusieurs reprises au cours du siècle dernier et que le 8 juillet 1936, à la suite d’un orage violent en fin d’après midi, ce torrent et ses affluents ont […] arraché des ponts et des barrages ” CAA Lyon 13 mai 1997, M. Balusson et autres, n° 94LY00923.

 

-                                  dans certaines espèces, le juge peut remonter plusieurs décennies en arrière pour écarter la force majeure : 150 ans dans l’affaire du Grand Bornand (CAA Lyon 13 mai 1997, Ballusson et autres, n° 94LY00923), plus de 100 ans (CE 4 avril 1962, Ministre des travaux publics contre société Chais d’Armagnac, AJDA 1962, p. 592).

 

Mais il peut, dans certains cas, reconnaître le cas de force majeure. C’est le cas de certaines intempéries dont les précédents remontent à plus de 100 ans (CE 27 janvier 1989, Cie d’assurance le Drouot (…), n° 80064 et CE 14 février 1986, Syndicat interdépartemental  d’assainissement de l’agglomération parisienne, n° 57265).

 

Ce critère du précédent n’est pertinent que s’il est apprécié au regard des autres cas d’inondation connus dans la région et si les crues sont comparables de par leur intensité :

 

-                                  le cas de force majeure est caractérisé dès lors que les pluies d’orage similaires n’avaient pas été constatées “dans la région ” CE 23 janvier 1981, Commune de Vierzon, Leb. p. 28 ; CE 19 février 1988, Mme Descloîtres, n° 72528 et CAA Bordeaux 3 avril 1995, Consorts Boyers et autres, n° 94BX00378.

 

-                                  les intempéries peuvent être d’une intensité exceptionnelle justifiant la force majeure (TA Lyon 11 février 1987, Macif et Fonsomacif, CJEG mai 1987, p. 648 et TA Lyon 26 juin 1997, Société Proud et Compagnie Cigna, n° 9204836).

 

            Mais le caractère de force majeure n’empêche pas que la responsabilité de l’Administration soit retenue si une aggravation du dommage a été occasionnée par l’insuffisance ou le défaut d’entretien d’un ouvrage public : CE 12 mars 1975, Commune de Boissy-le-Cutte, n° 91532, Leb. p. 1303.

 

- Le juge retient parfois le fait du tiers pour atténuer la faute de l’Administration

 

CAA Lyon 5 mars 1991, Association de dessèchement des marais d’Arles, n° 89LY00968 : “ Considérant que les eaux déversées sur son terrain provenaient également des terres voisines que leur propriétaire noyait périodiquement pour y maintenir du gibier d’eau […] les faits ainsi établis sont de nature à atténuer la responsabilité de l’association ”.

 

TA Montpellier 29 janvier 1997, M. et Mme Jaillot, n° 962904 : “ le non-respect par le constructeur des prescriptions du permis de construire, qui a concouru à l’aggravation des dommages, est opposable au maître de l’ouvrage ”.

Dans le même sens : TA Montpellier 27 janvier 1999, M. Jean-Pierre Loisel, n° 924120.

 

-  La faute de la victime constitue de plus en plus un critère d’atténuation de la responsabilité des personnes publiques :

 

La responsabilité sera atténuée si la victime a commis une imprudence en connaissance du risque :

                       

CE 20 février 1987, Commune de Marle-sur-Serre, n° 61630 : “ Considérant toutefois qu’en entreposant des engrais dans des installations situées en zone inondable sans prendre de précaution contre les inondations qui étaient prévisibles, la société a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune ”.

 

CE 27 novembre 1987, Société provençale d’équipement, n° 38318 : “ Considérant en revanche qu'il résulte de l'instruction que la société Comptoir des nouveautés mondiales et la société de Mécanique provençale ne pouvaient ignorer ni les risques naturels d'inondation des lieux qui existaient au moment où elles ont pris la décision de s'installer sur la zone industrielle ni les risques qui subsistaient après l'achèvement des travaux d'aménagement et sur lesquels elles avaient elles-mêmes attiré l'attention du concessionnaire; qu'elles n'ont pris néanmoins aucune mesure de précaution tendant notamment à surélever les sols du bâtiment et dont la nécessité, rappelée par l'expert commis par le tribunal administratif, n'est pas contestée; que l'imprudence ainsi commise par les victimes est de nature à atténuer la responsabilité des auteurs du dommage; qu'en fixant aux 2/5èmes la part des conséquences dommageables des inondations qui doit être laissée à la charge des victimes, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce ”.

 

CAA Lyon 5  mars 1991, Association de dessèchement des marais d’Arles, n° 89LY00968 : “ Considérant, toutefois, que pour s’exonérer de sa responsabilité, l’association requérante invoque à titre subsidiaire à la fois les coupures et prises d’eau pratiquées par M. Deville lui-même[…] les faits ainsi établis sont de nature à atténuer la responsabilité de l’association ”.

 

CAA Nancy, 14 décembre 1995, District de l’agglomération nancéienne, n° 94NC00220 : “ Considérant […] qu’en revanche, en stockant du matériel de valeur dans un sous-sol exposé aux risques d’inondation et qui avait subi un précédent sinistre du même type, la société Pedersoli a commis un faute de nature à atténuer du quart la responsabilité du district ”.

 

            Le comportement fautif peut résulter de la violation de la loi :

 

CE 19 octobre 1988, Ministre du redéploiement industrie et du commerce extérieur, ministre de l’environnement c/ M . et Mme Veillard et autres, n° 71248 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages produits par l'effondrement des berges sont imputables pour une part aux propriétaires riverains qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avaient la charge d'assurer la protection de leurs propriétés et qui n'ont pas mis en place les ouvrages nécessaires alors que la fragilité des berges était connue d'eux et que des désordres étaient apparus antérieurement à la crue survenue au mois de décembre 1981 ”.

 

CE 14 décembre 1990, Société provençale d’équipement, Ministre de l’urbanisme et du logement, n° 46796 :  Considérant que le tribunal administratif a relevé l'imprudence commise par les sociétés Salva-Eclair, Massilia, Labica et Cempa en s'installant dans une zone dont elles ne pouvaient ignorer le caractère inondable sans prendre les précautions imposées par la nature des lieux ; qu'il a retenu, à la charge de la société Gloria, la circonstance qu'elle s'était installée avant l'aménagement de la zone industrielle et avait, par suite, pris le risque de subir des inondations, et, à la charge de la société Pons, le fait que les niveaux inférieurs et les seuils de ses bâtiments avaient été réalisés 50 cm plus bas que ne le prévoyait son permis de construire et que, pour ce motif, le certificat de conformité lui avait été refusé ; qu'en laissant à la charge des sociétés Gloria et Pons 40 % des conséquences dommageables des inondations et, à la charge des autres sociétés 10 % des dommages, le tribunal administratif a fait une juste appréciation des responsabilités encourues ”.

 

- Le demandeur d’une autorisation de construire doit autant que possible s’informer des risques :

 

TA Montpellier 8 juillet 1994, M. et Mme Sire, n° 931435 : “ Considérant toutefois qu’en négligeant de s’assurer eux-mêmes, comme ils en avaient la possibilité, de la sécurité des lieux où il se proposaient de construire leur maison d’habitation les époux Sire ont commis une imprudence qui justifie qu’une part de responsabilité soit laissée à leur charge ; qu’il sera fait une juste appréciation de cette part de responsabilité en la fixant à la moitié des conséquences dommageables nées de la décision litigieuse ”.

           

            Voir aussi TA Strasbourg 8 novembre 1995, SA société Seloi et M. Philippe Gourdon, n° 91.1508 ; BJDU 3/96, p. 217.

 

· Synthèse :

 

La responsabilité des propriétaires riverains et des personnes morales de droit public ayant en charge le respect de l’entretien et de la surveillance des cours d’eau ainsi que la prévention des inondations se trouve atténuée par un ensemble d’éléments faisant l’objet d’une appréciation évolutive par les juridictions. Il en est ainsi de la force majeure, la faute d’un tiers comme la faute de la victime.


 

21

 

Le préjudice

 

· Fondement juridique :

 

Loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’Etat

 

· Problème de droit :

 

L’évaluation du montant du préjudice subi par une victime d’inondation.

 

· Solution :

 

- Le préjudice doit être certain :

 

il peut s’agir : de la perte d’une récolte (TA Montpellier 26 mars 1990, M. Taillade, n° 8718757 ; TA Montpellier 1er février 1995, M. Polit, n° 91676), ou de marchandise (CE 16 octobre 1982, Société française de transports Gondrand frère, n° 87285), de la perte de jouissance d’un bien (TA Montpellier 13 octobre 1995, M . et Mme Romagnoli, n° 913315), de frais engagés pour remettre en état un site (CAA Lyon 7 novembre 1990, Syndicat des rivières de la commune de Bedarrides, n° 89LY02015).

 

- Le préjudice doit faire l’objet d’une évaluation et le requérant doit être en mesure de le chiffrer :

 

CAA Lyon 3 décembre 1990, Sci Les grandes épines bénites, n° 89LY01314 : “ Considérant que la S.C.I. Les Grandes Epines Bénites a demandé la condamnation de l’Etat à réparer les conséquences dommageables pour l’immeuble dont elle est propriétaire à Saint Sorlin (Drôme) des inondations provoquées le 4 octobre 1984 par le débordement du torrent ‘’Le Nan’’ ; que si elle a chiffré son préjudice total à 569 439,44 francs, et si elle a indiqué être en mesure de fournir tous les éléments de nature à établir le montant de ce préjudice, elle n’a produit tant devant le tribunal que devant la cour aucune pièce justificative ; qu’il résulte au surplus de l’instruction que l’expert commis en référé a été déchargé à sa demande expresse de sa mission initiale d’évaluation de dommages ; que, dans ces conditions, et alors que du fait des travaux qu’elle a réalisés l’expertise que demande en appel la requérante ne pourrait être que frustratoire, il y a lieu de rejeter sa demande d’indemnité dirigée contre l’Etat ”.

 

- Le préjudice est qualifié par un critère temporel. Il ne doit pas être frappé de prescription quadriennale :

 

CAA Lyon 6 décembre 1994 , M. Bodourian, n° 93LY00452 : “ Considérant qu’il résulte [des dispositions de la loi du 31 décembre 1968] que seul le maire auquel il incombe le règlement d’une dette de la commune sur les crédits dont il assume la gestion, ou l’adjoint qu’il délègue à cet effet, a qualité pour opposer au nom de la commune la prescription prévue par la loi du 31 décembre 1968 ; que si la commune de Castagniers s’est prévalue de la prescription quadriennale dans un mémoire ampliatif le 25 mars 1992, qui ne porte que la signature de son avocat, elle ne l’a pas invoquée au sens des dispositions de l’article 7 précité avant que le tribunal administratif ait statué ; que, dès lors, elle ne peut l’invoquer pour la première fois en appel ”.

 

Dans le même sens : TA Montpellier 19 mars 1997, Mme Annie Congui c/ Commune d’Ajac, n° 923120 : “ Considérant […] que seul le maire auquel il incombe le règlement d’une dette de la commune sur les crédits dont il a la gestion peut opposer, le cas échéant, la prescription prévue par cette loi ; qu’ainsi la prescription invoquée par la commune d’Ajac dans un mémoire ne portant que la signature de l’avocat n’a pas été régulièrement apposée à Mme Congui ”.

 

· Synthèse :

 

La reconnaissance de la responsabilité ne constitue qu’un aspect de la résolution des contentieux, la détermination du préjudice et l’identification de ses caractéristiques  apparaissent des éléments fondamentaux au regard de l’indemnisation elle-même.

 


 

 

 

 

Chapitre 4

 

 

 

 

L’impact des ouvrages et travaux publics sur les inondations :

 

les hypothèses d’engagement des responsabilités


 

22

 

La réparation des dommages causés ou accentués

par les ouvrages publics

 

· Fondement juridique :

 

Selon que la victime est usager ou tiers par rapport à l’ouvrage public en cause, le régime de responsabilité n’est pas le même.

 

La responsabilité sans faute ou pour risque du fait des ouvrages publics : ce régime est appliqué pour les dommages causés à des tiers, de l’ouvrage même en l’absence de faute. Il s’agit du cas où le dommage ne résulte pas d’une utilisation ou d’un bénéfice de l’ouvrage.

La victime doit prouver alors qu’elle est atteinte par un trouble anormal qui est la conséquence d’un vice de conception ou un défaut d’entretien de l’ouvrage.

 

La responsabilité pour faute : ce régime est retenu en cas de dommages causés par des ouvrages publics lorsque la victime a la qualité d’usager. Auquel cas, la faute sera présumée établie lorsque la victime invoquera un défaut d’entretien normal de l’ouvrage,  ou un vice de conception.

 

· Problème de droit :

 

Les mesures de prévention et de surveillance que doivent accomplir les collectivités publiques sur les ouvrages publics pour éviter les inondations.

 

· Solution :

 

- Les ouvrages qui concourent généralement aux inondations sont la voirie publique, les ponts, les barrages, les réseaux d’assainissement ou d’évacuation des eaux.

 

La mission de la puissance publique dans la surveillance des ouvrages publics s’échelonne selon quatre niveaux d’attention : d’abord les collectivités doivent veiller à ne pas causer de dommages durant l’exécution des travaux.

 

Le dommage peut résulter de travaux exécutés sur un cours d’eau :

 

CE 17 juin 1988, Syndicat intercommunal pour l’aménagement et l’entretien de l’Echandon, n° 47737 : “ Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les travaux en cause, qui ont consisté en un approfondissement du lit de ce ruisseau, la régularisation de sa pente, sa mise à profil sur une longueur de 11 kms et le rescindement de divers méandres en amont du pont de la Société Nationale des Chemins de fer Français, ont eu pour conséquence d'accélérer substantiellement la vitesse des eaux en cas de crue et de priver les fondations du pont de la protection que leur assurait antérieurement, et en dépit de son mauvais entretien, le radier en pierres posé à l'origine au fond du lit; que ces travaux, qui ont rendu l'ouvrage plus vulnérable à l'érosion et aux crues, sont ainsi à l'origine de son effondrement ”.

 

CE 14 décembre 1988, Ministre de l’environnement c/ M. de Toulgoet et M. Mme Boisbrun, n° 64182 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages qu'a subi la parcelle dont il s'agit sont imputables non comme le soutient le ministre de l'environnement à une modification dans les conditions d'exploitation de cette parcelle mais aux travaux dont il a été fait état ci-dessus et au regard desquels, eu égard à leur objet, le requérant eut la qualité de tiers; que ces travaux ont modifié les conditions d'écoulement des hautes eaux au droit de la propriété de M. de Toulgoet qui, ainsi déviées, ont provoqué l'arrachement d'une partie de la parcelle et la séparation de ce qui en subsiste par rapport à la terre ferme, alors qu'une crue beaucoup plus importante, survenue avant que ces travaux aient été effectués, n'avait occasionné que des dommages limités ”.

 

CE 12 avril 1995, Syndicat intercommunal pour l’aménagement hydraulique de la vallée de l’Hers mort, n° 68314 : “ Considérant qu’il résulte de l’instruction (…) que l’inondation trouve son origine dans les travaux d’exhaussement des terrains de la zone industrielle de Montaudrau (…) dans la diminution de la superficie du lit majeur de la rive gauche de l’Hers par l’installation de la digue de l’autoroute ”.

 

Voir aussi :

 

CE 18 décembre 1989, Syndicat intercommunal d’entretien de la rivière “ La Juine ” et ses affluents, n° 86297 ; Leb. p. 691 ; CE 27 janvier 1989, SA Filatuft, n° 67722 ; CAA Nantes, 21 février 1996, Entreprise Tinel, Association syndicale des rivières de Lillebonne et Notre-Dame de Gravenchon, n° 93NT00569.

 

-          Ensuite, l’ouvrage doit être exempt de défaut de conception :

 

Au sujet des réseaux d’évacuation des eaux :

 

CE 17 janvier 1986, Syndicat intercommunal d’assainissement du Rû de Marivel, n° 48.941 : “ Considérant que les inondations ont été provoquées par l’insuffisance du système de captation des eaux de ruissellement à l’emplacement de la zone sinistrée, déjà mise en évidence  à l’occasion d’orages d’intensité plus faible, ainsi qu’au débordement des canalisations d’égout, les collecteurs desservant ce secteur ayant été saturés en raison de l’importance des précipitations ; qu’ainsi les dommages en cause sont imputables à un vice de conception de l’ouvrage et non à son mauvais fonctionnement ”.

 

Voir aussi :

 

CE 27 novembre 1987, Société provençale d’équipement, Commune d’Aubagne, Ministre de l’urbanisme et du logement, n° 38318. CE 14 décembre 1990, Société provençale d’équipement, Ministre de l’urbanisme et du logement, n° 55488 ; CE 4 mai 1990, Commune de Marly le roi c/ consorts Delacroix, n° 79370. CAA Bordeaux 2 décembre 1996,  M. et Mme Pouvreau, M. Memeteau, n° 93BX00731

 

Concernant l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux pluviales d’une route :

 

CE 4 novembre 1983, Commune de Charleville-Mézière c/ M. et Mme Fricoteaux, n° 43937.

 

Voir aussi :

 

CE 21 juillet 1989 Commune de Marigny-les-Usages, n° 82795 : le dommage peut résulter de l’absence de caniveau.

 

-          L’Administration doit veiller à l’entretien de l’ouvrage… :

 

Sur l’incidence des ponts dans l’intervention d’une crue :

 

CE 17 février 1992, M. Vieuille, n° 53014 : “ Considérant que l'écoulement normal des eaux dans la zone concernée est assuré par la ravine "Bras de source", ouvrage qui appartient à l'Etat et longe la partie ouest du terrain de M. Vieuille ; qu'il résulte de l'instruction qu'au moment des faits litigieux des branchages s'étaient accumulés sous un ponceau franchissant cette ravine et situé en amont de la propriété du requérant ; que la présence de ces branchages était imputable à la fois à des travaux d'élagage effectués pour le compte d'Electricité de France et à la présence sous le ponceau de canalisations appartenant à la Compagnie générale des eaux ; que ni cette dernière, ni l'Etat, ni l'Electricité de France n'ont pris en temps utile les mesures nécessaires au dégagement de ces obstacles ; que leur responsabilité conjointe se trouve ainsi engagée dans les dégâts subis par la propriété de M. Vieuille ”.

 

Dans le même sens : CE 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune, n° 35524, Leb. p. 93.

 

Concernant la voirie publique et un réseau d’évacuation des eaux :

 

CAA Bordeaux 3 avril 1995, Consort Boyers et autres, n° 94BX00378 : “ le mauvais état de ce fossé doit être regardé comme la cause déterminante de l’inondation des propriétés des époux Boyers et des époux Guiot, qui sont situées en bordure de cet ouvrage public à l’égard duquel les intéressés ont la qualité de tiers ”.

 

CE 20 décembre 1985 Commune de Saint-Nabord et Ministre des transports c/ société anonyme “ Etablissement Robert Leduc ”, n°44562 et CE 23 janvier 1991, Commune de Vitrolles c/ SA du Motel de Vitrolles, n° 48498.

 

Sont également concernées les digues, si l’Etat est chargé de l’entretien de celles-ci :

 

CE 4 avril 1962, Ministre des travaux publics c/ société Chais d’Armagnac ainsi que les barrages : CE 22 octobre 1971, Ville de Fréjus, n° 76200, Leb. p. 630.

 

-          … et à son bon fonctionnement :

 

Cette obligation concerne, par exemple,  les voies publiques :

 

CE 23 janvier 1991, Commune de Vitrolles c/ SA du Motel de Vitrolles, n° 48498 : “ainsi les dommages ont été causés non seulement par le fonctionnement d'ouvrages incorporés à la bretelle autoroutière et au chemin départemental des Bouches-du-Rhône, appartenant respectivement à l'Etat et au département des Bouches-du-Rhône, mais aussi par un ouvrage, élément de la voirie de la zone industrielle et appartenant à la commune ; que la société anonyme du Motel de Vitrolles, tiers par rapport à ces ouvrages, était fondée à demander la réparation du préjudice subi sur le terrain du risque, en l'absence même de toute faute de leur part, à l'Etat, au département des Bouches-du-Rhône et à la Communes de Vitrolles ”.

 

Dans le même sens :

 

CAA Lyon 22 décembre 1998, Ministre de l’aménagement du territoire, de l’équipement et des transports, n° 95LY00930.

 

· Synthèse :

 

La recherche de la présence d’un ouvrage public ayant pu contribuer ou causer un dommage est coutumière en matière d’inondation. Dans chaque espèce, le juge apprécie la contribution de l’ouvrage dans la survenance du dommage même en l’absence de faute et en tire les conséquences quant au partage éventuel de responsabilité. Dans ce régime de responsabilité, il suffit à la victime d’établir le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage (si elle est tiers) ; si elle est usager  la faute sera présumée.

 

Il faut noter qu’en matière d’entretien et curage des cours d’eau domaniaux la responsabilité de l’Administration peut être retenue lorsque ces travaux ont été mal exécutés ou insuffisants. Ces travaux, considérés comme des travaux publics lorsqu’ils sont réalisés pour le compte d’une collectivité sont soumis au régime de la responsabilité sans faute (alors que l'abstention dans la prescription de mesures de police - curage et entretien - relève du régime de la faute lourde [voir fiche n° 15]).

 

 

 

 


 

23

 

Le partage et les atténuations de responsabilités

du fait des ouvrages publics

 

· Fondement juridique :

 

La condamnation solidaire : lorsqu’il y a collaboration entre plusieurs personnes publiques dans la mission de lutte contre les inondations, l’entretien et curage des cours d’eau, le régime d’indemnisation s’organise selon les obligations qui incombent à chacune (réglementation des cours d’eaux, entretien d’un ouvrage public, police de l’urbanisme).

 

La technique de l’appel en garantie : en cours d’instance, elle permet à la personne condamnée de demander le report de tout ou partie de la charge indemnitaire sur une autre personne

 

· Problème de droit :

 

Le partage des responsabilités entre personnes publiques et personnes publiques et privées.

 

· Solution :

 

- Le juge procède à un partage des responsabilités entre personnes publiques :

 

CE 23 janvier 1991, Commune de Vitrolles c/ SA du Motel de Vitrolles, n° 48498 : “ ainsi les dommages ont été causés non seulement par le fonctionnement d'ouvrages incorporés à la bretelle autoroutière et au chemin départemental des Bouches-du-Rhône, appartenant respectivement à l'Etat et au département des Bouches-du-Rhône, mais aussi par un ouvrage, élément de la voirie de la zone industrielle et appartenant à la commune ; que la société anonyme du Motel de Vitrolles, tiers par rapport à ces ouvrages, était fondée à demander la réparation du préjudice subi sur le terrain du risque, en l'absence même de toute faute de leur part, à l'Etat, au département des Bouches-du-Rhône et à la Commune de Vitrolles ”.

 

- Avant de rechercher les causes étrangères susceptibles d’atténuer leur responsabilité, telles que la force majeure et la faute de la victime :

 

CE 20 mars 1991, Pinzuti, n° 82825 : “ Considérant que contrairement à ce que soutient l'Etat à l'appui de son recours incident, les inondations répétées du bâtiment appartenant à M. Pinzuti trouvent leur cause directe et certaine dans la surélévation d'environ 75 cm de la chaussée de la RN n° 193, laquelle jouxte la propriété de M. Pinzuti; qu'aucune négligence ou faute de la part de M. Pinzuti n'a contribué à provoquer les dommages ni aggravé leurs conséquences ; que l'Etat n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Bastia, par un jugement en date du 21 mars 1986, l'a reconnu entièrement responsable des dommages subis par M. Pinzuti”.

 

Voir aussi : CAA Bordeaux 3 avril 1995, Consorts Boyer et autres, n° 94BX00378 : “en l'absence de toute faute des victimes l'Etat doit être déclaré responsable de la totalité des conséquences dommageables de l'inondation de ces propriétés ”

 

A contrario :

CE 17 juin 1970,  Ministère des transports c/ consorts Simongiovanni et autres, n° 72826, Leb. p. 413 : “ (…) que toutefois lesdits dommages sont en partie imputables au sieur Simongiovanni qui n’avait pris aucune précaution pour se prémunir contre les risques d’inondation que présentait la présence à proximité de sa propriété, dont le niveau moyen est très faible, de deux rivières au régime torrentiel ”.

 

CE 17 février 1992, M. Vieuille, n° 53014 : le fait de ne pas construire un mur dans les “ règles de l’art ” constitue une faute de la victime.

CE 29 décembre 1997, Société à responsabilité limitée Pedersoli, n° 177466 : dès lors qu’un précédent dommage s’est produit, la victime commet une faute en ne prenant pas de mesure suffisante pour parer au risque.

 

- par contre, le fait du tiers n’est, en principe, jamais exonératoire :

 

CE 27 novembre 1987, Société provençale d’équipement, n° 38318 : “ Considérant que la circonstance que les inondations seraient en partie imputables aux agissements de tiers, qui auraient détourné les cours d’eau avoisinant vers la zone industrielle, à la supposer établie, est sans incidence sur la responsabilité des coauteurs du dommage vis-à-vis des victimes ”.

 

Dans le même sens : CAA Lyon 22 décembre 1998, Ministère de l’aménagement du territoire de l’équipement et des transports, n° 95LY00930 : “ que, même si les buses susmensionnées avaient été bouchées par un tiers, comme le soutient l’administration sans en apporter d’ailleurs la preuve, ce fait d’un tiers est sans influence sur la responsabilité encourue par l’Etat en sa qualité de maître d’ouvrage”.

 

· Synthèse :

 

Lorsque des inondations sont causées ou accentuées par des ouvrages publics, le partage des responsabilités entre personnes publiques et entre personnes publiques et privées intervient dès lors qu’il est établi que l’intervention de chacun a contribué à la réalisation du risque. La répartition de la réparation est fixée par le juge  à hauteur de leur contribution respective.

 


 

 

 

 

Chapitre 5

 

 

 

Urbanisme et inondations : les responsabilités
 

 

 

 

 

 

La planification, la réglementation et les inondations

 


 

24

 

Le schéma directeur

 

· Fondement juridique :

 

Article L. 122-1 : “ Les schémas directeurs fixent les orientations fondamentales de l’aménagement des territoires intéressés […] Ils prennent en considération l’existence de risques naturels prévisibles ”.

 

Circulaire du 24 janvier 1994 relative à la prévention des inondations et à la gestion des zones inondables.

 

· Problème de droit :

 

L’intégration du risque d’inondations dans les schémas directeurs.

 

· Solution :

 

CAA Paris 21 avril 1994, SARL CARS DEBRAS, n° 92PA01419 : “ Considérant, en dernier lieu, que si la société invoque le respect du principe d'équilibre prévu à l'article L.121-10 du code de l'urbanisme et rappelé, s'agissant des schémas directeurs, à l'article L.122-1 du même code, il ne ressort pas du dossier qu'en prévoyant l'inconstructibilité des pentes et fonds de vallée du secteur de la vallée de la Mauldre les auteurs du schéma directeur du Val de Gally aient - compte tenu en particulier de la configuration des terrains en cause facilement exposés, comme il a été dit, aux risques d'inondation- poursuivi d'autres fins que celles définies par les dispositions susrappelées du code de l'urbanisme, ni qu'ils aient fait une appréciation manifestement erronée des éléments qu'il leur appartenait de prendre en compte, et notamment de l'équilibre à sauvegarder entre le développement des activités économiques et la préservation des espaces naturels, ainsi que des aires à vocation agricole ”.

 

TA Nice 6 mars 1996,  Comité de sauvegarde du Port Vauban et autres, n° 94533, BJDU 3/96, p. 170 :  “ Considérant (…) que d’autre part il résulte des pièces du dossier que divers secteurs de l’agglomération (…) sont situés dans des zones soumises à des risques naturels d’inondation ; qu’en ne faisant apparaître aucun de ces espaces comme à protéger en raison de l’existence de risques naturels d’inondation prévisibles et en classant d’ores et déjà la plupart desdits secteurs en zone d’urbanisation structurée où est autorisé l’habitat collectif sous la seule réserve que les aménagements envisagés devaient prendre en compte les incidences des crues centennales, alors que les études nécessaires pour préciser l’incidence des risques et les ouvrages de nature à y pallier n’étaient pas réalisées, le schéma directeur est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ”.

 

· Synthèse :

 

Comme le rappelle la Cour administrative d’appel de Paris dans sa décision de 1994, le “ principe d’équilibre ” entre activité économique et risque naturel prévu à l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme oblige les rédacteurs d’un schéma directeur à intégrer le risque inondation. L’article L. 110 du code de l’urbanisme peut aussi constituer un élément de référence.

 

Dans le prolongement de cette jurisprudence naissante, le tribunal administratif de Nice va encore plus loin. Dans leur décision de 1996, les juges ont suivi les recommandations convainquantes du commissaire du gouvernement qui soulignait la contradiction majeure entre un schéma directeur prévoyant d’accroître l’urbanisation et des études scientifiques et techniques alarmantes. De plus, des plans d’occupation des sols compris dans l’aire de ce schéma directeur en cause avaient été annulés en 1995 pour les mêmes motifs.

 

Tout en procédant à un contrôle restreint, le juge peut donc invalider un schéma directeur ne contenant aucune disposition suffisante pour prévenir les inondations sur le long terme.

 

L’existence du risque doit donc être prise en considération par ce type de document. De ce fait la gestion du risque se trouve renforcée, elle est notamment développée par les plans de prévention des risques, les projets d’intérêt généraux et les plan d’occupation des sols ou les documents en tenant lieu.

 


 

25

 

Le plan d’occupation des sols et les inondations

 

· Fondement juridique :

 

Article L. 123-1 du code de l’urbanisme : “ Les plans d’occupation des sols fixent, dans le cadre des orientations des schémas directeurs ou des schémas de secteur, s’il en existe, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire.

Les plans d’occupation des sols doivent, à cette fin, en prenant en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution : délimiter des zones urbaines ou à urbaniser prenant notamment en compte […] l’existence de risques naturels prévisibles ”.

 

· Problème de droit :

 

La prise en compte du risque d’inondation dans le zonage du plan d’occupation des sols.

 

· Solution :

 

- Par principe, les collectivités ont toute latitude pour décider de l’affectation des parties de leur territoire couvertes par un POS : le contrôle du juge sur les choix de classement est un contrôle restreint :

 

CE 23 mai 1979, Commune de Bouchemaine, n° 09860, Leb. p. 127 : “ Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’en classant en zone ND, en tant qu’ “ espace naturel qu’il convient de protéger en raison de la qualité du paysage, du caractère et des éléments naturels qui les composent” un vallonnement, à proximité de la Maine, destiné à relier entre elles deux “ zones ND ” et à constituer ainsi une coupure verte entre deux zones d’habitation, l’administration n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ”.

 

- Par ce contrôle, le juge veille à l’intégration du risque d’inondation dans le POS et sanctionne les communes défaillantes :

 

CE 30 juin 1999, Commune de La Chapelle d’Anguillon, n° 202672 et CAA Nantes 14 octobre 1998, Commune de la Chapelle d’Anguillon, n° 96NT02136 : “ Considérant que la délibération attaquée par laquelle le conseil municipal de la Chapelle d'Angillon a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune a eu notamment pour objet de permettre, au sein de la zone ND qui, en vertu du règlement du plan d'occupation des sols est une zone naturelle "à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages ainsi que des risques d'inondation", la réalisation d'une station d'épuration faisant l'objet de l'emplacement réservé n° 5 ; qu'eu égard à l'existence des risques d'inondation en zone ND dûs notamment aux crues de la Petite Sauldre et du Moucard, crues qui interdisent, ainsi qu'il ressort du rapport de présentation du plan d'occupation des sols, toute urbanisation au nord-ouest de la commune où sera implantée ladite station, au confluent même de la Petite Sauldre et du Moucard et des inconvénients pouvant résulter pour le milieu naturel du fonctionnement d'une station d'épuration en cas d'inondation, la révision ainsi décidée du plan d'occupation des sols est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ”.

 

Voir aussi : TA Nice 11 mai 1995, Association de défense de Juan-les-Pins et autre c/ commune d’Antibes, n° 942465 et TA Nice 19 octobre 1995, Association Mandelieu la Napoule, n° 952111.

 

- Dès lors qu’il existe un plan d’exposition aux risques (remplacé aujourd’hui par le plan de prévention des risques), celui-ci doit obligatoirement être pris en compte :

 

CE 9 avril 1993, Mentzler, n° 89300 :  Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions susmentionnées que lorsqu'une commune élabore un plan d'occupation des sols alors que le préfet a préalablement, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article R.111-3, délimité les terrains exposés aux risques visés par le premier alinéa en assortissant cette délimitation d'une interdiction de construire ou de prescriptions spéciales à raison des risques encourus, le conseil municipal est tenu de prendre en compte les dispositions de cet arrêté préfectoral en attribuant aux terrains en cause un classement comportant des sujétions au moins égales à celles qu'a édictées ledit arrêté dans l'intérêt de la sécurité publique ”.

 

- Le juge confirme les décisions de classement en zone inondable par les communes dès lors que le risque est avéré ou qu’il y eu des précédents :

 

CE 8 janvier 1992, M. Perrotey, n° 85943 : “ Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-18 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, les zones ND sont des zones naturelles, "à protéger en raison, d'une part, de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique ou écologique" ; Considérant qu'il ressort du dossier qu'en incluant le terrain du requérant, situé en bordure de la rivière Le Madon, en zone ND inondable, les auteurs du plan d'occupation des sols n'ont pas entaché leur décision de classement d'une erreur manifeste d'appréciation ”.

 

Dans le même sens : CE 2 mars 1994, M. Comte, n° 121885 ; CE 18 février 1994, Commune de Crosne, n°108053 ; CE 28 janvier 1998, M. et Mme Merrain, n° 160042.

 

CE 25 novembre 1994, MM. Mauvisseau, n° 126642 : “ La zone où se trouve ledit terrain présente un caractère d’instabilité, des désordres y ayant été constatés au cours des années précédant la date de la décision attaquée ; qu’ainsi le requérant n’établit pas que l’autorité administrative se soit fondée sur des faits matériellement inexacts ou ait commis une erreur manifeste d’appréciation en classant, par la délibération attaquée, le terrain litigieux en zone NDr à protéger, en raison, notamment, d’une exposition à des risques naturels, dans laquelle, par la suite, les constructions nouvelles sont interdites ”.

 

- Peu importe que des travaux soient entrepris pour réduire ou supprimer les risques ou que des constructions soient déjà établies sur les territoires en cause :

 

CE 5 février 1996, M. Bilez, n°154393 : “ Les 10 hectares appartenant à M Bilez, précédemment classés en zone NDb autorisant une faible constructibilité, ont été intégrés par la délibération attaquée dans la zone ND interdisant toute construction, ledit classement est justifié par la situation des parcelles en cause en zone inondable, demandant une protection particulière : qu’en procédant audit classement, alors même que certaines constructions existeraient déjà en bordure de la zone litigieuse les auteurs de la délibération attaquée n’ont ainsi commis aucune erreur manifeste d’appréciation ”.

 

CE 12 juin 1995, Sarl Socexhol, n° 130406 : “ Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain appartenant à la Sarl Socexhol sur le territoire de la commune de Lattes, dont des certificats d'urbanisme en date des 10 juin 1976 et 13 avril 1982 mentionnent qu'il est soumis à des risques d'inondation, auraient bénéficié de travaux suffisamment importants pour que ces risques aient été supprimés ; que, dans ces conditions et alors même que ce terrain serait d'un faible intérêt esthétique et écologique, qu'il serait desservi par certains équipements publics et que certaines parcelles voisines seraient construites, le conseil municipal, en se fondant sur l'existence de risques d'inondation pour classer ledit terrain en zone naturelle ND dans laquelle s'applique un principe d'inconstructibilité assorti d'exceptions limitées, n'a pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation la délibération du 4 décembre 1986 par laquelle il a approuvé le plan d'occupation des sols. ”

 

CE 19 juin 1992, Koenig, n° 97118 : “ Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les limites du secteur ND3 qui s'étend en bordure de l'Arc ont été déterminées pour y inclure des terrains qui, compte tenu de l'étendue des inondations constatées depuis plusieurs années, et des travaux d'endiguement et de mise hors d'eau réalisés, sont encore exposés à un risque d'inondation ; qu'il suit de là que le moyen tiré par la requérante de ce que le classement d'une partie de sa propriété dans ce secteur reposerait sur des faits matériellement inexacts et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut être accueilli ; que la légalité de ce classement n'est pas affectée par la circonstance que la ville aurait délivré des permis de construire sur des terrains situés à proximité de l'Arc ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ”.

 

Dans le même sens : CE 17 mars 1997, Commune de Pierrelongue, n° 167665 : “ Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la partie du terrain litigieux classée en zone NDR, située en bordure de l'Ouvèze, était soumise, du fait de ce cours d'eau, à une forte érosion ; qu'en outre elle était soumise à un risque d'inondation lié aux conditions d'écoulement des eaux pluviales dans le ravin des Ayguiers ; que, par suite, et alors même que des travaux d'entretien et des mesures de précaution étaient de nature à réduire ces risques, les auteurs du plan d'occupation des sols n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant la partie dont s'agit du terrain litigieux en zone NDR, zone inondable à risque ; que la commune  Pierrelongue est par suite fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation ainsi commise pour annuler ce classement ”.

 

- La décision de classement en zone inondable doit toutefois être suffisamment motivée :

 

CE 10 décembre 1997, Commune de Rantigny, n° 172624 : “ Considérant (…) que la commune de Rantigny qui n’invoque aucun élément particulier quant à la nécessité de protéger cette parcelle, se borne à faire valoir, sans autre précision, que celle-ci est en déclivité et serait exposée à des risques d’inondation ; qu’elle n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que le tribunal administratif d’Amiens aurait à tort annulé le classement en zone ND de la Parcelle D 553 comme entaché d’erreur manifeste d’appréciation ”.

 

- Le juge vérifie même par exception d’illégalité si les prescriptions du POS sont suffisantes lors de la délivrance d’un permis de construire. Par exemple :

 

TA Pau 25 juin 1998, M. Lassoureille Alain c/ commune d’Yzosse, n° 971270 : “ (…) qu’ainsi le plan d’occupation des sols ne comprend pas toutes les dispositions permettant de prévenir le risque d’inondation pour l’ensemble des constructions ; qu’il est, par suite, illégal (…) ; que, par suite, M. Lassoureille est fondé à invoquer, par voie d’exception, l’illégalité du plan d’occupation des sols pour soutenir que le permis de construire contesté, délivré en application dudit règlement, est illégal et doit être annulé ”.

 

- Mais depuis une décision d’espèce du 10 février 1997, le juge administratif exerce un contrôle normal sur le contenu des POS concernant la prise en compte du risque d’inondation et observe la compatibilité du POS avec l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme :

 

CE (3ème et 5ème sous-section) 10 février 1997, Association pour la défense des sites de Théoule et autres, req. 125534, BJDU n° 1/97 et Leb. p. 125-534 : “(…) qu’ainsi les dispositions du règlement de plan d’occupation des sols révisé ne peuvent être regardées comme assurant une préservation suffisante du site de Théoule et, par suite comme compatible avec les prescriptions de l’article L. 121-10 ”. 

 

Dans le prolongement de cette décision : TA Nice 25 septembre 1997, Préfet des Alpes-Maritimes c/ commune de Mandelieu-la-Napoule, n° 971701 : “ (…) qu’eu égard à l’existence et à la gravité de ces risques naturels d’inondation, à la vocation de cette zone destinée essentiellement à accueillir des activités attirant un public nombreux et où il est envisagé, dans le secteur non encore construit, d’autoriser l’implantation d’un complexe cinématographique de 2315 places avec un établissement de restauration rapide, aux problèmes d’évacuation du public par suite du caractère inondable de la RN 7, à l’absence d’interdiction d’extension de l’urbanisation existante sur les secteurs soumis aux risques les plus élevés, et à la possibilité de construire des parkings souterrains, le plan d’occupation des sols modifié de la commune de Mandelieu-la-Napoule ne peut être regardé comme ayant suffisamment pris en compte l’existence commue de ces risques naturels et, par la suite, comme compatible avec les prescriptions précitées de l’article L. 121-10 ”

 

· Synthèse :

 

Le plan d’occupation des sols est le document d’urbanisme de référence de la réglementation locale d’urbanisme. Le zonage développé permet d’identifier une politique d’aménagement prenant en considération le risque d’inondation.

 

L’autorité chargée de sa rédaction doit veiller à ce qu’il intègre les documents spécifiques : les projets d’intérêt généraux ou les plans d’expositions aux risques. Cette mise à jour est d’autant plus importante qu’elle évitera la délivrance de décisions illégales (permis de construire ou de lotir…) susceptibles d’engager la responsabilité de l’Administration.

 

A noter que le représentant de l’Etat est tenu, aux termes de l’article L. 126.1 : “ de mettre le maire ou le président de l’établissement public compétent en demeure d’annexer les servitudes mentionnées à l’alinéa précédent ”. Or, les plans de prévention des risques naturels prévisibles sont constitutifs de servitudes d’utilité publique, annexées au POS.

De plus, le contrôle de légalité permet au préfet de s’assurer de l’intégration du risque inondation.


 

26

 

Le plan d’aménagement de zone de la zone d’aménagement concerté et les inondations

 

· Fondement juridique :

 

Article R. 311-3 du code de l’urbanisme : “ La personne publique qui a pris l’initiative de la création de la zone constitue un dossier de création, approuvé, sauf s’il s’agit de l’Etat, par son organe délibérant, et l’adresse au maire de la commune concernée ainsi que, lorsque la création de la zone relève de la compétence au commissaire de la République du département.

 

Le dossier comprend : a) un rapport de présentation (…) Ce rapport comprend l’étude d’impact définie à l’article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, sauf dans le cas prévu au dernier alinéa de l’article L. 311-4 ”.

 

· Problème de droit :

 

Le contenu de l’étude d’impact d’un projet de zone d’aménagement concerté (ZAC) au regard du risque d’inondation.

 

· Solution :

 

CE 28 juillet 1993, Ville d’Evreux, n° 101797 : “ Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain de la zone d'aménagement concerté des Prés Saint Taurin à Evreux, enterré entre deux bras de l'Iton, constituait un terrain inondable lors de crues importantes de cette rivière et que sa mise hors d'eau nécessitée par son urbanisation risquait, par la suppression de cet espace de régularisation naturelle des crues, de rendre inondables d'autres terrains ; que l'étude d'impact annexée à la délibération du 23 septembre 1986 par laquelle le conseil municipal d'Evreux a créé cette zone d'aménagement concerté ne mentionne pas l'existence de cette incidence prévisible du projet, ne présente aucune mesure envisagée pour la supprimer, la réduire ou la compenser et ne comporte aucune estimation des dépenses correspondantes ; qu'aucune autre pièce annexée à cette délibération ne contient de telles mentions ; que, s'il n'en va pas de même pour les pièces annexées à l'arrêté du 7 juillet 1987 par lequel le préfet, commissaire de la République du département de l'Eure a approuvé le plan d'aménagement de la zone, cette circonstance est sans incidence sur les lacunes du dossier de création de la zone ; que la délibération du 23 septembre 1986 a, dès lors, été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 311-3 du code de l'urbanisme et de l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ; que l'illégalité de cette délibération entraîne celle de l'arrêté approuvant le plan d'aménagement de zone ; que, par suite, la ville d’Evreux n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du préfet, commissaire de la République du département de l'Eure en date du 7 juillet 1987 ”.

 

· Synthèse :

 

La mise en œuvre d’une ZAC impose de prendre en considération le risque inondation . Pour les opérations soumises à étude d’impact, celle-ci doit prévoir l’existence de ce risque, au risque d’être illégale.

Cette illégalité aura des incidences notables lors de troubles générés par les ouvrages ou constructions édifiés sur le territoire de la ZAC.

 

Un partage de responsabilité entre les personnes fautives sera opéré par le juge en cas de dommage puisque seront en cause la personne ayant délivré une autorisation d’urbanisme litigieuse ainsi que la personne maître d’œuvre de la ZAC.

           

           


 

27

 

Les plans de prévention des risques naturels prévisibles

 

· Fondement juridique :

 

Article  40-1 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 (modifié par loi n° 95-101 du 2 février 1995) : “ L’Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (…) ”.

 

· Problème de droit :

 

Le contenu et les conséquences de la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPR).

 

· Solution :

 

- Dans la continuité du contrôle exercé sur le zonage des plans d’exposition aux risques, le juge exerce un contrôle restreint sur le zonage des PPR :

 

CE 22 mai 1996, Comité de sauvegarde du patrimoine du pays de Montpellier, n° 162745 ; Leb. p. 1123-1205 : “ Considérant que le plan d'exposition aux risques dont les documents graphiques font apparaître le zonage résulte d'études hydrauliques approfondies et validées par différents experts désignés à l'occasion de cette procédure, et a été établi conformément aux dispositions de l'article 5 du décret du 15 mars 1993 ; que si certaines "zones blanches" ont été concernées dans le passé par des inondations historiques, leur classement, eu égard aux importants travaux d'aménagement réalisés sur le Lez entre 1978 et 1989, n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin conformément à l'article 6 du décret précité le règlement prévoit bien que "soient aménagées des transparences hydrauliques permettant aux eaux de débordement (Lez, Leronde) de s'écouler vers l'aval et vers le couloir de la Leronde" et que "les aménagements et les dispositifs des constructions à prendre en compte devront faire l'objet d'une étude spécifique dans le cadre du plan d'aménagement de la zone ”.

 

TA Caen 26 mai 1998, M. Etienne Millet, n° 97635 : “ Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la délimitation de la zone rouge [du PPR], définie comme une zone très exposée aux risques de mouvement de terrain (…) soit entachée d’erreur manifeste d’appréciation ”.

 

Concernant un PPR, voir aussi : TA Melun 11 juin 1998, Association il faut agir à Thorigny et ses environs, req. 975504.

 

- Les auteurs de ce document ont un libre choix quant aux méthodes scientifiques utilisées :

 

TA Clermond-Ferrand, 26 mai 1998, Mme Marie-Hélène AFFIDI et M. et Mme Henri RIBIER, n° 971157 : “ Considérant que les requérants soutiennent que la méthode utilisée par le bureau d’étude pour délimiter les zones d’aléas aurait conduit à de graves incohérences (…), qu’il résulte cependant des pièces du dossier que le bureau d’étude, qui n’était pas tenu par les dispositions réglementaires en vigueur d’employer une méthode particulière de délimitation de zonage, a réalisé des études hydrauliques approfondies en tenant compte de l’ensemble des données historiques disponibles, et notamment de la crue de l’Allier de 1856 ”

 

 - Comme pour les plans d’exposition aux risques auxquels ils se substituent, les PPR ne sont pas des servitudes d’urbanisme indemnisables au titre de l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme mais ils doivent être annexés au POS en application de l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme pour être opposables :

 

TA Nancy 23 septembre 1997, Société Le Nid , n° 96184 : “ Le plan de prévention des risques a été pris en application de la loi du 22 juillet 1987, modifiée par la loi du 2 février 1995 : (…) aux termes de cette loi “ le plan de prévention des risques approuvé vaut servitude d’utilité publique ” et doit, à ce titre, figurer en annexe du plan d’occupation des sols, en application de l’article R. 126-1 du code de l’urbanisme, cette circonstance ne permet pas de faire regarder la servitude en cause comme une servitude prise en application du code de l’urbanisme ; qu’il ne peut pas davantage être soutenu que le plan de prévention des risques a été adopté en application de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, lequel vise exclusivement les lois d’aménagement et d’urbanisme  au nombre desquelles ne figure pas la loi du 22 juillet 1987 ; qu’il résulte de ce qui précède que la servitude découlant du plan de prévention des risques n’est pas au nombre de celles visées par les dispositions de l’article L. 160-5 ”.

 

Dans le même sens : CAA Bordeaux 17 juillet 1997, M. Jampy, n° 94BX01958 ; TA Nancy 12 novembre 1997, Société d’aménagement des Coteaux de Saint-Blaine c/ commune de Lurdes, n° 96232.

 

-          Avant la réforme opérée par la loi Barnier du 2 février 1995, la responsabilité pour faute simple du préfet était reconnue en cas d'abstention dans la mise en oeuvre des zones délimitées au titre de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme :

 

CE 22 février 1989, Ministère de l’équipement c/ époux Faure Margerit, Blanc et Chaldival, n° 82298 : “ Considérant qu’aux dates où ont été instruites les demandes de permis de construire le préfet de la Haute-Loire n’avait pas mis en œuvre la procédure de délimitation des zones exposées aux risques naturels ; qu’il ressort de l’instruction que ce secteur ne pouvait être regardé à l’époque comme exempt de risques d’inondation et que, les propriétés en cause étaient susceptibles d’être atteintes par des eaux courantes aussi bien que par des eaux mortes ; l’abstention du préfet, qui a eu pour effet de ne pas mettre l’administration en mesure d’apprécier la réalité du risque d’inondation lorsqu’ont été délivrés en 1972 les permis de construire, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

CAA 8 février 1996, Dame Miquel, n° 95BX00049 :  Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, à la date à laquelle la demande de permis de construire présentée par Mme Miquel a été instruite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'avait pas mis en oeuvre la procédure de délimitation des zones exposées aux risques d'inondation, notamment dans la Commune de Fourques, alors qu'il ne pouvait ignorer le caractère capricieux du Réart révélé par les inondations provoquées par ses crues de 1898, 1940, 1965, 1971 et 1982 ; qu'ainsi l'abstention du préfet a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans la survenance des dommages litigieux ; que, d'autre part en autorisant Mme Miquel à construire une maison sur un terrain dont il ne pouvait ignorer le caractère inondable sans assortir son autorisation de conditions spéciales, le maire de la Commune de Fourques a commis une faute, distincte de celle du préfet, et de nature à engager la responsabilité de la commune envers Mme Miquel ”.

 

· Synthèse :

           

La prévention du risque inondation a connu une évolution significative. L’Etat engage sa responsabilité pour abstention ou retard en la matière. L’efficacité du dispositif repose en pratique sur trois éléments : la mise en oeuvre et l’adoption des plans, puis leur prise en considération effective par les acteurs locaux, et enfin leur respect.

 

Les conséquences de l’obligation d’élaborer des plans de prévention des risques instaurée par la loi du 2 février 1995 devront donc être appréciées à la lumière de cette jurisprudence.

 


 

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Le projet d’intérêt général

 

· Fondement juridique :

 

Article R. 121-13 du code de l’urbanisme : “ Constitue un projet d’intérêt général au sens de l’article L. 121-12 du présent code, tout projet d’ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d’utilité publique et répondant aux conditions suivantes :

1° Etre destiné à la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’équipement, au fonctionnement d’un service public, à l’accueil des populations défavorisées, à la protection du patrimoine naturel ou culturel, à la prévention des risques, à la mise en valeur des ressources naturelles ou à l’aménagement agricole et rural ”.

 

· Problème de droit :

 

La gestion du risque inondation par les projets d’intérêt général et leur contenu.

 

· Solution :

 

- Un projet d’intérêt général peut être élaboré spécifiquement dans le but de lutter contre les inondations :

 

TA Orléans 9 juillet 1998, Association de défense des communes riveraines de la Loire, n° 951941 : “ Considérant que le fait que la loi susvisée du 22 juillet 1987, dans sa rédaction issue de la loi du 2 février 1995 a prévu, dans ses articles 40-2 à 40-6 l’institution de plans de prévention des risques naturels prévisibles, applicables, notamment, en cas de risques d’inondations ne fait pas obstacle à ce que, même en l’absence d’urgence, préalablement à l’élaboration de ces plans et parallèlement au maintien en vigueur à titre transitoire, des documents élaborés sur le fondement des dispositions du code de l’urbanisme ou d’autres législations ayant une portée analogue, le représentant de l’Etat dans le département, arrête, en tant que besoin, un projet de plan de protection contre les inondations et qu’il le qualifie de projet d’intérêt général au sens des dispositions de l’article R. 121-13 du code de l’urbanisme ; qu’il ne ressort nullement de ce texte qu’il ait entendu exclure de son champ d’application la prévention des risques naturels tels que les inondations (…) que, par suite, le moyen tiré par les requérantes de ce que la procédure mise en œuvre était inapplicable s’agissant d’un projet de plan de protection contre les risques d’inondations, ne peut qu’être écarté.

Considérant que le projet de plan de protection contre les inondations dans le Val de Tours et le Val de Luynes présente un caractère d’utilité publique ; que, compte tenu de la gravité des risques d’inondations dans les zones considérées, ni l’atteinte que le projet porte à la propriété privée ou à d’autres intérêts publics, ni ses inconvénients d’ordre social ou économique ne sont excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente ”.

 

TA Orléans 1er octobre 1998, M. et Mme Bassaisteguy, SCI La Bergère, n° 962760 : les conclusions de l’enquête publique précédant la révision du POS afin de prendre en compte un projet de protection contre les dommages liés aux risques d’inondations applicables dans l’agglomération orléanaise (qualifié de projet d’intérêt général) doivent être suffisamment motivées, faute de quoi la révision du POS est annulée.

 

Voir aussi : TA Orléans 29 avril 1999, M. Roux, n° 971886 et CAA Lyon 6 avril 1999, Société Blanc, n° 94LY01405.

 

- Le contenu du plan de protection contre les inondations peut reprendre les informations contenues dans un atlas des zones inondables et un plan de surfaces submersibles :

 

TA Orléans 9 juillet 1998, Association de défense des communes riveraines de la Loire, n° 951941 : “ Considérant, en premier lieu, que l’Atlas des zones inondables sur lequel le préfet s’est fondé pour arrêter le projet de plan de prévention, constitue un document technique ; que la circonstance qu’il n’est pas opposable aux tiers  ne fait pas obstacle à sa prise en considération lors de l’élaboration du projet de plan  de protection ; que ce document qui était annexé au P.I.G arrêté le  4 octobre 1995 ne figure plus parmi les pièces annexées au PIG arrêté par décision du 21 novembre 1996 ; que, en second lieu, le fait que les décrets du 24 février 1964 portant plan des surfaces submersibles sont anciens ne permet pas de les considérer comme caducs ; que, par suite, le préfet a pu, sans entacher sa décision d’erreur de droit, les utiliser comme référence pour instituer un plan de protection des risques d’inondations ”.

 

· Synthèse :

 

Le projet d’intérêt général est un outil supplémentaire à la disposition de l’Etat pour imposer des mesures de prévention des inondations pour les communes dotées d’une document local d’urbanisme (schémas directeur, POS ou plan d’aménagement de zone). Il est loisible aux représentants de l’Etat d’utiliser la procédure du projet d’intérêt général pour prévenir des inondations.

L’intérêt d’une telle procédure est d’imposer une modification de plein droit des schémas directeurs, des plans d’occupation des sols ou du document en tenant lieu et d’instituer ainsi des servitudes d’urbanisme nécessaires à la prévention.

 

 

 


 

 

 

 

 

L’information préalable et les inondations
29

 

Certificat d’urbanisme, inondation et responsabilité

 

· Fondement juridique :

 

Article L. 410-1 du code de l’urbanisme : “ Le certificat d’urbanisme indique, en fonction du motif de la demande si, compte tenu des dispositions d’urbanisme et des limitations administratives au droit de propriété applicables à un terrain, ainsi que de l’état des équipement publics existants ou prévus, et sous réserve de l’application éventuelle des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux zones d’aménagement concerté, ledit terrain peut :

a)      être affecté à la construction (…)

 

Lorsque toute demande d’autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d’urbanisme et notamment, des règles générales d’urbanisme, la réponse à la demande de certificat d’urbanisme est négative”.

 

· Le problème de droit :

 

Les conditions de délivrance du certificat d’urbanisme négatif au motif d’un risque d’inondation.

 

· Solution :

 

- En matière d’inondation, un maire est tenu de délivrer un certificat d’urbanisme négatif dès lors que toute autorisation de construire pourra être refusée à raison de la localisation du terrain et au regard de l’article R. 111-2 :

 

CAA Nantes 19 février 1997, Boulay, n° 94NT00761 : “ Compte tenu des risques que pourrait comporter l’opération projetée […], le motif tiré de ce que l’autorisation de construire pourrait être refusée par application de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme était, […] juridiquement fondé et, obligeait le préfet de l’Eure à délivrer un certificat d’urbanisme négatif ”.

 

A contrario :

 

CAA Lyon 10 mars 1998, S.A.R.L. Jardins et espaces verts, n° 95LY00432 : “ Considérant que le règlement du plan d'occupation des sols qui définit le secteur comme inondable n'édicte pas une interdiction générale de construire et admet l'édification de bâtiments d'exploitation agricole sous réserve de dispositions appropriées pour parer aux risques d'inondation ; que, par suite, il ne ressort pas des circonstances de l'espèce que l'autorité administrative aurait dû rejeter toute demande de permis de construire du seul fait de la localisation du terrain et se trouvait ainsi en situation de compétence liée pour opposer un certificat d'urbanisme négatif ”.

 

- Cette règle s’applique dès lors qu’un document interne à l’administration (atlas des zones inondables, rapport) suffit à démontrer une atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques et que ce refus sera valable pour toutes les autres demandes d’autorisations sur cette zone :

 

CAA Nantes 23 juillet 1997, Préfet de l’Eure, n° 96NT01941 : annulation d’un certificat d’urbanisme positif  alors que des plans et des photographies faisaient apparaître que le terrain était dans une zone de grand écoulement des crues de l’Eure.

 

TA Bastia 22 octobre 1998, préfet de Haute Corse c/ Commune de Borgo, n° 95691 : annulation d’un certificat d’urbanisme positif contredisant les conclusions d’un rapport du Ministère de l’environnement et rendant tout projet de construction susceptible de présenter des risques pour la sécurité publique.

 

TA Chalons-en-Champagne 28 avril 1998, Mme Foucaut et Clin, n° 97387 : la faible probabilité d’un risque suffit à justifier un certificat d’urbanisme négatif.

 

-  Dans le cas d’un refus de permis de construire ayant succédé à un certificat d’urbanisme positif, ce refus n’est pas constitutif d’une faute : la délivrance du certificat ne préjuge pas de l’accord de l’Administration pour engager des travaux :

 

CE 12 Février 1982, M. et Mme L’heureux, n° 21834 : des demandeurs ayant obtenu un certificat de conformité positif - tout en soulignant “ les risques d’inondation sur le terrain ” - ils s’engagent dans un projet de construction. Mais un refus à leur demande de permis de construire leur a été opposé pour risque d’inondation :  “ Considérant qu'il appartient à l'autorité compétente pour délivrer le certificat d'urbanisme de mentionner l'ensemble des dispositions auxquelles est subordonnée la réalisation d'une construction, elle ne saurait, en revanche, préjuger l'appréciation qui doit être portée, lors de l'examen de la demande de permis de construire sur les conditions dans lesquelles le projet satisfait à ces dispositions; qu'ainsi, en déclarant le terrain des époux l'Heureux "constructible" sous les réserves ci-dessus mentionnées, puis en rejetant la demande de permis en question, le maire n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat; que, dès lors, M. et Mme l'Heureux ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande présentée sous le n° 746-78 et tendant à être indemnisés des conséquences dommageables qu'aurait eues pour eux une faute commise par l'administration dans l'instruction de leur demande de permis ”.

 

- Un certificat d’urbanisme négatif ayant entraîné l’annulation de la vente d’un terrain ne constitue pas une faute de l’Administration car un permis de construire peut toujours être délivré sur la base d’un certificat négatif sous réserve d’adaptations mineures :

 

TA Grenoble 10 juin 1996, M. et Mme Laurent, n° 9703769 et 9704011 : la requête présentée par les requérants est dirigée contre le certificat d’urbanisme négatif délivré par le maire. Ils demandent aussi la condamnation de la commune suite à l’annulation de la vente de leur terrain : “ le terrain en litige est classé en zone d’aléa modéré à faible par un plan de prévention des risques naturels prévisibles qui subordonne l’autorisation d’y construire au respect de prescriptions spéciales, notamment en ce qui concerne les dispositifs d’assainissement et d’écoulement des eaux ; qu’ainsi, une éventuelle construction pouvant être de nature à porter atteinte aux dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, le maire était tenu, en application de l’article L. 410-1 du même code de délivrer un certificat d’urbanisme négatif ”.

 

· Synthèse :

 

L’information du risque est un élément essentiel de la politique de prévention des inondations.

 

Mais un certificat d’urbanisme n’engage aucunement la responsabilité de l’autorité compétente s’il a entraîné l’annulation d’une vente ou si un refus de construire lui a succédé.

 

Le juge retient de façon extensive les documents ou informations qui servent de fondement à un certificat d’urbanisme négatif : il peut s’agir d’une simple note, d’une étude. Il n’est pas nécessaire qu’existe un document d’urbanisme opposable aux tiers.

 

           


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les autorisations et déclarations


 

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Le permis de construire et les inondations

 

· Fondement juridique :

 

Article L. 421-3 du code de l’urbanisme : “Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l’implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l’aménagement de leurs abords et si le demandeur s’engage à respecter les règles générales de construction prises en application du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la construction et de l’habitation ”.

 

Article R. 111-2 du code de l’urbanisme : “ Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ”.

 

Article R. 111-3 du code de l’urbanisme : “ La construction sur des terrains exposés à un risque tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales.

Ces terrains sont délimités par arrêté préfectoral pris après consultation des services intéressés et enquête publique dans les formes prévues par le décret n°59-701 du 6 juin 1959 relatif à la procédure d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique”.

 

Article 10-1 du décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 : cette disposition a annulé l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme.

 

· Problème de droit :

 

La prise en compte du risque inondation lors de la délivrance du permis de construire par le maire, y compris au nom de l’Etat, ou par le représentant de l’Etat.

 

· Solutions :

 

- Avant la réforme de la loi Barnier du 2 février 1995 qui a abrogé l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme, mais non l’article R. 111-2 relatif à la sécurité publique, la personne publique délivrant les autorisations de construire pouvait refuser un projet ou l’assortir de prescriptions spéciales même en l’absence de délimitation de zone exposée au risque (article R. 111-3 du code de l'urbanisme) dont l’initiative incombe au préfet (une jurisprudence contraire a parfois refusé l'application de l'article R. 111-3 en cas d’absence de ces zones. Cf. CE 10 mai 1989, Association de défense du patrimoine sétois, n° 88904 et CE 29 juin 1992, Leblanc, n° 111070).

 

CE 23 octobre 1987, Albout, n° 54 632 : “ Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 111- 3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : "La construction sur des terrains exposés à un risque tel que: inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales" ; que, si le second alinéa du même article dispose que "ces terrains sont délimités par un arrêté préfectoral pris après consultation des services intéressés et enquête. . . et avis du conseil municipal et de la commission départementale des sites et de l'environnement", le refus de permis de construire fondé sur l'exposition du terrain faisant l'objet de la demande à l'un des risques mentionnés au premier alinéa n'est pas subordonné à la délimitation préalable par arrêté préfectoral d'une zone de risques comprenant ce terrain ”.

 

- Par conséquent, la simple connaissance du risque suffisait pour s’opposer à un projet ou à lui imposer des prescriptions particulières :

 

CE 29 juin 1996, Iogna, n°124 932 et 124 997 : “ Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain faisant l'objet des permis de construire litigieux ainsi que les terrains voisins et ceux situés en aval, sont exposés à des risques d'inondation dus au torrent "le Charbonnet" sujet à des crues violentes ; que, dès lors, et alors même que le terrain d'implantation du projet n'était pas compris dans une zone de risque d'inondation délimitée dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article R. 111-3 précité, la construction projetée ne pouvait être autorisée qu'à la condition que son implantation permette d'assurer les opérations de curage nécessaires et que notamment soit maintenu sur chacune des berges du torrent un passage suffisant pour les engins de déblaiement ; qu'en accordant les permis de construire litigieux, sans les assortir sur ce point de prescriptions spéciales, et en autorisant la construction à moins de quatre mètres de la berge du torrent, le passage étant, de surcroît, réduit par l'existence de balcons à deux mètres du sol, le maire de Bourg-Saint-Maurice a entaché ses arrêtés d'une erreur manifeste d'appréciation ”

 

CAA Bordeaux 8 février 1996, Dame Miquel, n° 95BX00049 :  Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, à la date à laquelle la demande de permis de construire présentée par Mme Miquel a été instruite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'avait pas mis en oeuvre la procédure de délimitation des zones exposées aux risques d'inondation, notamment dans la Commune de Fourques, alors qu'il ne pouvait ignorer le caractère capricieux du Réart révélé par les inondations provoquées par ses crues de 1898, 1940, 1965, 1971 et 1982 ; qu'ainsi l'abstention du préfet a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans la survenance des dommages litigieux ; que, d'autre part en autorisant Mme Miquel à construire une maison sur un terrain dont il ne pouvait ignorer le caractère inondable sans assortir son autorisation de conditions spéciales, le maire de la Communes de Fourques a commis une faute, distincte de celle du préfet, et de nature à engager la responsabilité de la commune envers Mme Miquel ”.

 

CAA Bordeaux 8 avril 1993, Mme Christine Desfougères, n° 91BX00268 : “ Considérant qu’en délivrant le permis de construire à l’intéressée, alors qu’il connaissait le caractère inondable du secteur (…) le maire a également commis une faute distincte de nature à engager la responsabilité de la commune ”.

 

TA Montpellier 19 mars 1997, Mme Annie Congiu, n° 923120 : “ considérant que la responsabilité de l’Etat est engagée, vis à vis de Mme Congiu, (…) en raison de la délivrance d’un permis de construire dans une zone que l’on savait inondable ”.

 

TA Montpellier 8 juillet 1994, M. et Mme Sire, n° 931435 : “ Considérant qu’il résulte de l’instruction que le 26 septembre 1992, lors de la crue de la Salz, le secteur où est implanté la villa des époux Sire, lequel n’avait pas fait l’objet de la délimitation prévue à l’article R. 111-3 (…) que le préfet ne pouvait ignorer le grave danger d’inondation qui pesait sur le terrain d’assiette (…) qu’il a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat en leur délivrant ledit permis de construire sans assortir cette autorisation de prescriptions spéciales ”.

 

Dans le même sens : TA Toulouse 26 octobre 1998, M. et Mme. Jean-Pierre Bonnefous c/ commune de Beaupuy, n° 951202.

 

- Aujourd’hui, qu’il existe ou non un POS, c’est l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme qui sert de base légale pour refuser ou accorder sous réserve de prescriptions spéciales toute construction soumise au régime du permis de construire (le recours à l’article R. 111-2 en matière de risque inondation n’est pas nouveau dans la pratique, mais il tendra à se généraliser du fait de l’abrogation de l’article R. 111-3) :

 

CE 12 février 1982, Mr et Mme L’Heureux, n° 21834 : “ Considérant (…) qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté par les époux l’Heureux que le terrain sur lequel l’immeuble devait s’élever est situé en zone inondable et qu’aucun assainissement individuel correct ne peut être réalisé ; que, dans ces conditions, le maire a pu, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 410-1 précité, refuser le permis sollicité en se fondant sur les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ”.

 

Dans le même sens : CE 9 février 1983, M. Faugère, n° 27226 ; CE 5 mars 1986, Copropriété Valsnow, n° 37995.

 

CAA Lyon 24 mars 1998, Mme Massa, n° 95LY00217 : “ Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain faisant l'objet de la demande de permis, ainsi que les terrains voisins du Riou et du Paillon, sont exposés à d'importants risques d'inondation dus aux crues de ces ruisseaux, susceptibles de porter atteinte à la sécurité de la construction envisagée ; que si Mme Massa soutient que celle-ci pouvait néanmoins être autorisée en l'assortissant des mesures prescrites dans un rapport géologique joint à sa demande, il n'est pas contesté, qu'à les supposer, d'une part efficaces pour endiguer les risques d'inondation sur le terrain d'assiette du projet, et d'autre part susceptibles d'être prescrites dans le cadre de la délivrance du permis, lesdites mesures, consistant notamment en un recalibrage du Riou et un rehaussement de ses berges, auraient accentué les risques d'inondation pour les propriétés situées en aval de ce ruisseau ; que, dès lors, en estimant que la construction projetée était susceptible de porter atteinte à la sécurité publique, le préfet a fait une exacte application des dispositions susmentionnées de l'article R. 111-2 ”.

 

CAA Lyon 28 avril 1998, Société Sudinvest, Ville d’Antibes, n° 95LY00003 : “ si les consorts Truc soutiennent que le terrain d’assiette du projet serait situé dans une zone inondable, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en s’abstenant d’opposer ces dispositions au pétitionnaire, le maire d’Antibes ait commis une erreur manifeste d’appréciation ”.

 

CAA Marseille 15 septembre 1998, Mme Mazin, n° 97MA00809 : “ Considérant que le terrain d’implantation du projet de Mme Mazin est situé sur les berges de la rivière le Brégoux sujet à des crues violentes (…) le maire d’Aubignan, en délivrant le permis litigieux [le 9 septembre 1993], a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ”.

 

- Le juge est très attentif aux prescriptions imposées par l’autorité administrative qui délivre le permis de construire : le projet de construction doit envisager les éventuelles défaillances des ouvrages de protection existants ainsi que leurs insuffisances. Il contrôle aussi les travaux connexes réalisés pour l’écoulement des eaux :

 

CAA Marseille 2 décembre 1997, M. Blackman, n° 96MA12016 : “ Considérant que l'article 3 du permis de construire accordé le 22 février 1996 à M. Sola prescrit que : "l'évacuation des eaux pluviales dues à l'imperméabilisation du sol par les serres projetées devra être assurée correctement par l'ouverture d'un fossé vers le Tanyari selon le tracé le plus direct possible, avec collecte des eaux autour du projet." ; que ces prescriptions qui ne sont assorties d'aucune précision laissent au bénéficiaire du permis le soin d'apprécier les caractéristiques que devra avoir le fossé pour pallier aux atteintes à la salubrité et à la sécurité publique ; que, par suite, le maire de la commune de Palau-del-Vidre a commis une erreur manifeste d'appréciation en autorisant M. Sola à construire 4.400 m2 de serres sous réserve des prescriptions susmentionnées ; que la circonstance, à la supposer même établie, que le fossé réalisé par M. Sola en exécution du permis de construire du 22 février 1996 remplirait correctement ses fonctions n'est pas de nature à régulariser l'illégalité dont est entaché ledit permis ”.

 

CAA Nantes 28 octobre 1998, Ville d’Ambroise, n° 96NT02105 : “ que pour opposer un avis défavorable à la délivrance du permis de construire [du 6 octobre 1995] , le préfet s’est fondé, au regard des dispositions précitées de l’article R. 111-2, sur ce que le projet ne prenait pas en compte le risque de submersion des pièces habitables en cas de rupture de la digue ”.

 

CAA Nantes 17 février 1999, Préfet d’Indre-et-Loire, n° 97NT01886 : le permis peut-être refusé en se fondant sur l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme même si des travaux de lutte contre les inondations ont été entrepris et si un système d’annonce des crues existe. En cas “ d’aléa fort ” le principe de précaution trouve à s’appliquer.

 

TA Nice 30 juin 1999, Préfet  des Alpes-Maritimes c/ commune de Mandelieu-la-Napoule, société Cirmad Grand Sud, n° 983611 : même si des travaux ont été effectués pour réduire le risque d’inondations, ceux-ci peuvent s’avérer insuffisants pour éviter le risque et le permis de construire doit être annulé.

 

Voir aussi : CAA Lyon 11 mai 1999, Commune de Vaison la Romaine, n° 95LY01087.

 

- Si le plan d’occupation des sols contient des prescriptions relatives aux inondations, celle-ci doivent impérativement être reprises par l’autorisation de construire :

 

CAA Paris 18 février 1999, Société des Berges de Levallois-Perret, n° 96PA02320 :  “ les dispositions de l’article 1 du règlement de la zone, qui sont impératives, ont pour objet d’édicter les conditions spéciales prévues par les dispositions de l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme, en ce qui concerne notamment les constructions autorisées sur des terrains exposés à un risque d’inondation, afin d’assurer la sécurité des usagers de ces constructions ”. 

 

- Si le plan de surfaces submersibles et l’atlas des zones inondables ne mentionnent pas un risque d’inondation “ important ” l’autorité compétente ne peut pas s’opposer au projet de construction :

 

CAA Nantes 28 octobre 1998, M. et Mme Jean Petre, n°96NT00506 : “ Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'extrait de l'atlas des zones inondables du Val-de-Loire et du plan des surfaces submersibles annexé au plan d'occupation des sols de Briare, que le terrain sur lequel devaient être édifiées les constructions autorisées par le permis de construire contesté serait exposé à un risque d'inondation important, ni que les constructions formeraient un obstacle significatif au libre écoulement des eaux en cas de crue, même de grande ampleur, de la Loire ; qu'eu égard, en outre, aux caractéristiques du projet, qui prévoit l'implantation de la dalle d'accès des constructions au-dessus du niveau des plus hautes eaux connues, le préfet, en délivrant le permis de construire contesté, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que les requérants n'établissent pas qu'il serait entaché d'une erreur de cette nature au regard des mêmes dispositions en se bornant, sans apporter de précision permettant d'apprécier le bien-fondé de leurs allégations, à faire valoir que les constructions formeraient un obstacle à l'écoulement des eaux provenant de sources situées sur des terrains plus élevés et s'écoulant dans le canal voisin ”.

 

- Un sursis à exécution peut être ordonné si le permis ne respecte pas les prescriptions du POS ou si le risque d’inondation est avéré :

               

CAA Marseille 2 mars 1999, M. Allègre, n° 97MA01565 : “ Considérant en premier lieu que, nonobstant les dispositions spécifiques de l’article R. 111-3 du code de l’urbanisme, d’ailleurs abrogées par le décret du 5 octobre 1995, le risque d’inondation est au nombre de ceux qui peuvent être pris en compte pour l’application de l’article R. 111-2 du même code ”. Par cet arrêt le juge confirme un déféré préfectoral tendant à sursoire à exécution un permis pour une construction “ exposée aux risques d’inondation ”.

 

TA Pau 16 septembre 1999, Association des Inondés, n° 991303 : “ Considérant qu’il est constant que les pavillons dont la construction est autorisée sur un terrain situé en partie en zone inondable seront édifiés sur un exhaussement de 40 centimètres ; que cette prescription contrevient expressément aux dispositions du règlement du plan d’occupation des sols concernant une zone sensible ; que le moyen invoqué apparaît sérieux et de nature en l’état du dossier à justifier l’annulation du permis de construire contesté ”.

 

· Synthèse :

 

La délivrance du permis de construire est subordonnée à la prise en considération du risque inondation, que l’autorisation soit délivrée par le maire, même au nom  de l’Etat, ou par le représentant de l’Etat.

 

L’autorité compétente pour le délivrer peut de ce fait assortir l’autorisation d’urbanisme de prescriptions. Elle peut aussi le refuser au regard :

 

- des lois d’aménagement et d’urbanisme, dont les lois montagne et littoral qui intègrent spécifiquement le risque, ou des RNU, avec notamment l’article R. 111-2 qui est d’ordre public ;

 

- des règles locales d’urbanisme instaurées par les collectivités locales, POS et document en tenant lieu, voire même un règlement de lotissement ;

 

- des règles locales d’origine étatique, telles que les servitudes d’utilité publique annexées au POS (dont celles résultant des plans de prévention des risques) et qui s’imposent lors de la délivrance de ces autorisations.

 

La méconnaissance de ces règles est susceptible d’engager la responsabilité de ces autorités.

Les mesures de prévention s’imposent autant à l’Administration qu’au pétitionnaire qui doit intégrer dans son projet le risque d’inondation dans ses divers aspects : caractère inondable des terrains, fossés d’écoulement, système d’annonce des crues… Ce dernier peut de ce fait voir aussi sa responsabilité engagée.


 

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 L’autorisation de lotir

 

· Fondement juridique :

 

Article L. 421-3 du code de l’urbanisme : “ Le permis de construire ne peut être accordé que si les constructions projetées sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires concernant l’implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l’aménagement de leurs abords (…) ”.

 

Article R. 315-39 du code de l’urbanisme : “ Une autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ne peut être accordée que pour un projet conforme aux prescriptions de l’arrêté d’autorisation de lotir éventuellement modifié dans les conditions mentionnées aux articles L. 315-3, L. 315-4 et L. 315-7.

 

Article R. 315-28 du code de l’urbanisme : “ L’autorisation est refusée si le projet de lotissement n’est pas conforme aux dispositions du plan d’occupation des sols rendu public ou approuvé ou du document d’urbanisme en tenant lieu.

Dans les communes ne disposant pas des documents mentionnés à l’alinéa précédent, l’autorisation peut être refusée si le projet vise à équiper des terrains destinés à recevoir des bâtiments pour lesquels les demandes de permis de construire pourraient être rejetées pour l’une des raisons mentionnées aux articles R. 111-2 à R. 111-17.

Dans tous les cas, l’autorisation de lotir peut également être refusée, ou n’être accordée que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales, sur le fondement des dispositions mentionnées à l’article R. 111-1, lorsque, notamment, par la situation, la forme ou la dimension des lots, l’opération est de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites ou aux paysages naturels ou urbains ”.

                                   

Article R. 111-2 du code de l’urbanisme : “ Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leur dimension, sont de nature à porter atteinte à la salubrité publique ”.

 

Article R. 111-3 du code de l’urbanisme : “ La construction sur des terrains exposés à un risque tel que : inondation, érosion, affaissement, éboulement, avalanches, peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales.

Ces terrains sont délimités par arrêté préfectoral pris après consultation des services intéressés et enquête publique dans les formes prévues par le décret n°59-701 du 6 juin 1959 relatif à la procédure d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique”.

 

Article L. 315-8 du code de l’urbanisme : “ Dans les cinq ans à compter de l’achèvement d’un lotissement, constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à l’autorisation du lotissement. Toutefois, les dispositions résultant des modifications des documents du lotissement en application des articles L. 315-3, L. 315-4 et L. 315-7 sont opposables ”.

           

· Problème de droit :

 

            La prise en compte du risque d’inondation lors de la délivrance des autorisations de lotissement.

 

· Solutions :

 

- L’autorisation de lotir, délivrée par le maire, le président d’un établissement public de coopération intercommunal ou le préfet, peut être refusée ou subordonnée à des prescriptions spéciales en raison du risque inondation. Pour les communes dotées d’un POS, la référence à ce document s’impose :

 

CE 4 février 1994, M. Michel ABLAIN, n° 116225 : “ Considérant enfin qu'il ressort des dispositions de l'article R. 315-28 du code de l'urbanisme que les articles R. 111-2 et R. 111-3 dudit code ne sont pas opposables [aux] demandes d'autorisation de lotissement déposées pour des projets à réaliser dans les communes qui sont régies par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'à la date de l'arrêté contesté, qui délivre à Mme Forestie une autorisation de lotissement, la commune de Muret était dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé, et qu'ainsi le moyen tiré d'une violation des articles R.111-2 et R.111-3 du code de l'urbanisme est en tout état de cause inopérant ”.

 

CAA Marseille 10 décembre 1998, SCI Biscomte Alberes, n° 96MA10618 : “ Considérant que pour refuser, par arrêté en date du 8 novembre 1991, à la SCI Biscomte Alberes l'autorisation de créer un lotissement sur une propriété située en bordure du cours d'eau Le Ribéral, le maire de Saint-Genis-des-Fontaines, se fondant sur les dispositions de l'article R. 111-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur ainsi que de l'article R. 111-2 du même code, a estimé que le projet se trouvait dans une partie de la commune exposée à des risques d'inondation ; que la commune de Saint-Genis-des-Fontaines étant dotée d'un plan d'occupation des sols approuvé le 22 décembre 1987 et opposable aux tiers, les dispositions du premier alinéa de l'article R. 315-28 du code de l'urbanisme, qui étaient applicables, faisaient obstacle à ce que le maire, qui ne pouvait opposer à la demande d'autorisation de lotir que des motifs tirés du document d'urbanisme en vigueur, puisse refuser ladite autorisation sur le fondement des articles R. 111-2 et R. 111-3 susmentionnés ; que le motif retenu par le maire à l'appui de son refus et tiré de ce que la localisation du projet l'exposait à des risques d'inondation n'est pas au nombre de ceux envisagés par le dernier alinéa de l'article R. 315-28 précité ; qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté du maire de Saint-Genis-des-Fontaines est entaché d'illégalité ; que par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montpellier rejetant la requête de la SCI Biscomte Alberes ainsi que, pour les mêmes motifs, l'arrêté en date du 8 novembre 1991 par lequel le maire de Saint-Genis-des-Fontaines a refusé d'accorder à la SCI requérante l'autorisation de lotir sollicitée ”.

 

- Le préfet peut donc conditionner l’opération de lotissement à des travaux de curage et de lutte contre les inondations préliminaires :

 

            CAA Lyon 14 décembre 1993, SCI du Devezet et M. Espagne, n° 92LY00319 et 92LY00371 : “ Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme applicable également aux autorisations de lotir : “ Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ”.

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'autorisation de lotissement a été délivrée à la commune de Montgardin par le préfet des Hautes-Alpes sous réserve que soient accomplis des travaux de curage et de reprofilage du lit du torrent, ainsi qu'un renforcement de la digue existante; qu'en fonction des risques connus de l'administration à la date de délivrance de l'autorisation de lotir, ces aménagements, conçus notamment en fonction d'une crue importante qui s'était produite en 1952, pouvaient être regardés comme suffisants pour assurer la protection du lotissement ; que, par suite, le préfet n'ayant commis aucune erreur manifeste d'appréciation en délivrant dans ces conditions l'autorisation de lotir le terrain dont s'agit, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée sur le terrain de la faute ”.

 

- L’illégalité de l’autorisation de lotir résultant de la méconnaissance d’un risque naturel, engage la responsabilité de l’autorité publique fautive :

 

CAA Lyon 9 décembre 1992, Gire, n° 91LY00327 et 92LY00173 : “ […] dans ces conditions, en accordant l’autorisation de lotir dans cette zone, dont les caractéristiques générales ne pouvaient être ignorées, sans assortir cette autorisation de prescriptions spéciales propres à prévenir les glissements de terrain risquant d’être générés par l’ensemble des travaux prévus, le préfet a, en ce qui concerne la sécurité du lotissement, commis une erreur manifeste d’appréciation qui s’est répercutée lors de la délivrance du permis de construire aux époux Gire par le maire de Dargoire et qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ”.

 

- Le juge considère même que la simple présomption d’un risque doit engager les services de l’Etat dans des études de terrain avant d’autoriser un lotissement. Cette abstention constitue une faute :

 

CCA Lyon 8 juillet 1997, Société VALENTE et LA SELVA et Ministre de l'Equipement, des Transports et du Tourisme, n° 94LY01260 et 94LY01346 : “ Considérant qu'il résulte de l'instruction, que le Préfet du Var a délivré le 26 mai 1981 à la société Valente et La Selva, une autorisation de lotir sur un terrain lui appartenant, situé à Draguignan, et classé par le plan d'occupation des sols de cette commune en zone constructible ; qu'il ressort notamment du rapport de l'expert désigné par voie de référé par le président du tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN, en date du 30 avril 1986, que si aucun risque déclaré n'avait été signalé avant la demande d'autorisation de lotir, la présence d'une faille et de cavités naturelles sur l'un des rebords du plateau sur lequel devait être implanté le lotissement, rendant le terrain impropre à la construction de maisons individuelles, ne pouvait être ignorée des services de l'Etat auxquels il incombait, le cas échéant, d'imposer les investigations géologiques nécessaires et des prescriptions spéciales propres à prévenir tout risque de glissement de terrains ou d'éboulement ; que, dans ces conditions, en classant ce terrain en zone constructible et en accordant l'autorisation de lotir sollicitée sans l'assortir d'aucune réserve, le Préfet du Var a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ”

 

- Le juge procède à un éventuel partage des responsabilités entre personnes publiques et privées, selon leur contribution au dommage :

 

CAA Bordeaux 4 février 1999, Commune de Lunel, n° 95BX00463 : “ Considérant qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que le secteur dans lequel a été autorisé le lotissement "des Bleuets" dont fait partie l'habitation de M. Ighil aurait présenté un caractère inondable tel que ce dernier ne pouvait l'ignorer et aurait du observer des précautions particulières relatives à l'implantation de sa construction ; que notamment, aucune règle du plan d'occupation des sols, ni aucune mention du permis de construire, n'imposait des règles de construction destinées à prévenir les risques d'inondation, et que la réalisation de la construction aurait méconnu ; qu'en l'absence de nouvelle inondation, postérieurement à la modification du collecteur d'eau pluvial par la commune, il n'apparaît pas que les caractéristiques du réseau pluvial privatif du lotissement aient pu aggraver les effets des inondations dont M. Ighil demande réparation ; qu'enfin, la faute qu'aurait commise l'Etat en ne procédant pas à une délimitation au titre des plans d'exposition aux risques, ou son manquement à une obligation de conseil que lui imposerait son rôle de service instructeur en matière de plan d'occupation des sols et de permis de construire, est sans influence sur la responsabilité encourue par la commune, et fondée sur le risque ; que, par suite, la commune de Lunel n'est pas fondée à soutenir qu'une faute de la victime ou de l'Etat serait de nature à atténuer sa responsabilité ”

 

CAA Lyon 17 juillet 1998, M. et Mme Courbon, n° 96LY00633 : “ Considérant qu’en admettant même que le maire ait commis une faute en délivrant l’autorisation de lotir, celle-ci ne serait pas de nature à engager la responsabilité de la commune de Sorbiers à raison des dommages dont M. et Mme Courbon demandent réparation dès lors qu’il résulte également de l’instruction que le collecteur et la canalisation réalisés par le lotisseur dans les conditions sus-indiquées, étaient suffisamment dimensionnés et auraient rempli leur office s’ils avaient été correctement entretenus ”.

 

- Enfin, l’article L. 315-8 du code de l’urbanisme prévoit expressément le maintien pendant 5 ans après achèvement du lotissement la possibilité d’obtenir une autorisation de construire sur le fondement des règles d’urbanisme en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation de lotir. Par conséquent, un changement des règles communales pour introduire des terrains en zone inondable n’empêche pas la poursuite d’un projet de lotissement et n’engage pas la responsabilité de la collectivité publique :       

 

CAA Lyon 6 avril 1999, Société Blanc, Ministre des transports et du tourisme, n° 94LY01405 : “ Considérant que la SA Blanc a obtenu, le 19 décembre 1991 une autorisation de lotissement créatrice de droits à son profit ; que si, par délibération en date du 22 décembre 1992, la Commune de Domene a approuvé une révision de son plan d'occupation des sols plaçant les terrains à lotir correspondants en zone temporairement inconstructible, à raison de leur caractère inondable, dans l'attente de la réalisation d'un Projet d'Intérêt Général visant à les protéger du risque d'inondation et faisant l'objet d'un arrêté du Préfet de l'Isère du 29 janvier 1993, il résulte des dispositions de l'article L.315-8 précité que cette circonstance ne s'opposait pas, sous réserve que l'ensemble des permis de construire nécessaires fussent obtenus dans un délai de cinq ans après l'achèvement des travaux de lotissement, à ce que la SA Blanc poursuivît jusqu'à son terme la réalisation de son projet ; qu'ainsi la SA Blanc n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 22 décembre 1992 ou l'arrêté préfectoral du 29 janvier 1993 lui aient causé un préjudice, et à demander la condamnation de la commune de Domene et de l'Etat à l'indemniser ; que le Ministère de l’équipement est par contre fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'Etat à payer à la SA Blanc une indemnité de 95.500 francs ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le dit jugement, et de rejeter les conclusions de la SA Blanc, tant devant la cour que devant le tribunal administratif, tendant à ce que l'indemnité à lui payer soit portée à 2.179.480,46 francs ”.

 

· Synthèse :

 

Le lotissement constitue une opération d’aménagement autorisée soit par les autorités décentralisées, parfois au nom de l’Etat, soit par l’Etat. Le risque inondation ne peut être ignoré lors de la délivrance de cette autorisation. La présence d’un POS et des servitudes d’utilité publique qui y sont annexées permettent de refuser ou soumettre à condition l’autorisation de lotir. Il faut apprécier avec prudence la jurisprudence qui semble exclure l’application de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme, la référence au 3° alinéa de l’article R. 315-28 pouvant conduire à une interprétation quelque peu différente par application des dispositions du règlement national d’urbanisme (RNU) à caractère d’ordre public dont R.111-2 (CE section 5 novembre 1984, M. Lossouarn, n° 41292 : “ Considérant qu’aux termes de l’article R. 315-28 du code de l’urbanisme “ l’autorisation de lotir peut être refusée ou n’être accordée que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales, sur le fondement des dispositions mentionnées à l’article R. 111-1 ” ; qu’aux termes  de cet article R. 111-1 “ les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables dans les territoires dotés d’un plan d’occupation des sols rendu public, ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, à l’exception de l’article R. 111-2 ” ; qu’aux termes de cet article R. 111-2, le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation  de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ”.

 

Dans les communes non dotées d’un POS les règles nationales d’urbanisme sont applicables dans leur ensemble, des servitudes d’utilité publique pouvant renforcer la protection contre les inondations.

 

Cependant, si l’autorité compétente ne peut s’opposer à une autorisation de lotir, elle pourra toujours s’opposer, sous réserve des droits acquis, aux projets de constructions y faisant suite.

 

Compte tenu de la connexité entre les prescriptions du permis de construire et de l’autorisation de lotir, cette dernière doit être exempte de vice qui pourraient entacher d’illégalité une construction (CE 9 avril 1986, M.E.L.T. et autres, req. 59677).

 


 

32
 
 Les activités de camping et de caravanage

 

· Fondement juridique :

           

            Article L. 443-2 du code de l’urbanisme : “ Dans les zones soumises à un risque naturel ou technologique prévisible, définies par le préfet de département, l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’aménagement de terrains de camping et de stationnement de caravanes fixe, après consultation du propriétaire et de l’exploitant et après avis motivé du préfet, les prescriptions d’information, d’alerte et d’évacuation permettant d’assurer la sécurité des occupants de ces terrains et le délai dans lequel elles devront être réalisées.

A l’issue du délai imparti, si l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’aménager constate que ces prescriptions ne sont pas respectées, elle peut ordonner la fermeture du terrain et l’évacuation des occupants jusqu’à exécution des prescriptions.

En cas de carence de l’autorité compétente, le préfet de département peut se substituer à elle après mise en demeure restée sans effet.

Si l’une des zones visées au présent article est couverte par un plan de prévention des risques naturels prévisibles établi en application de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risque majeurs, les prescriptions fixées en application du présent article doivent être compatibles avec celles définies par ce plan”.

 

Article R. 443-7 du code de l’urbanisme : “ Toute personne physique ou morale qui reçoit de façon habituelle, sur un terrain lui appartenant ou dont elle a la jouissance, soit plus de vingt campeurs sous tentes, soit plus de six tentes ou caravane à la fois, doit au préalable avoir obtenu l’autorisation d’aménager le terrain et un arrêté de classement déterminant le mode d’exploitation autorisé ”.

 

Article R. 443-10 du code de l’urbanisme : “ Les interdictions prévues aux articles R. 443-3 et R. 443-6-1 peuvent être prononcées, les autorisations prévues aux articles R. 443-4, R. 443-7, R. 443-8-1 et R. 433-8-2 peuvent être refusées ou subordonnées à l’observation de prescriptions spéciales si les modes d’occupation du sol envisagés sont de nature à porter atteinte :

            A la salubrité publique, à la sécurité ou à la tranquillité publique ;

            Aux paysages naturels ou urbains, à la conservation des perspectives monumentales ”.

 

· Problème de droit :

 

La prise en compte du risque d’inondation lors de la délivrance d’autorisations d’exploiter un camping ou un camp de vacances.

 

· Solution :

 

- Si la décision d’aménager vaut permis de construire, alors elle est soumise aux dispositions de l’article R. 111-3 (article R. 111-2 aujourd’hui) et la simple présomption du risque suffit à motiver un refus :

 

CE 29 juillet 1998, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix , n° 141628 :  “ Considérant (…) qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain servant d’assiette au camp de tourisme de Rougon, dont l’autorisation d’aménagement valait permis de construire pour les bâtiments qui y étaient prévus, se situe dans les Gorges du Verdon dans un zone partiellement exposée à des risques d’inondation en cas de fortes crues de la rivière ou lors de délestage de barrages situés en amont ; que, compte tenu des dangers que présentait cette implantation pour les personnes appelées à fréquenter le camp, le préfet qui n’avait pas satisfait à l’obligation de délimitation de la zone de risque, n’a pu sans commettre une erreur manifeste d’appréciation autoriser l’aménagement du camp valant permis de construire ”.

 

- Dans une décision de 1994 les juges de la cour d’appel de Lyon procèdent à un contrôle complet sur une autorisation d’extension d’un camping et imposent que des travaux de protection contre les crues accompagnent son développement :

 

CAA LYON 19 avril 1994, M. Starace, n° 93LY00976 : “ Considérant que le maire d'Allemagne en Provence a, par un arrêté en date du 20 avril 1988, autorisé l'extension du terrain de camping que M. STARACE exploite sur le territoire de cette commune, au lieu-dit "Le Moulin" situé en bordure du lit de la rivière du Colostre ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que les risques de débordement de cette rivière rendaient nécessaires la prescription de mesures de nature à préserver la sécurité publique ; qu'en se bornant à subordonner l'autorisation accordée à la protection des abords du camping contre une éventuelle crue du Colostre, sans définir, dans l'arrêté litigieux, les travaux à mettre en oeuvre pour assurer la sécurité dudit camping, le maire a méconnu les dispositions réglementaires précitées ; que la circonstance alléguée par M. Starace, à la supposer même établie, qu'il aurait ultérieurement réalisé les travaux propres à prévenir les effets des crues de la rivière reste sans incidence sur l'illégalité dont était entaché l'arrêté du maire d'Allemagne en Provence ; que, par suite, M. STARACE n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille en a prononcé l'annulation ”.

 

- Le préfet peut réglementer l’activité du camping à tout moment, en toute opportunité :

 

TA Strasbourg 31 décembre 1997, Société Burghard c/ Préfet du Bas-Rhin, n° 95533 : “ Considérant que ces dispositions [les articles R. 443-7 et 443-10] permettent au préfet d’imposer des prescriptions et des restrictions relatives à l’exploitation des terrains de camping, non seulement au moment de la création desdits terrains, mais également lorsque les circonstances de fait ou de droit viennent à changer ”.

 

- Lorsque cette autorisation restreint l’exploitation d’un camping elle doit être motivée, sous peine d’illégalité :

 

CAA Marseille 15 septembre 1998, Société Loisir 2000, Fédération de l’hôtellerie de plein air du Langedoc-Roussillon, n° 96MA11991 : “ Considérant, au surplus, que l’arrêté litigieux qui limite la période d’ouverture du camping du 15 avril au 15 septembre de chaque année est exclusivement motivé par la localisation dudit camping en zone inondable de risque important par référence au plan d’exposition aux risques; que cette motivation qui ne précise pas notamment les raisons du choix de la période d’ouverture du camping eu égard à la nature des risques présentés doit être regardée comme insuffisante au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ”.

 

- Dans tous les cas, le préfet peut se substituer à un maire défaillant pour interdire l’exploitation d’un camping menacé de crues, sous réserve de ne pas commettre d’erreur de procédure :

 

CE 31 janvier 1997, SARL Camping “ les Clos ”, n° 156276 : “ Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 131-13 du code des communes donnent compétence au préfet pour prendre, en cas de carence du maire, une mesure relative à la sécurité publique, lorsque celle-ci est menacée ; qu’il ressort des pièces du dossier que la zone où était installé le camping “ Les Clos ” était située dans une “ zone à risque majeur ” et avait été affectée par des inondations importantes en 1992 ; qu’ainsi, en interdisant, dans l’attente d’une révision du plan d’occupation des sols par la commune et pour y garantir la sécurité publique, les installations de tentes, caravanes et mobiles homes, le préfet n’a pas commis d’erreur de droit en se fondant sur les pouvoirs de police générale qu’il tient des dispositions susrappelées de l’article L. 131-13 du code des communes ”.

 

CAA Marseille 8 décembre 1998, Sarl Heaven, n° 97MA10345 : “ Considérant que si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le préfet a adressé le 6 décembre 1993, à l'ensemble des propriétaires et exploitants des campings concernés sur le territoire des communes de l'Hérault où il se préparait à intervenir en application des dispositions de l'article L. 130-13 du code des communes, un courrier mentionnant la décision de fermeture temporaire qu'il envisageait de prendre et le nom du fonctionnaire chargé du dossier, cette lettre, dont au demeurant il n'est pas établi qu'elle ait été reçue par la société Heaven, ne précisait pas que l'intéressée avait la possibilité de présenter des observations écrites ou d'être reçu par l'agent chargé du dossier afin de lui présenter des observations orales, le cas échéant avec l'assistance d'un conseil ; que même si les réunions d'information ont été organisées dans chacune des communes concernées auxquelles la requérante avait la possibilité d'assister, cette circonstance, en l'absence d'urgence ou de circonstances particulières non alléguées, ne suffit pas à établir la conformité de la procédure suivie aux exigences des dispositions susmentionnées de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ; qu'il s'ensuit que la Sarl Heaven et la Fédération de l’hotellerie de plein-air du Languedoc-Roussillon sont fondées à soutenir que l'arrêté préfectoral du 25 octobre 1995 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et, par suite, entaché d'illégalité.

 

Considérant, au surplus, que l'arrêté litigieux qui limite la période d'ouverture du camping du 15 avril au 15 septembre de chaque année est exclusivement motivé par la localisation dudit camping en zone inondable de risque important par référence au plan d'exposition aux risques ; que cette motivation qui ne précise pas notamment les raisons du choix de la période d'ouverture du camping eu égard à la nature des risques présentés doit être regardée comme insuffisante au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'arrêté litigieux est également, de ce chef, entaché de vice de forme ”.

 

- Afin de renforcer la prévention des inondations dans certains secteurs à risque, le préfet dispose d’un outil supplémentaire pour imposer des mesures de protection : les “ zones à risque naturel prévisible ” (article L. 443-2 du code de l’urbanisme) :

 

CAA Paris 1er décembre 1998, SA Daugeron Caravaning, n° 97PA00535 : “ Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et notamment de l’examen des plans graphiques qui accompagnent le plan d’occupation des sols de la commune de la Genevraye, approuvé le 30 juin 1993, que la parcelle d’assiette du terrain en litige, est située sur le territoire soumis à des risques d’inondation de “ type A dit de grand écoulement ” ; qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en classant le terrain litigieux parmi ceux soumis à un risque  naturel majeur prévisible ”.

 

- Un manquement à ces exigences engage la responsabilité de la personne publique chargée de la surveillance des campings :

 

CAA Lyon 13 mai 1997, M. Balusson et autres, Mutuelle du Mans IARD et autres, n° 94LY00923 : “ Considérant qu’il appartenait au préfet lors de la délivrance de l’autorisation d’ouverture du terrain de camping aménagé, de prendre en compte, s’agissant de mesure de police, la sécurité des usagers de cet équipement, (…) qu’ainsi, en accordant les autorisations précitées sans prescrire de mesures particulières susceptibles de protéger contre les inondations et les occupants du terrain, le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard des victimes de la crue du 14 juillet 1987 ”.

 

· Synthèse :

 

Compte tenu de leur implantation, les campings sont particulièrement exposés au risque inondation. Les conditions de délivrance des autorisations révèlent un contrôle renforcé. Outre les possibilités de substitution du préfet en cas de carence du maire, les décisions des tribunaux confortent cette évolution. 

En effet, la jurisprudence récente démontre que le juridictionnel s’étend à un contrôle complet des autorisations d’extension.

Ainsi le représentant de l’Etat peut contribuer à limiter les risques par la mise en œuvre de ses pouvoirs de police générale et par l’institution de zones à risque naturel prévisible, devenues obligatoires.

            Le manquement à ces obligations engage la responsabilité de l’Etat.


 

33

 

La déclaration de travaux et les inondations

 

· Fondement juridique :

 

L. 422-2 du code de l’urbanisme : “ Les constructions ou travaux exemptés du permis de construire, à l’exception de ceux couverts par le secret de la défense nationale, font l’objet d’une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux.

Sauf opposition dûment motivée, notifiée par l’autorité compétente en matière de permis de construire dans le délai d’un mois à compter de la réception de la déclaration, les travaux peuvent être exécutés sous réserve, le cas échéant, du respect des prescriptions notifiées dans les mêmes conditions (…) ”.

 

R.111-2 du code de l’urbanisme : “ Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ”.

 

R. 111-3 du code de l’urbanisme : “ La construction sur des terrains exposés à un risque, tel que : inondation, (…) peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales ”.

 

· Problème de droit :

 

L’exécution de travaux et la prise en compte du risque d’inondation.

 

· Solution :

 

- L’autorité chargée de la police de  l’urbanisme doit apprécier la conformité des travaux par rapport au plan d’exposition aux risques, s’il existe :

 

TA Orléans 10 juin 1999, M. François Gagnebien, M. Georges Gagnebien, n° 981422 : “ Considérant qu’il ressort du dossier que la déclaration de travaux déposée par MM. Gagnebien avait pour objet la remise en état d’un bâtiment commercial situé en zone rouge du plan d’exposition aux risques et resté inutilisé depuis 1994, et plus particulièrement, la réfection de la façade et de la toiture de l’immeuble ; que [ces travaux] envisagés dans la déclaration sont des travaux normaux d’entretien et n’aboutissent ni à la création d’un bâtiment entièrement fermé n’existant pas à l’origine, ni à un changement de destination de l’immeuble qui  conservera son caractère commercial ; que, dans ces conditions, le maire de Blois, n’était pas fondé à s’opposer en vertu des dispositions précitées du PER et du code de l’urbanisme, à la déclaration de travaux qui lui a été soumise par MM. Gagnebien ”.

 

- Dans tous les cas, même en cas d’absence de document de prévention des inondations (POS, PPR ou autre), l’autorité compétente peut refuser ou conditionner ces travaux à des mesures particulières sur la base de l’article R. 111-2 :

           

TA Montpellier 31 décembre 1998, Mme Maguy Cros, n° 952779 : “ Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que les travaux déclarés par M. Cros consistaient en la reconstruction d’un balcon au-dessus du lit de la Salz, emporté par les inondations du 26 septembre 1992 ; que ce fait suffit à établir le bien fondé du motif de l’opposition à travaux des services de l’Etat et du maire de Rennes-les-Bains ”.

 

- Si l’autorité compétente en matière d’urbanisme ne s’oppose pas aux travaux, elle n’a pas à motiver sa décision :

 

CE 6 mai 1996, M. Boyer, n° 140223 : “ Les dispositions [de l’article R. 111-3], si elles contraignent l’autorité administrative à examiner si la construction projetée peut être autorisée sans que des précautions particulières soient prises, n’ont ni pour objet ni pour effet, lorsque celle-ci autorise des travaux sans les subordonner à des prescriptions spéciales, de l’obliger à mentionner explicitement les raisons pour lesquelles de telles prescriptions ne sont pas nécessaires au regard de l’article R. 111-3 ”.

 

 

· Synthèse :

 

Le régime juridique des travaux soumis à déclaration impose aussi de prendre en considération le risque inondation.

            Les prescriptions imposées par l’autorité compétente, comme éventuellement le refus opposé dans les délais à la déclaration, doivent permettre de préserver les personnes et les biens du risque inondation, sous peine de voir la responsabilité des autorités compétentes engagée.

 


 

34

 

La responsabilité de l’Etat du fait de l’activité

de service instructeur

 

· Fondement juridique :

 

Article L. 421-2-6 du code de l’urbanisme : “ Le maire ou le président de l’établissement public compétent peut disposer gratuitement, en tant que de besoin, des services extérieurs de l’Etat pour effectuer l’étude technique de celles des demandes de permis de construire sur lesquelles il a compétence pour l’instruction et la décision et qui lui paraissent justifier l’assistance technique de ces services. Pendant la durée de cette mise à disposition, les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le maire ou le président de l’établissement public qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l’exécution des tâches qu’il leur confie ”.

 

Article R. 490-2 du code de l’urbanisme : “ Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale peut décider de confier par voie de convention l’instruction des autorisations et actes relatifs à l’occupation du sol à une collectivité territoriale, à un groupement de collectivités territoriales ou à un service de l’Etat dans le département, chargé de l’urbanisme ”.

 

· Problème de droit :

 

Les conditions d’intervention des services administratifs lors de l’instruction des permis de construire.

 

· Solution :

 

- Le fait pour un service de l’Etat de ne pas vérifier à la demande du maire si un permis de construire doit être assorti de prescriptions spéciales pour parer aux inondations est constitutif d’une faute :

 

CAA Bordeaux 8 avril 1993 (formation plénière), Mme Desfougères, n° 91BX068 : “ Il résulte de ces dispositions que les services départementaux d'Etat de l'équipement mis à la disposition gratuite de la commune pour l'instruction des permis de construire, agissent sur l'autorité du maire qui leur adresse toutes instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qui leur sont ainsi confiées ; que la responsabilité de l'Etat ne peut, en ce cas, être engagée envers la commune que lorsqu'un agent de l'Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d'exécuter un ordre ou une instruction du maire ; que le maire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré a rappelé au service instructeur de la demande de permis de construire de Mme Desfougères, le caractère inondable du terrain de l'intéressée, lui donnant ainsi pour instruction de vérifier si pour cette raison, le permis de construire devait être refusé ou assorti de prescriptions spéciales ; qu'en négligeant d'exécuter cette instruction, le service instructeur de l'Etat a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat envers la commune ; que dès lors, l'Etat devra garantir la commune de Sainte-Marie-de-Ré des condamnations prononcées contre elle ”.

 

-          Par contre, et plus généralement, la responsabilité des mêmes services de l’Etat ne peut être engagée, sauf intervention d’une faute, s’ils s’attachent simplement à instruire le dossier sous l’autorité du maire. En effet, dans ce cas les services de l’Etat suivent ses instructions :

 

 CAA Bordeaux (formation plénière) 8 avril 1993, M. Ronchi, n° 91BX00312 : “ que la responsabilité de l’Etat ne peut, en ce cas, être engagée envers la commune que lorsqu’un agent de l’Etat commet une faute en refusant ou en négligeant d’exécuter un ordre ou une instruction du maire ; qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’une faute de cette nature ait été commise en l’espèce ””.

 

· Synthèse :

 

La jurisprudence Desfougères a permis de préciser les obligations des services de l’Etat lors de leur mise à disposition auprès des communes (ou de leur groupements) pour l’instruction d’un permis de construire : ils doivent répondre aux requêtes du maire en cas d’interrogation sur un risque ou prendre en considération ses observations. Dans cette hypothèse leur responsabilité ne sera engagée que dans cette seule limite, en cas de manquement aux instructions ou observations de l’autorité responsable, c’est-à-dire le maire (Affaire Ronchi où en appel la juridiction infirme le jugement du tribunal administratif).

 

Notons néanmoins que le contrôle de légalité permet à l’Etat, le cas échéant, de déférer une autorisation entachée d’illégalité ou d’une erreur manifeste d’appréciation au regard du risque inondation.


 

 

 

 

Chapitre 6

 

 

Responsabilité pénale et civile


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Responsabilité pénale


 

35

 

Responsabilité pénale d'une commune pour homicide et blessures involontaires

 

Cour d'appel de Grenoble, 12 juin 1998 (affaire du Drac)

 

· Fondement juridique:

 

Article 221-7 et 222-21 du Code pénal : les incriminations d'homicide et de blessures involontaires sont imputables aux personnes morales.

Article 121-2 du Code pénal : responsabilité des personnes morales.

Article 221-6 al.1 du Code pénal : délit d'homicide involontaire.

Article 222-19 al.1 du Code pénal : délit de blessures involontaires.

Article R 625-2 du Code pénal : contravention de blessures involontaires.

Article R 622-1 du Code pénal : contravention de blessures involontaires.

 

· Faits et procédure:

 

Le 4 décembre 1995, des élèves encadrés par leur institutrice et par une accompagnatrice effectuaient une sortie éducative. Lors de leur retour en passant par le lit de la rivière Le Drac, ils ont été surpris par la brusque montée des eaux provoquée par des lâchers d'eau effectués en amont par EDF. Six enfants ainsi que l'accompagnatrice ont péri noyés.

 

Etaient poursuivis:

 

- la directrice des services départementaux de l'Education nationale

- l'inspecteur de l'Education nationale

- la directrice d'école primaire

- l'institutrice

- le directeur Energie Alpe

- le directeur du groupement d'exploitation hydraulique du Drac

- le directeur du groupement d'usine de Saint Georges de Commiers

- la ville de Grenoble

 

Le tribunal correctionnel de Grenoble (jugement du 15 septembre 1997) a relaxé la directrice des services départementaux de l'Education nationale, l'inspecteur de l'Education nationale et la directrice d'école primaire. Ont été condamnés le directeur Energie Alpe, le directeur du groupement d'exploitation hydraulique du Drac et le directeur du groupement d'usine de Saint Georges de Commiers (1 an d'emprisonnement avec sursis), l'institutrice (18 mois d'emprisonnement avec sursis) et la ville de Grenoble (100 000 francs d'amende). EDF est déclarée civilement responsable du fait de ses préposés (les trois directeurs).

La cour d'appel de Grenoble aggrave les peines de l'institutrice (2 ans d'emprisonnement avec sursis, 30 000 francs d'amende) et de la ville de Grenoble (500 000 francs d'amende) et condamne la directrice de l'école primaire relaxée par les premiers juges (18 mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 francs d'amende). Elle confirme les autres condamnations.

 

· Motifs de la Cour d'appel:

 

Sur la responsabilité de la ville de Grenoble :

 

Selon l'article 121-2 du Code pénal, les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants sans qu'il soit nécessaire, cependant, que l'organe ou le représentant ait été personnellement déclaré coupable des faits reprochés à la personne morale. Par conséquent, les non-lieu pour insuffisance des charges dont ont bénéficié le maire en l'exercice et la conseillère municipale déléguée ne font pas obstacle à la mise en cause de la responsabilité pénale de la ville de Grenoble à la condition qu'une faute en lien avec l'accident soit établie à l'encontre d'organes ou de représentants de la municipalité.

 

L'accompagnatrice, employée de la ville et décédée lors de l'accident, a fait preuve d'un comportement inconscient qui ne peut s'expliquer que par la force de l'habitude, confortée par une absence totale de contrôle de ses activités par ses supérieurs hiérarchiques.

Ainsi, il entre dans l'exercice normal du pouvoir de contrôle du chef du service (ici le service jeunesse), en l'absence même de critiques émanant de l'extérieur, d'avoir une connaissance précise des activités de ses subordonnés, d'apprécier si elles présentent des risques au regard des missions qui lui sont confiées et de décider de leur poursuite ou de leur interruption. Tel n'était pas le cas du service jeunesse.

 

Les négligences du service jeunesse de la ville et l'absence de contrôle réel des activités exercées par l'accompagnatrice sont la manifestation du mauvais fonctionnement de ce service dont le maire qui a en charge l'administration des services publics communaux et qui dispose du pouvoir réglementaire pour assurer leur bon fonctionnement, est responsable :

 

“  Attendu qu'il n'apparaît pas que les maires qui se sont succédés à la tête de la municipalité de Grenoble aient, par une instruction générale ou des consignes particulières, pris les dispositions nécessaires pour assurer un meilleur contrôle de l'activité de leurs agents (...);

Attendu d'autre part, qu'apparaît criticable le comportement de M. X, maire de Grenoble jusqu'en 1995 en ce qu'il a (...) systématiquement privilégié la défense d'une digue ayant pour utilité d'alimenter en eau les piscicultures de la ville de Grenoble au détriment de la sécurité du site (...);

Que la position ainsi adoptée par le maire de Grenoble de l'époque qui a contribué au rejet des propositions de création d'un chenal et de déboisement du site de nature à diminuer la dangerosité des lieux est fautive en ce qu'elle a favorisé la défense d'intérêts particuliers au détriment d'un impératif général de sécurité;

Que ce comportement peu soucieux des impératifs de sécurité n'est pas étranger à la réalisation du drame du 4 décembre 1995;

Attendu enfin que s'il ne peut être fait grief au maire d'une ville de l'importance de Grenoble de ne pas communiquer à l'ensemble de ses services toutes les informations générales dont il dispose, la non-diffusion auprès du service jeunesse des arrêtés municipaux pris en 1992 par les maires de Saint Georges de Commier et de Vif, est le signe d'une défaillance dans la circulation de l'information nécessaire dès lors que ce service était, à raison du centre de Saint Barthélémy du Gua et de ses attributions relatives aux sorties éducatives, concerné par les interdictions qu'ils édictent;

Attendu ainsi que la présence des enfants dans le lit du Drac, lesquels y ont été conduits par une employée municipale qui connaissait les risques liés aux lâchers d'eau, est imputable aux maires successifs de la ville de Grenoble dont ils sont tout à la fois les organes et les représentants à raison des négligences établies à leur encontre dans l'encadrement de leurs agents et le contrôle de leurs services alors que leur fonction leur donne le pouvoir et les moyens nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des services publics communaux dont ils ont la charge;

Attendu que ces négligences qui démontrent un manquement aux diligences normales leur incombant engagent la responsabilité pénale de la ville de Grenoble dont il convient de confirmer la culpabilité. ”

 

 

Sur la responsabilité du Directeur Energie Alpes (EDF) et du Directeur du Groupement d'exploitation hydraulique DRAC :

 

EDF est tenue, même en l'absence de textes particuliers, en vertu des principes généraux du droit, d'exercer son activité dans les conditions de nature à prévenir les risques auxquels cette activité est susceptible d'exposer des tiers.

 

“ Attendu que dans ce contexte, au regard de la conscience qu'avaient les prévenus du risque entraîné par les lâchures d'exploitation, de la connaissance qu'ils avaient de la fréquentation des lieux notamment par des scolaires, ainsi que de leur souci constamment manifesté au cours des réunions du Syndicat Espace-Nature de sécuriser le site de la Rivoire en particulier, il apparaît que le 4 décembre 1995 ils ont agi dans l'urgence, la situation de grève perdurant, sans prendre les précautions minimales nécessaires pour assurer la sécurité des personnes pouvant se trouver dans le lit du Drac (...)

Attendu que les négligences commises par les prévenus dans la mise en oeuvre efficace d'une mesure de sécurité destinée à prévenir les risques que leur activité faisait courir au public alors qu'ils avaient le pouvoir et les moyens de s'en assurer, étant directement à l'origine du lâcher d'eau mortel du 4 décembre 1995, c'est à bon droit que le tribunal a retenu Messieurs P., M. et L. dans les liens de la prévention en leur faisant par ailleurs une juste application de la loi pénale, eu égard aux circonstances et aux bons renseignements dont ils font l'objet”.

 

· Problèmes de droit et solutions:

 

- Une commune peut-elle être poursuivie et reconnue coupable d'homicide ou blessures involontaires?

 

Oui, le délit d'homicide involontaire et les contraventions de blessures involontaires entrent dans le champ des infractions susceptibles d'engager la responsabilité pénale d'une commune et d'une personne morale en général.

Toutefois, une collectivité territoriale ne peut être déclarée responsable pénalement que si les infractions reprochées ont été commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

 

L'infraction doit avoir été commise pour son compte, par ses organes ou par ses représentants. Cela ne signifie pas que l'organe ou le représentant doit nécessairement avoir été déclaré coupable des faits reprochés à la personne morale: un non-lieu ou une relaxe de l'organe ou du représentant n'empêche pas de condamner la collectivité territoriale, à condition d'établir une faute (de l'organe ou du représentant) en lien avec l'accident.

 

- Quelle était la nature de la faute du/des maires?

 

Les maires successifs n'ayant exercé aucun contrôle ni aucune surveillance du fonctionnement du service, ils ont commis une faute de négligence de nature à entraîner la responsabilité pénale de la ville.

 

- Quels sont les obligations d'un chef de service?

 

Le chef de service a un devoir de contrôle des activités de ses subordonnés; il entre dans l'exercice normal du pouvoir de contrôle du chef de service, en l'absence même de critiques émanant de l'extérieur, d'avoir une connaissance précise des activités de ses subordonnés, d'apprécier si elles présentent des risques au regard des missions qui leur sont confiées et de décider de leur poursuite ou de leur interruption.

 

- Comment le juge apprécie-t-il la faute commise?

 

Aujourd'hui (depuis la loi du 13 mai 1996 ayant modifié 121-3 du Code pénal), la faute d'imprudence est appréciée de manière concrète, en tenant compte de la situation de l'auteur de l'infraction, de ses compétences, de son autorité... et non plus seulement par référence à l'attitude qu'aurait normalement adoptée un individu moyen dans ces circonstances, indépendamment des capacités personnelles de l'auteur des faits.

 

· Synthèse :

 

Les délits d'homicide involontaire et les délits et les contraventions de blessures involontaires entrent dans le champ des infractions susceptibles d'engager la responsabilité pénale d'une personnes morale. Toutefois, une commune ne peut être déclarée responsable pénalement que si les infractions reprochées ont été commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

Après une analyse de l'activité de sorties de classe de la ville de Grenoble, la Cour d'appel confirme que le service concerné est au nombre de ceux dont les dysfonctionnements sont susceptibles d'engager la responsabilité d'une commune (tâches limitées, tâches ne relevant pas d'une prérogative de puissance publique). L'activité qui se situe à la périphérie du service public de l'enseignement stricto sensus, qui exclut toute immixtion dans la responsabilité pédagogique des maîtres et qui n'emporte pas transfert de la surveillance des élèves, n'est ni par sa nature ni en vertu de la loi insusceptible de délégation.

 

Le tribunal correctionnel et la cour d'appel mettent hors de cause l'Etat français puisque les deux inspectrices d'académie ont été mises hors de cause et que les trois agents EDF n'avaient pas la qualité d'agent public. On en déduit que l'Etat pourrait être déclaré civilement responsable des faits commis par ses agents, ceux de la DDE ou de la DDA par exemple, en matière d'inondation.

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Responsabilité civile


 

36

 

La responsabilité délictuelle des collectivités

pour défaut d'entretien d'un cours d'eau

 

· Fondement juridique:

 

Article 1382 du code civil : “ Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. ”

 

· Problème de droit:

 

Les conditions de réalisation de la responsabilité d’une personne publique pour mauvais entretien d'un cours d'eau.

 

· Solution:

 

La cour d'appel avait condamné un syndicat intercommunal pour avoir failli à sa mission d’entretien de cours d’eau. Si la Cour de cassation sanctionne la décision de la cour d'appel, ce n'est pas forcément parce qu'elle estime que le mauvais entretien du cours d'eau ne constitue pas une faute civile, mais parce que la cour d'appel n'a pas précisé sur quelle base elle fondait sa décision.

 

 

Civ. 2°, 14 juin 1995, Syndicat intercommunal du Morbras, n° 1095.

 

Faits:

 

Des inondations dues en parties à la présence de détritus dans le lit du ruisseau ont causé des dommages à des propriétés privées. Un syndicat intercommunal était chargé de l'entretien de ce ruisseau.

 

La cour d'appel a reconnu la faute du syndicat intercommunal et l'a condamné à payer des dommages-intérêts aux propriétaires privés.

La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel.

 

Motifs de la Cour de cassation:

 

“ Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les consorts Morane, propriétaires riverains d'une rivière non domaniale (...), se plaignant des dommages causés à leur propriété par des inondations ont assigné en réparation le syndicat intercommunal (...);

Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt énonce qu'il appartenait au syndicat, créé pour l'aménagement et l'entretien de ce cours d'eau, d'en assurer la propreté, notamment en ce qui concerne des détritus provenant des zones urbanisées (...);

Qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement de sa décision, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision. ”

 

· Synthèse :

 

L'argumentation de la Cour de cassation laisse à penser qu'elle n'écarte pas toute responsabilité civile en cas de défaut d'entretien. Si la cour d'appel avait fondé sa décision de manière satisfaisante, la Cour de cassation l'aurait peut-être suivie dans son raisonnement.

 

Ce raisonnement semble aujourd'hui compromis : un arrêt de la Cour de cassation du 2 février 1999 (Association syndicale des Mayres d'Aubignan c/ Lombard, n° 96-22.479) a estimé que le juge judiciaire n'est pas compétent pour examiner les litiges concernant les travaux de curage, et donc les travaux d'entretien en général.


 

37

 

La responsabilité délictuelle de l'Etat pour défaut d'intervention auprès d'une association syndicale

 

· Fondement juridique:

 

Article 1382 du code civil : “ Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. ”

 

· Problème de droit:

 

L'Etat commet-il une faute  en n'obligeant pas une association syndicale à effectuer le curage d'un cours d'eau?

 

· Solution:

 

La Cour décide que l'Etat n'est pas tenu de s'adresser à l'association syndicale afin qu'elle réalise les travaux, dès lors qu'il n'existe aucune clause obligeant l'Etat à intervenir de cette manière. Il ne commet donc aucune faute en ne sommant pas l'association syndicale d'effectuer les travaux nécessaires.

Dès lors que les propriétaires riverains faisaient partie d'une association syndicale, ils devaient s'adresser à celle-ci pour tous les travaux permettant de prévenir les inondations.

 

 

Civ. 3°, 4 mars 1987, Richard, n°515

 

Faits:

 

Des inondations affectaient régulièrement un fonds situé en contrebas d'un domaine appartenant à l'Etat et géré par un établissement public d'aménagement, et d'un autre domaine appartenant à un propriétaire privé. Les propriétaires du fonds inondé estimant que l'Etat était responsable de l'aggravation de l'inondation, ils ont assigné l'Etat en réparation du dommage causé.

La cour d'appel a rejeté leur demande, au motif que "l'association syndicale chargée de la construction et de l'entretien des ouvrages assurant l'écoulement des eaux était seule responsable de leur insuffisance ou de leur mauvais état et qu'il appartenait donc (aux propriétaires riverains) de s'adresser à cette association". La Cour de cassation confirme ce rejet.

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

“ (...) après avoir constaté que les inondations dont se plaignaient les consorts (...) provenaient du débordement d'une roubine [petit canal] (...) qui longeait le fonds (...) et drainait les eaux de plusieurs domaines et que les puisards, creusés en bordure d'une voie publique à l'extrémité de cette roubine, étaient insuffisants, soit en raison de leur défaut d'entretien, soit en raison du volume des eaux d'écoulage", la cour d'appel, qui a constaté que les parties à l'instance étaient membres d'une association syndicale autorisée d'assainissement dont l'objet était notamment la construction, l'entretien et la modification de tous fossés ou roubines pour assurer l'écoulement des eaux et qui a retenu que l'Etat n'étant lié à l'égard de cette association par aucune clause lui faisant obligation de sommer cette dernière d'avoir à curer le puisard, il appartenait aux (propriétaires riverains) de s'adresser à l'association dont ils faisaient eux-mêmes partie, a de ces constatations et énonciations, pu déduire qu'aucune faute n'était établie à la charge de l'Etat. ”

 

· Synthèse :

 

Cette décision de la Cour de cassation doit sans doute être relativisée. En effet, dans un arrêt du 2 février 1999 (Association syndicale des Mayres d'Aubignan c/ Lombard, n°96-22.479), la première chambre civile a décidé que “ les travaux de curage (...) ont le caractère de travaux publics, de sorte que seule la juridiction administrative est compétente pour connaître du dommage en résultant ”.

Toutefois, il convient de préciser qu'en 1993 la Cour de cassation avait admis la compétence du juge judiciaire dans une affaire où des travaux de surélévation de la digue d'un étang étaient intervenus à l'initiative de personnes privées dans un but d'intérêt privé, “ la participation de la commune n'ayant pu leur conférer le caractère de travaux publics ” (Civ.1re, 15 juillet 1993, n°1152). Il semble que l'affaire commentée entre dans ce cas de figure.

 

On peut se demander si la Cour de cassation aurait déclaré l'Etat civilement responsable en l'absence de toute association syndicale pour effectuer les travaux ou les ouvrages nécessaires. De même, si les propriétaires victimes des inondations n'avaient pas fait partie de l'association syndicale, la solution aurait-elle été différente? Enfin, il semblerait que l'existence d'une clause obligeant l'Etat à intervenir auprès de l'association permettrait d'engager sa responsabilité en cas de non intervention.


 

38

 

La responsabilité de la commune en tant que vendeur

 

L’obligation d’information sur le risque d'inondation

 

· Fondement juridique:

 

Article 116 du code civil :  Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté (…) ”

 

· Problème de droit:

 

Le contenu de l’obligation d’information et de conseil du vendeur .

 

· Solution :

 

Le vendeur doit informer l’acquéreur sur les risques pouvant affecter la chose vendue. La commune est donc tenue d’informer l’acquéreur sur les risques d’inondations.

Cette obligation connaît une limite : si l’acquéreur avait connaissance des risques, on ne peut reprocher au vendeur d’avoir manqué à son obligation d’information et de conseil.

 

Cour de cassation, 22 janvier 1997, Commune de Nay-Bourdettes, n° 78.

 

Faits :

 

La commune avait vendu un terrain figurant en zone constructible sur le plan d’occupation des sols. L’acquéreur y a édifié un atelier puis une maison. Suite à d’importants mouvements de terrain dûs en partie à un trop-plein d’eau, les bâtiments se sont effondrés.

 

La cour d’appel a déclaré la commune responsable en partie du préjudice subi par l’acquéreur. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.

 

 

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

“ Attendu que pour déclarer la commune responsable à concurrence de 25% du préjudice subi par M. Camps, autre que celui résultant de la perte de son habitation, l’arrêt retient que la commune, qui connaissait la nature du sous-sol du terrain vendu “ en raison de précédents glissements ayant affecté les coteaux ”, a manqué à son obligation de d’information et de conseil lui imposant de signaler à l’acheteur les risques de nature à grever la chose vendue ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la commune faisant valoir que M. Camps qui était originaire de la commune de Nay-Bourdettes, dont il était membre du conseil municipal, avait acquis le terrain en toute connaissance de cause, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. ”

 

· Synthèse :

 

En matière d'inondation, cette solution est intéressante : elle permet de limiter la responsabilité de la commune en cas de “ mauvaise foi ” de la victime. On pourrait même l'appliquer pour atténuer la responsabilité du vendeur lorsque sa responsabilité est engagée sur d'autres fondements (vice cachés, manquement à l'obligation de délivrance...)

On peut toutefois s'interroger sur les conditions d'appréciation de la connaissance des risques par la victime. En effet, quels sont les critères permettant de considérer que la victime du préjudice était à même d'apprécier les risques qu'elle prenait en achetant le terrain? Dans la décision présentée ici, la connaissance des risques par la victime ne posait pas de difficultés: l'acquéreur était originaire de la commune et faisait partie du conseil municipal. En revanche, un acquéreur originaire d'une commune mais ne participant pas au conseil municipal est-il supposé connaître les risques qu'il prend? La réponse est peut-être positive dans une petite commune, mais que dire dans une commune dont la superficie ne permet pas de connaître tous les terrains?

 

La solution retenue ici se rapproche du raisonnement du juge administratif qui considère la connaissance des risques par la victime comme un fait exonératoire de responsabilité de l'administration (voir fiche n° 20).


 

39

 

La responsabilité de la commune en tant que venderesse

 

Le vice caché des terrains vendus

 

· Fondement juridique :

 

Articles 1641 à 1648 du Code civil.

 

Article 1641 : “ Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. ”

Article 1642 : “ Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. ”

Article 1643 : “ Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera tenu à aucune garantie. ”

Article 1644 :  “ Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts. ”

Article 1645 : “ Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. ”

Article 1646 : “ Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente. ”

 

· Problèmes de droit et solutions :

 

- Les conditions de réalisation du vice caché au regard des inondations lors de la vente de terrains par une collectivité.

 

Le vice doit être inhérent à la chose. C’est le cas ici puisque le vice tient à la nature argileuse du terrain et à son utilisation antérieure à la vente.

Le vice doit être caché, c’est-à-dire que l’acheteur ne doit pas avoir été en mesure de le déceler avant la conclusion du contrat. Un acheteur qui aurait eu connaissance de l’exploitation du terrain par une carrière n’aurait sans doute pas obtenu gain de cause.

Le vice doit rendre la chose impropre à l’usage auquel elle est destinée. C’est le cas ici puisque l’habitation est rendue impossible.

 

- La commune pouvait s’exonérer de sa responsabilité en établissant une cause étrangère présentant les caractéristiques de la force majeure. Le glissement de terrain à l’origine du sinistre présentait-il ces caractéristiques (imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité) ?

 

- D’après le rapport d’expertise, le glissement de terrain n’était absolument pas imprévisible, au contraire. L’expert affirme que les terrains lotis et vendus présentaient des risques importants du seul fait de leur configuration géographique ancienne et de l’exploitation industrielle de l’argile ; ces risques étaient à la connaissance de tout technicien moyennement expérimenté.

Selon les juges : “  la commune, en créant un lotissement sur des terrains insuffisamment stabilisés après l’exploitation industrielle qui en avait été faite, a assumé un risque qui s’est concrétisé une dizaine d’années après la vente sous l’effet du facteur déclenchant qui a été la fonte de neige importante, mais qui aux dires de l’expert aurait pu aussi bien être un gros orage ”.

 

- L’incidence de la déclaration administrative de catastrophe naturelle sur l’appréciation la cause étrangère.

 

Non, le juge estime qu’ “ il ne peut y avoir identification absolue et automatique entre la déclaration administrative de catastrophe naturelle et la cause étrangère relevant des articles 1147 et 1647 du Code civil ”.

 

Cour de cassation, 15 juillet 1993, Commune d’Ossun, n° 1150.

 

Faits :

 

Après avoir créé un lotissement sur d’anciennes carrières remblayées, une commune avait vendu les lots de terrains à des particuliers. A la suite d’importantes fontes de neiges, un glissement de terrain a gravement endommagé plusieurs maisons.

 

La Cour d’appel confirme la responsabilité de la commune dans le préjudice subi par les victimes du fait du glissement de terrain. La Cour de cassation rejette le pourvoi de la commune et de son assureur, confirmant le raisonnement de la cour d’appel.

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

“ Attendu que l’arrêt retient souverainement qu’en l'état dans lequel le terrain a été vendu par la commune, celle-ci n’ignorait pas qu’il était impropre à la construction en raison des risques graves de déstabilisation en sous-sol et des glissements dont les circonstances atmosphériques n’ont fait que provoquer la réalisation ; que la Cour d’appel en justement déduit que la commune était tenue envers les acheteurs de la garantie des vices dans les termes de l’article 1645 du Code civil. ”

 

· Synthèse :

 

Cet arrêt concerne un glissement de terrain (provoqué par une fonte des neiges) mais il est parfaitement transposable aux inondations.

 

La commune en tant que lotisseur et vendeur de terrains a l'obligation de délivrer la chose vendue et de garantir l’acheteur contre les vices cachés de la chose.

 

Ces deux obligations n’ont pas le même contenu :

 

- l’obligation de délivrance consiste à livrer une chose conforme à la commande, répondant à ce qui était convenu dans le contrat de vente ; la livraison d’un terrain pour lequel une autorisation de construire a été accordée répond donc à cette exigence. Si par la suite le terrain présente de graves défectuosités (caractère inondable en l’espèce) empêchant d’y habiter dans des conditions normales, on ne peut pas reprocher à la commune d’avoir manqué à son obligation de délivrance ;

 

- l’obligation de garantir l’acquéreur contre les vices cachés de la chose vendue consiste à livrer une chose conforme à l’usage auquel elle est destinée et non plus seulement conforme à ce qui était convenu entre les parties.

 

Enfin, concernant la constatation de l'état de catastrophe naturelle par l'autorité administrative, on notera que selon le juge administratif, l'état de catastrophe naturelle déclaré par décision ministérielle est sans incidence sur la caractérisation de la force majeure.


 

40

 

La responsabilité de la commune en tant que venderesse

 

 

 

La délivrance conforme des terrains vendus

 

· Fondement juridique :

 

Articles 1603 et suivants du Code civil.

 

Article 1603 : “ [le vendeur] a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. ”

Article 1604 : “ La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. ”

 

· Problème de droit:

 

La commune a-t-elle manqué à son obligation de délivrance en vendant un terrain impropre à l’usage d’habitation auquel il était destiné ?

 

· Solution :

 

Non, la Cour de cassation rappelle que le vendeur n’a pas failli à son obligation de délivrance dès lors qu’il a livré une chose conforme à la commande de l’acheteur. Ici le terrain était conforme à la commande puisqu’il était constructible, en vertu de l’arrêté de lotissement. La conformité de la chose vendue à l’usage auquel elle est destinée ne fait donc pas partie de l’obligation de délivrance. En revanche, l'impropriété de la chose à l'usage auquel elle est destinée constitue un vice caché permettant d’engager une action en garantie contre le vendeur.

 

Cour de cassation, 8 novembre 1995, Commune de Ligueux, n° 1989.

 

Faits :

 

Un particulier avait acheté un lot dans un lotissement réalisé par une commune pour y construire une maison d’habitation. A la suite de fortes inondations, l’acquéreur du terrain a assigné la commune en résolution de la vente en se fondant sur le manquement de la commune à son obligation de délivrance.

 

La cour d’appel prononce la résolution de la vente au profit de l’acquéreur. La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

“  Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient que le rapport d’expert ne laisse subsister aucun doute sur la gravité des erreurs commises par le lotisseur lors de l’implantation du lot n° 5, que les fortes intempéries étaient prévisibles et qu’à défaut d’avoir mis en oeuvre les aménagements appropriés, la commune ne saurait contester que le lot vendu pour la construction d’une maison d’habitation est impropre à l’usage auquel il était destiné et que [l’acquéreur] est ainsi fondé à invoquer son manquement à l’obligation de délivrance ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’impropriété à l’usage constitue un vice de la chose, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. ”

 

· Synthèse :

 

La commune en tant que lotisseur et vendeur de terrains a l'obligation de délivrer la chose vendue et de garantir l’acheteur contre les vices cachés de la chose.

 

Ces deux obligations n’ont pas le même contenu :

 

- l’obligation de délivrance consiste à livrer une chose conforme à la commande, répondant à ce qui était convenu dans le contrat de vente ; la livraison d’un terrain pour lequel une autorisation de construire a été accordée répond donc à cette exigence. Si par la suite le terrain présente de graves défectuosités (caractère inondable en l’espèce) empêchant d’y habiter dans des conditions normales (donc non conforme à l'usage auquel il est destiné) on ne peut pas reprocher à la commune d’avoir manqué à son obligation de délivrance.

En ce sens, un arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 1993 Commune d’Ossun (n° 510, Dalloz 1993, informations rapides, p. 96) qui avait décidé que la commune était tenue de livrer un terrain conforme à l’usage auquel il était destiné avait posé une condition supplémentaire à l’obligation de délivrance.

Mais l’arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 1995 Commune de Ligueux vient rappeler strictement les composantes de l’obligation de délivrance.

 

- l’obligation de garantir l’acquéreur contre les vices cachés de la chose vendue consiste à livrer une chose conforme à l’usage auquel elle est destinée et non plus seulement conforme à ce qui était convenu entre les parties.

Dans l’affaire Commune d’Ossun du 24 mars 1993 (n° 510), l’acquéreur a donc confondu l’obligation de délivrance et la garantie contre les vices cachés de la chose. En reprochant à la commune la non conformité du terrain à l’usage auquel il était destiné, il aurait dû fonder son action sur la garantie des vices cachés. Dans l’arrêt du 8 novembre 1995, Commune de Ligueux, la Cour de cassation (troisième chambre civile) revient sur cette jurisprudence du 24 mars 1993 qui avait admis le manquement à l’obligation de délivrance de la commune parce que le terrain n’était pas conforme à l’usage auquel il était destiné. La Cour revient à une interprétation stricte des obligations du vendeur.

Les acheteurs de terrains victimes de dommages ultérieurs comme les inondations auront donc intérêt à baser leur action sur la garantie contre les vices cachés.


 

41

 

La responsabilité de la commune propriétaire

 

L’entretien et la garde des ouvrages des collectivités locales

 

· Fondement juridique:

 

Article 1384 alinéa 1 du Code civil :  On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. ”

 

Articles 640 et suivants du Code civil.

 

Article 640 : “ Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. ”

 

· Problème de droit:

 

Les conditions de réalisation de la responsabilité civile du fait de l’entretien des ouvrages dont une commune est propriétaire et sur lequel existe une servitude d’écoulement.

 

· Solution:

 

La commune propriétaire et gardienne d'un fonds servant (affecté par la servitude d'écoulement) n'est pas tenue d'entretenir les ouvrages d'écoulement des eaux et leurs accessoires par des opérations de curage et de nettoyage de ces ouvrages. Elle n'a l'obligation d'intervenir que si les obstacles à l'écoulement des eaux lui sont imputables.

 

Civ. 2°, 8 novembre 1990, Groupement forestier de Launoy, n° 432.

 

Faits:

 

A la suite de fortes pluies, les eaux d'un étang appartenant au groupement forestier de Launoy (GFA) ont rompu une digue et se sont déversées en contrebas, inondant et endommageant notamment des propriétés appartenant à une commune et à plusieurs particuliers.

 

Le tribunal de grande instance a retenu la responsabilité du groupement forestier. En revanche, il a écarté la responsabilité civile de la commune en tant que propriétaire et gardienne du chemin communal passant sur la digue, de la digue elle-même et de ses accessoires.

La cour d'appel confirme ce jugement. La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel concernant le refus d'indemnisation totale de la commune et des particuliers par le GFA.

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

L'existence d'ouvrages destinés à l'écoulement des eaux de l'étang du GFA sur le fonds de la commune ne suffit pas à mettre à la charge de celle-ci, en l'absence d'obstruction venant de son fait, l'obligation de les entretenir; pour éviter la condamnation, le groupement forestier aurait du prouver qu'il avait été privé de la faculté de réaliser la servitude dont il était bénéficiaire.

 

Rappel des motifs de la cour d'appel :

 

“ La commune (...), propriétaire du fonds servant n'était pas tenue d'y faire disparaître les obstacles à l'écoulement des eaux, dès lors qu'ils n'étaient pas la conséquence d'un fait qui lui soit imputable; que dès lors, l'existence sur son fonds d'ouvrages destinés à l'écoulement des eaux ne suffisait pas à l'obliger à des opérations de curage et de nettoyage de ceux-ci; que pas plus ne sauraient être mises à la charge du propriétaire du fonds servant (la commune) la décision et la réalisation de l'abaissement préventif du niveau des eaux de l'étang dont le GFA, propriétaire, avait seul l'initiative;

qu'il appartenait au seul GFA de faire aménager, à ses frais, un déversoir majeur de crue, en sa qualité de propriétaire du fonds dominant titulaire d'une servitude d'écoulement des eaux qu'il contient, alors surtout qu'il n'établissait pas avoir été privé du fait de la commune, de son pouvoir de direction, de contrôle et d'usage sur lesdites eaux; qu'enfin le GFA ne rapporte pas la preuve qu'il s'est trouvé privé de la faculté d'entretien de la servitude dont il était bénéficiaire sur le fonds de la commune. ”

 

· Synthèse:

 

C'est le propriétaire du fonds dominant (celui bénéficiant de la servitude) qui doit assurer les travaux d'entretien des ouvrages de lutte contre les inondations et de leurs accessoires. Sa responsabilité peut donc être engagée s'il ne satisfait pas à ses obligations, sauf s'il démontre qu'il a été privé de la faculté d'entretenir la servitude dont il bénéficie.

La responsabilité de la commune ne pourra intervenir que si un lien de causalité est établi entre le défaut d’entretien de l’ouvrage par la commune, les obligations du propriétaire du fonds dominant et les dommages subis en aval.

 

 

 


 

42

 

Le responsabilité de la commune gardienne des ouvrages

 

La garde des ouvrages de lutte contre les inondations

 

· Fondement juridique:

 

Article 1384 alinéa 1 du code civil : “ On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. ”

 

· Problème de droit:

 

Une collectivité territoriale non propriétaire mais gardienne d'un ouvrage de lutte contre les inondations (une digue) peut-elle demander réparation au propriétaire de cet ouvrage en cas de dommages causés par celui-ci ?

 

· Solution:

 

Si la collectivité a acquis un pouvoir d'usage, de direction et de contrôle sur l'ouvrage, les trois éléments qui caractérisent la garde, elle est responsable des dommages qui pourraient résulter du fait de cet ouvrage.

Elle ne peut donc pas rechercher la responsabilité du propriétaire de l'ouvrage, dès lors qu'il n'intervient pas dans la conception, l'entretien ou le fonctionnement de celui-ci.

 

Civ. 2°, 21 juillet 1986, Département de la Creuse et commune de Saint Victor c/ Brugier, n°888

 

Faits:

 

A la suite d'une pluie d'orage, la digue d'un étang privé s'est rompue, endommageant  une partie de la route départementale qui avait son assiette sur la digue ainsi que plusieurs installations communales. Le département et la commune concernés ont assigné en réparation le propriétaire privé de la digue et de l'étang.

La cour d'appel rejette leur demande. La Cour de cassation confirme ce refus.

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

“ Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le département et la commune de leurs demandes fondées sur l'article 1384 alinéa 1 du Code civil en retenant que c'était le département qui était le gardien de la digue (...)

Mais attendu qu'après avoir souverainement estimé, au vu du rapport de l'expert que la rupture de la digue était due aux dimensions insuffisantes des évacuations de crues aménagées sous le chemin départemental, l'arrêt relève que ces évacuations avaient été effectuées par le service départemental de l'équipement ou sous son contrôle, ce service ayant assuré dans l'exercice de ses attributions, la conception et la réalisation des travaux hors de toute intervention de Monsieur ... auquel il avait été seulement demandé d'en régler le prix;

Que de ces constatations et énonciations la cour d'appel a pu déduire que le département avait acquis sur cette digue les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle qui caractérisent la garde. ”

 

· Synthèse :

 

On peut déduire du raisonnement de la Cour que la qualité de propriétaire de l'ouvrage litigieux n'entraîne pas automatiquement la reconnaissance de la responsabilité de ce propriétaire. Celui-ci n'est responsable des dommages causés par la chose que s'il a conservé la garde effective de celle-ci. Si la garde de l'ouvrage a été transmise à une autre personne, celle-ci devient responsable des éventuels dommages causés par l'ouvrage. Ainsi, si le département n'était pas intervenu pour la réalisation des évacuations de crues, le propriétaire privé aurait conservé la garde de la chose; par conséquent, sa responsabilité aurait pu être recherchée.

 

La qualité de gardien attribuée au département aurait sans doute permis de rechercher sa responsabilité dans les dommages éventuellement causés à des particuliers. De même, la commune (qui a elle aussi subi des dommages) aurait pu rechercher la responsabilité du département.

 

La faute consiste ici en un défaut de conception des ouvrages d'évacuation des crues, mais elle peut aussi bien résider dans un défaut d'entretien ou un défaut de fonctionnement des ouvrages de lutte contre les inondations.


 

43

 

La responsabilités des intervenants réalisant des travaux

 

L’obligation de remise en état des terrains endommagés par les inondations

 

· Fondement juridique:

 

Article 1382 du Code civil : “ Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. ”

 

· Problème de droit:

 

Les conditions de réalisation de la responsabilité et de la réparation lors d’intervention de travaux pouvant favoriser ou générer des inondations.

 

Cette responsabilité peut être engagée sous réserve de l'appréciation souveraine des juges qui peuvent parfaitement refuser ce type de réparation.

 

. Solution :

 

Civ. 2°, 4 mai 1988, De Sarratea, n°649

 

Faits:

 

Les travaux de construction d'une route forestière ayant en partie comblé le lit d'un ruisseau de montagne, des crues de ce cours d'eau ont provoqué d'importants dégâts dans une prairie située en contrebas et exploitée par un particulier.

 

Celui-ci a notamment assigné l'Office national des forêts en réparation du dommage subi.

Les juges du fond reconnaissent la responsabilité de l'Office national des forêts et des autres personnes mises en cause, accordent une indemnité au propriétaire du terrain endommagé mais rejettent la demande de remise en état du terrain sous contrôle d'expert. La Cour de cassation confirme le rejet de cette demande.

 

 

 

 

Motifs de la Cour de cassation :

 

“ Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt qui a fixé le montant de l'indemnité que l'office national des forêts et l'entreprise (...) devaient payer à Monsieur (...) en réparation de ce sinistre, d'avoir rejeté la demande de celui-ci tendant à la remise en état de son terrain sous le contrôle d'un expert, alors qu'en se fondant sur des motifs dubitatifs et généraux et en refusant la réparation en nature sollicitée, au motif qu'elle aurait été disproportionnée par rapport à la valeur du terrain, elle aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et violé ce texte;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'apprécier les modalités propres à assurer la réparation intégrale du préjudice subi par la victime que la cour d'appel, après avoir analysé différents procédés d'indemnisation a, retenant le mode de calcul adopté par les premiers juges, fixé le montant de l'indemnisation (...) ”

 

 


 

INDEX

(renvoi aux fiches)

 

 

A

 

Abstention  7-8-9-10-11-17-27-30-31

Acquéreur  38

Affouillement  10

Alerte  13-14

Annonce des crues  13-14

Appel en garantie 14-19-23

Assainissement  22

Association syndicale  4-37

Atténuations de responsabilité  8-20-23

Autorisation de lotir  31

Autorisation d’ouverture de camping  8-32

 

 

B

 

Barrage  2-19-20-22-30-32

Berges  1-4-11-12-19-20

Blessures  35

Boues  6

 

 

C

 

Camp de vacances  32

Camping  8-11-12-15-17-32

Canaux  3

Caravaning/caravanage  11-32

Carence  1-4-6-8-10-11-12-13-14-15-19-22

Carrières  13

Certificat d’urbanisme  29

Commune  1-5-7-8-9-10-11-12-13-14-15-16-17-18-19-23-25-26-27-29-30-33-34-35-38-

39-40-41-42

Condamnation solidaire  19-23

Conseil  38

Conseil municipal  34-38

Contravention  35

Cours d'eau domanial  1- 2 -3-14-22

Cours d'eau non domanial  1 -2- 4-5-15-36

Crue  1- 2 -3- 4-7-13-14-15-19-22-29-30

Curage  1- 3- 4-5-6-15-19-22-30-36-37-41

 

 

 

D

 

Danger  10-11-16-17-18-30-32

DDA  4

DDE  19-34-42

Débordements  3-13-15-19-21-32

Déclaration de travaux  33

Délit  35

Délivrance  39-40

Département  23-42

Dépendance du domaine public  2-4

Déversoir  4-41

Digue  2-8-22-30-41-42

Domaine public fluvial  3

Dragage  3-6

Droits acquis  31

 

 

E

 

EDF  35

Elagage  1-5-10

Elargissement  5

Embâcle  1

Enquête publique  28

Entretien  1- 2- 3- 4-5-6-15-19-20-22-36-37-41

Epandage  6

 

Erreur manifeste d’appréciation  15-24-25-27-30-32-34

Etang  10-16-41

Etat  1-2-3-4-5-6-8-13-14-15-19-23-25-26-27-28-29-30-32-33-34-37

Etude d’impact  26

Evacuation  11

Evacuation des eaux  22

Excès de pouvoir  11-10

Exhaussement  22-30

Extraction  3-10

 

 

F

 

Fait du tiers  20-23

Faucardement/faucardage  1-4-10-19

Faute  22-27-30-34

Faute de la victime  20-23

Faute lourde  1- 3- 4-7-8-10-13-14-16-17-18-22

Faute simple  7-8-9-17-18-27

Fermeture  15

Fléaux calamiteux  5-8-12

Fleuve  2

Force majeure  20-23-39

Frais  1-18

 

 

G

 

Garde  41-42

Gestion  4-6-19

 

 

H

 

Homicide  35

 

 

I

 

Illégalité  16-25-26-31-32-34

Imprudence  20

Inconstructibilité  24

Information  13-14-29-38

Infraction  35

Inondation maritime  10

Installation classée  19

Interdiction  11

Intérêt général  4-5-10

Interruption (de travaux)  10

 

 

L

 

Lac  2

Lâchers/lachures d’eau  35

Lien de causalité  3-14-22

Lit  1-2- 3-4-22

Lit inférieur  3

Loi littoral  30

Loi montagne  30

Lotissement  8-31-39-40

 

 

M

 

Maire  6-7-8-9-10-11-12-13-15-16-17-18-19-26-27-29-30-31-33-34

Mesures d’urgence  16-17-18

Mesures préventives  7-8-9-11-10-12-15-22-28

Métaux lourds  6

Mise en demeure  12-15

 

 

 

O

 

Ouvrages de défense/de lutte contre les inondations  2-7-12-30-42

Ouvrage public  2-4-6-19-20-21-22-23

 

 

P

 

Partage de responsabilités  19-23-26-31

Péril grave et/ou imminent  5-10-11-13-15-16-17-18

Permis de construire  19-20-25-27-29-30-33-34

 

 

Personne morale  35

Plan d'aménagement de zone (PAZ)  26-27-28

Plan d'exposition aux risques (PER)  25

Plan de prévention des risques (PPR)  24-25-27-28-29-33

 

Plan de surface submersible  30

Plan d'occupation des sols (POS)  6-24-25-27-28-29-30-31-33

Plan simple de gestion  4

Police de l’urbanisme  19-33

Police des cours d'eau  4-5-19

Police municipale  1-7-8-9-10-11-12-13-18

Pont  19-21-22

Préfet  1-4-5-10-13-14-15-16-27-30-31-32

Préjudice  21

Prescription  21

Prescriptions spéciales  19-29-30-31-32-33-34

Principe de précaution  30

Projet d'intérêt général (PIG)  24-25-28

Propriété privée  18

 

 

R

 

Recépage  1-5-10

Règlement national d'urbanisme (RNU)  30-31

Règles de l'art  23

Remise en état  43

Réparation du dommage  22-23-43

Réseau d’assainissement  22

Réseau d’évacuation des eaux  22

Responsabilité civile  36-37-38-39-40-41-42-43

Responsabilité pénale  35

Responsabilité sans faute  18-22

Retard  27

Risque  11-12-15-17-20-23-24-25-26-27-28-29-30-31-32-33-34-38

Risque imminent  5-16

Riverains  1-2-3-4-5-6-13-14-19-20

Rivière  1-2-3- 4-5-16-23-26

Rivière canalisée  3

Roubine  37

Ruisseau  4-5-10-22-36

 

 

S

 

SAGE  3

Salubrité publique  1-5-7-8-9-10-11-12-14-15-16-17-18-29-30-31-32-33

Schéma directeur  24-28

Sécurité publique  1-7-8-9-10-11-12-13-14-15-16-17-18-29-30-32

Service d'annonce des crues  13-14-30

Service de l’Etat  33-34

Service instructeur  34

Servitude d’écoulement  41

Servitude d’urbanisme  27-28

Servitude d’utilité publique  25-27-30

Stockage  6

Substitution  11-12-15

Sursis à exécution  30

Surveillance  2-3-4-15-19-20-32

Syndicat intercommunal  4-5-19-22-36

Syndicat mixte  1

 

 

T

 

Torrent  2-21

Toxicité  6

Travaux de lutte contre les inondations  2- 4-7-12-18-30-32

Travaux d’entretien  1-3-4-5-10

Travaux privés  10-33

Travaux publics  18-37

 

 

U

 

Urgence  5-6-15-11-16-18

Utilité publique  5-28

 

 

V

 

Vente  29-38-39-40

Vice caché  39-40

Violation de la loi  20

Voies navigables de France (VNF)  3

Voirie publique  22

 

 

Z

 

Zonage  25-27

Zone à risque naturel prévisible  32

Zone d'aménagement concerté (ZAC)  26-29

Zone exposée aux risques  30

Zone rouge  15-16-27-33

 


 

 BIBLIOGRAPHIE

 

Codes

 

Code de l’environnement, Dalloz, 1998, 6ème édition.

 

Code général des collectivités territoriales, Dalloz, 1996, 1re édition.

 

Code de l’urbanisme, Dalloz, 1998, 10ème édition.

 

Code rural, Dalloz, 1999, 22ème édition.

 

Ouvrages généraux

 

R. Chapus                                          Droit administratif général, tome 1

                                                            Montchrétien, 1996.

 

M. Prieur                                             Droit de l'environnement,

                                                            Dalloz, 1996, 3ème édition.

 

H. W. Renoult                                    Droit pénal général,

Centre de publications universitaires, 1999-2000.

 

V. Toulet                                             Droit civil Obligations/Responsabilité civile,

Centre de publications universitaires, 1999-2000.

 

Monographies

 

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Les études du Conseil d’Etat, La documentation française, 1996.

 

E. Desmons                                       La responsabilité pénale des agents publics,

Que sais-je n° 3345, PUF, 1998.

 

P. Fauchon                                         Démocratie locale et responsabilité,

Rapport du Sénat, n° 328, 1994-1995.

 

D. Guihal                                             Droit répressif de l’environnement,

Economica, 1997.

 

Articles et chroniques

 

B. Barraqué                                        Risque d’inondation : urbanisme réglementaire ou servitude négociée ?

                                                           Revue juridique de l’environnement, 3/1995, p. 433.

 

C. Blumann                                        Etat et collectivités publiques, règles générales de la responsabilité de la puissance publique, Jurisclasseur civil, Fasc. 370-1.

 

P. Bon et Ph. Terneyre            Conditions de la responsabilité de l’Etat en cas d’inondation,

                                                           Dalloz 1997, Sommaires commentés, p. 232.

 

N. Caldéraro                                       Le juge administratif et la prévention des risques naturels,

                                                            BJDU 2/99, p. 86.

 

J. Carbajo                                           Etat et collectivités publiques, travaux et ouvrages publics, le patrimoine responsable,

Jurisclasseur civil, Fasc. 370-3.

 

I. Cassin                                             Le contentieux de la responsabilité pour faute en matière d’urbanisme : quels risques financiers pour les collectivités publiques ?

                                                           BJDU 4/99, p. 246.

 

M. Céora                                            La responsabilité pénale des élus à raison des délits liés au manque de précaution,

LPA, 15/02/1995, p. 22.

 

L. Chabanne-Pouzynin                     Inondations : qui est responsable ?

Environnement et technique, Info-déchets, avril 1998, n° 175, p. 47.

 

G. Derozier                                        Le juge administratif et la force majeure : vers une disparition de l’imprévisibilité ?

                                                           LPA, 12/07/1996, n° 84.

 

P. Dévolvé                                          Responsabilité pénale des maires et des élus : synthèse,

LPA, n° 20, 15/02/1995.

 

C. Ducouloux-Favard            Quatre années de sanctions pénales à l’encontre des personnes morales,

Dalloz 1998, Chronique p. 395.

 

F. Duval                                              Dommages causés par des inondations,

Annales de la voirie, janvier-février 1999, n° 45, p. 16 et mars-avril 1999, n° 46, p. 9.

 

B. Godbillon                                        L’autorisation de construire et le risque naturel,

                                                            AJDI, 10 septembre 1999, p. 768.

 

P. Gras                                               La responsabilité administrative des communes en matière d’environnement,

                                                           Gazette du palais, 24/25 juin 1998, p. 36.

 

D. Guihal                                            La responsabilité pénale des élus locaux en matière d’environnement,

RFDA, 1996, n° 12, p. 535.

 

                                                           Responsabilité des maires : le pragmatisme des juges,

Droit de l’environnement, juin 1996, n° 39, p. 9.

 

J. Hermann                                        Le juge pénal, juge ordinaire de l’administration ?, Dalloz 1998, 19e cahier, chronique p. 195.

 

Ch. Huglo                                           Les délits liés au manque de précaution : risques et environnement,

LPA, n° 20, 15/02/1995.

 

Journal des Maires             Risque pénal : 101 conseils pour le maîtriser, supplément Journal des Maires, novembre 1999.

 

J. Kluger et J. Colonna d’Istria             De la culpabilité à la responsabilité,

Droit de l’environnement, décembre 1997, n° 54, p. 14.

 

E. Le Cornec                                      Les risques naturels et le droit de construire ou d’aménager, aspects de la responsabilité administrative et pénale,

LPA, n° 98, 15/08/1997.

                                                           

Note sous TGI Annecy (référé), 13 août 1996, Préfet de la Haute Savoie c/ Claude Mermillod-Anselme, Droit de l’environnement , janvier-février 1997, n° 45, p. 6.

 

Les autorités de l’urbanisme face aux risques naturels,

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Le maire face aux risques du camping,

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R. Léost                                              Droit pénal de l’urbanisme,

                                                            AJDI, n° 4/1999, p. 294.

           

F. Mallol                                              Responsabilité administrative et catastrophe naturelle : l’affaire du Grand-Bornand,

                                                           Note sous CAA Lyon 13 mai 1997, M. Balusson et autres, n° 94LY00923, LPA, 14/11/1997, n° 137.

 

P. Planchet                                         Le précédent : moyen d’évaluation du risque naturel,

                                                            Revue juridique de l’environnement, 4/1998, p. 485.

 

M. Pochard                                         Responsabilité des élus,

Jurisclasseur administratif, Fasc. 812.

 

M. Puech                                            De la mise en danger d’autrui,

Dalloz 1994, chronique p. 153.

 

D. Quinty                                            Responsabilité civile du fonctionnaire,

Jurisclasseur civil, Fasc. 380.

 

J.H. Robert                                         La loi au secours des élus locaux ?,

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                                                           Mise en cause de la responsabilité des maires : suite du feuilleton breton,

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F. Servoin                                           La responsabilité des collectivités publiques à l’occasion des catastrophes naturelles,

                                                           LPA, 10/02/1995, n° 18.

 

J. Sironneau                                       Les responsabilités en matière d’inondations et de réparation des dommages,

                                                           Droit de l’environnement, novembre 1998, n° 63, p. 15.

 

Urbanisation dans les zones inondables : des responsabilités de plus en plus partagées,

Droit de l’environnement, mars 1999, n° 66, p. 13.

 

J. Spiteri                                             Du fait du prince à la responsabilité pénale, ou de l’Etat de droit,

Dalloz 1993, chronique p. 241.

 

M.F. Steinle-Feuerbach            La responsabilité pénale des maires en cas de catastrophe (au regard des procès de Bruz et de Barbotan) ou la fausse nouveauté de la loi n° 96-393 du 13 mai 1996,

JCP, éd. G, n° 43, p. 435.

 

P. Tronchon                                       Risques majeurs et protection de l’environnement, LPA, n° 114, 23/09/1994.

 

J. Untermaier                                     Droit et ville, 1986, n° 21, p. 11.

 

F. Vincent                                           Responsabilité de la puissance publique, dommages résultant des activités de police,

                                                           Jurisclasseur administratif, Fasc. 912.

 

J. Viret                                                La responsabilité de l’administration et de ses agents à l’épreuve du droit pénal contemporain, AJDA, 20 novembre 1995, p. 763.

 

C. Zambeaux                                     Entrave aux mesures d’assistance et omission de porter secours,

Jurisclasseur droit pénal, art. 223-5 à 223-7.

 

 

 

                                                            Banques de données informatiques

 

. Cd-Rom : Juridiques Lamy S.A.

-          Jurisprudence du Conseil d’Etat et des Cours administratives d’appel

-          Cour de cassation

 

                :  Recueil Dalloz

 

                 :  Les petites affiches

 

. Internet :  http://WWW.environnement.gouv.fr


 

PLAN GENERAL DETAILLE

                  

 

 

Glossaire                                                                                                                           5

 

Chapitre liminaire                                                                                                             6

 

Plan de la synthèse                                                                                                             8

 

Introduction                                                                                                                     10

 

Synthèse                                                                                                                          12

 

Chapitre 1 L’intervention évolutive du juge administratif                                                            12

 

            S 1. La nature des responsabilités                                                                    12

 

                        1 Les faits générateurs                                                                                      12

                        a - la responsabilité pour faute simple et la présomption de faute           12

                        b – la responsabilité pour faute lourde                                                                  13

                        c – la responsabilité sans faute, pour risque                                             18

 

                        2 – Les atténuations de responsabilité                                                          19

                        a – la force majeure                                                                                  19

                        b – le fait du tiers ou de la victime                                                            22

 

S 2. L’imputabilité du dommage                                                                                      23

 

                        1 – la persistance des solutions classiques                                                  23

                        a – l’Etat, les collectivités locales, les entreprises publiques                          23

                        b – les personnes privées                                                                    24

 

                        2 – l’extension du partage des responsabilités                                            24

                        a – entre personnes publiques                                                                            24

                        b – entre personnes publiques et privées                                            25

 

Chapitre 2   L’affirmation de l’action judiciaire                                                                             27

 

            S 1. De la réparation…                                                                                                27

 

                        1 – la compétence du juge judiciaire                                                          27

                        a – le principe de répartition des compétences                                              27

                        b - illustration                                                                                                   28

 

                        2 – la mise en œuvre de la responsabilité civile des personnes                    29

publiques ou des agents de l’Etat

                        a – la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle                  30

                        b – application en matière d’inondations                                                          30

 

S 2. … A la sanction                                                                                                     33       

 

                        1 – les personnes pénalement responsables                                             34

                        a – les personnes physiques                                                                          34

b – les personnes morales de droit public                                            35

 

                        2 – les éléments de mise en jeu de la responsabilité pénale                    36

                        a – l’élément légal de l’infraction : les incriminations                                  36

                        b – l’élément matériel de l’infraction : les faits reprochés                                41

                        c – l’élément moral de l’infraction                                                           42

 

Conclusion       44

 

Fiches de jurisprudence (les numéros en tête renvoient aux fiches)                                           

Plan général des  fiches                                                                                             46

Chapitre 1 - lutte contre les inondations, entretien et curage :                                                 50

   

- les obligations des riverains sur les cours d’eau domaniaux et non domaniaux :                  51

 

1 - les travaux d’entretien et de curage de cours d’eau non domaniaux       52

par les riverains

2 - les ouvrages de lutte contre les inondations                                                           55

 

- les obligations des personnes publiques sur le domaine public fluvial :                                 57

 

3 - la responsabilité de l’Etat du fait des travaux d’entretien et de curage                   

des cours d’eau domaniaux                                                                                      58

 

- les obligations de surveillance des autorités publiques sur les cours d’eau non domaniaux:62

 

4 - les interventions et la responsabilité de l’Etat sur les cours d’eau non domaniaux 63

5 - les interventions et la responsabilité des communes sur les cours                       

d’eau non domaniaux                                                                                                         69

 

- les responsabilités résultant de la gestion de l’entretien des cours d’eau :                        73

 

6 - les conséquences du stockage des matières de curage                                 74

 

Chapitre 2 - pouvoirs de police générale en matière d’inondation :                                   76

 

-                                  les mesures de prévention :                                                       77

 

7 -  la distinction entre prescription et exécution des mesures de police                      78

 

8 - le défaut d’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations 79

9 - l’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations :

les plans de prévention contre les inondations                                                                  83

10 - l’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations :

le contrôle des travaux privés                                                                                          85

11 - l’édiction des mesures de prévention ou de lutte contre les inondations:

mesures d’évacuation ou d’interdiction d’accès/d’exploitation                                          88

12 - le pouvoir de substitution du représentant de l’Etat en cas de carence du maire  91

           

-     les mesures d’exécution (mesures préventives et mesures d’urgence)                            94

 

13 - le défaut d’exécution des mesures de lutte contre les inondations :                                         carence dans l’annonce des crues (signalisation, information)                                            95

14 - la responsabilité de l’Etat du fait du service d’annonce des crues                         97

15 - le défaut d’exécution des mesures de lutte contre les inondations :

abstention dans la réalisation de travaux d’entretien et curage des cours

d’eau non domaniaux                                                                                                              101

16 -  les conditions générales d’intervention du maire en cas de danger grave et

imminent                       105

17 -  l’abstention d’exécutions de mesures d’urgence                                                     107

18 -  les travaux de lutte contre les inondations sur des propriétés privées                 109

 

Chapitre 3 - les modalités de réalisation des responsabilités :                                                                   112

 

19 -  le partage des responsabilités entre personnes publiques                                   113

20 -  les atténuations de la responsabilité                                                          117

21 -  le préjudice                                                                                                     121

 

Chapitre 4 - l’impact des ouvrages et travaux publics sur les inondations :

       les hypothèses d’engagement des responsabilités :                                                         123

 

22 -  la réparation des dommages causés ou accentués par les ouvrages publics      124

23 -  le partage et les atténuations de responsabilités du fait des ouvrages publics    129

 

Chapitre 5 - urbanisme et inondations : les responsabilités :                                                                   132

 

-                                  la planification, la réglementation et les inondations :                              133

 

24 - le schéma directeur                                                                                          134

25 - le  plan d’occupation des sols et inondations                                                  136

26 - le plan d’aménagement de zone de la zone d’aménagement concertée

et les inondations                                                                                                         141

27 - le plan de prévention des risques naturels prévisibles                                       143

28 - le projet d’intérêt général                                                                                146

-                                  l’information préalable et les inondations :                                          148

 

29 - le certificat d’urbanisme                                                                                     149

 

-                                  les autorisations et déclarations :                                                152

 

30 -  le permis de construire                                                                                        153

31 -  l’autorisation de lotir                                                                                      159

32 -  les activités de camping et de caravanage                                                              165

33 -  la déclaration de travaux                                                                                170

34 -  la responsabilité de l’Etat du fait de l’activité de service instructeur                              172

 

Chapitre 6 - responsabilité pénale et civile :                                                                                           174

 

-                                  responsabilité pénale :                                                       175

 

35 - responsabilité pénale d’une commune pour homicide et blessures involontaires  176

 

-                                  responsabilité civile :                                                   181

 

36 - la responsabilité délictuelle des collectivités pour défaut d’entretien

d’un cours d’eau              182

 

37- la responsabilité délictuelle de l’Etat pour défaut d’intervention auprès

d’une association syndicale                                                                                             184

 

La responsabilité de la commune en tant que vendeur :                                                      186

 

38 - l’obligation d’information sur le risque d’inondation                                                  186

39 - le vice caché des terrains vendus                                                                     188

40 - la délivrance conforme des terrains vendus                                                         191

 

La responsabilité de la commune propriétaire :                                                            194

 

41 - l’entretien et la garde des ouvrages des collectivités locales                                194

 

 

 

La responsabilité de la commune gardienne des ouvrages :        197

 

42 - la garde des ouvrages de lutte contre les inondations        197

 

La responsabilité des intervenants réalisant des travaux :        199

 

43 - l’obligation de remise en état des terrains endommagés par les inondations       199

 

 

Index                                                                                                                                           201

 

Bibliographie                                                                                                                    206

 

Plan général détaillé                                                                                                                   210

 


 


[1] N. Caldéraro, Le juge administratif et la prévention des risques naturels, BJDU 02/99, p.86 ; E. Le Cornec, Les risques naturels et le droit de construire ou d’aménager , LPA n°98 du 15 août 1997. Une étude globale est en cours au Ministère de l’environnement.

[2] F. Duval, Dommages causés par des inondations, Les annales de la voirie, n° 45 et 46, 1999.

[3] Convention de New-York du 21 août 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation.

[4] Le traité d’Amsterdam de juillet 1997 inscrit le développement durable comme objectif fondamental de l’Union Européenne, les diverses directives communautaires dans le domaine de l’eau développent, depuis l’adoption du 5° programme communautaire de l’environnement une approche intégrée.

[5] Loi 92.3 du 3 janvier 1992 sur l’eau et la loi  95.101 du 2 février 1995 sur le renforcement de la protection de l’environnement.

[6] C’est l’affirmation du développement durable et des principes de participation, de prévention de précaution et du principe pollueur-payeur.

[7] Le principe d’une utilisation équitable et raisonnable, la gestion par bassin ou sous-bassin, la gestion équilibrée de la ressource, la solidarité, la patrimonialisation constituent autant de spécificités pour la gestion des ressources aquatiques.

[8] Article 2 de la loi 92.3 du 3 janvier 1992 sur l’eau, JO du 4 janvier 1992.

[9] IFEN, L’environnement en France, Editions La Découverte, 1999, p. 243.

[10] Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques rapport par M. C. Kert Député n° 1540 Ass. Nat. Et 312 Sénat, avril 1999,  Les techniques de prévision et de prévention des risques naturels en France, p.93 et s.

[11] Rapport précité, ainsi que le bilan provisoire des dernières inondations dans le Sud de la France qui ont causé plusieurs dizaines de victimes et un coût estimé à plusieurs milliards de francs. Cf. Le Monde des 16 novembre 1999 et suivants.

[12] CE 22 octobre 1971, Ville de Fréjus, n° 76.200.

[13] CE 22 avril 1992, Association syndicale autorisée des irrigants de la vallée de la Lèze, Syndicat intercommunal d’aménagement de la Lèze c/ M. Gaillard, n° 72.441 : “ Considérant que ces divers travaux (…) revêtaient la caractère de travaux publics dont les riverains ont bénéficié ; que M. Gaillard doit de ce fait être regardé comme ayant la qualité d’usager à leur égard (…) que, par suite, en tout état de cause, M. Gaillard, qui se borne à invoquer le lien de cause à effet entre les travaux (…) et les dommages causés (…) sans alléguer que ces travaux auraient été conduits dans des conditions anormales ou critiquables ”.

[14] CE 31 janvier 1986, Syndicat intercommunal pour l’aménagement du bassin de la Théols et autres, n° 50.827 ; CE 22 avril 1992, Association syndicale autorisée des irrigants de la Vallée de la Lèze et Syndicat intercommunal d’aménagement de la Lèze, n° 72.441 ; CAA Nancy 4 mai 1999, SCN Pertuy, n° 95NC00238.

[15] CE 14 décembre 1990, Société provençale d’équipement, commune d’Aubagne, n° 55488.

[16] CAA Bordeaux 8 avril 1993, Mme Christine Desfougères, n° 91BX00268 et TA Montpellier 19 mars 1997, Mme Annie Congiu, n° 923.120.

[17] Par exemple, TA Strasbourg 8 novembre 1995, SA Société Seloi et M. Philippe Gourdon c/ commune de Saint-Julien-lès-Metz et préfet de la Moselle, n° 91.1508, BJDU 3/96, p. 217.

[18] Chapus R. Droit administratif général Montchrétien 13° édition. 1999,  tome 1,  p.1252

[19] CE 25 octobre 1961, Andreis, n° 51.005, Leb. p. 1047.

[20] P. Denozière, L’Etat et les eaux non domaniales, p. 149 ; Tec & Doc 1985, Paris ; P. Gautron, Le régime juridique des eaux non domaniales, Ed. de l’actualité juridique, Paris, 1966, p. 112 note 130 ; CE 20 avril 1951, Sieur Balland, n° 81.403, Leb. p. 202 ; CE 2 février 1957, Ministre de l’agriculture et commune de Lettret c/ sieur Champollion, n° 87.569, Leb. p. 84 ; CE 25 octobre 1961, Sieur Andréis, n° 91.629, Leb. p. 1047 ; CE 13 juillet 1968, Jouan et entreprise Razel frères, n° 66.395, Leb. T. p. 1101 ; CE 1er décembre 1978, Ministre de l’équipement et du logement c/ Aussel et Delaurenti, n° 5905, Leb. T. p. 814 ; TA Lyon 27 juin 1997, Société Proud et compagnie Cigna, n° 9204836.

[21] CE 2 mars 1984, Syndicat intercommunal de l’Huveaune, n° 35.524 admet une faute simple de l’Etat. Ce régime de responsabilité a déjà été retenu dans des affaires précédentes.

[22] TA Marseille 3 novembre 1983, M. Négro Vincent et autres, n° 79.2312 : “ Considérant (…) qu’en outre, l’absence d’entretien du lit du Vallat de Roubaud révèle que le Préfet n’a pas usé des pouvoirs de police que lui confèrent les article 103 et 115 du code rural (…) que sa carence a, dans les circonstances de l’espèce, constitué une faute lourde de nature à engager le responsabilité de l’Etat ”.

[23] CE 10 juin 1994, Ministre des transports, n° 56.439.

[24] CAA Nancy 9 juillet 1992, Société Spie-Batignolles, n° 90NC00150.

[25] CAA Bordeaux 22 mars 1999, Gianesini, n° 96BX01355 et n° 96BX01356.

[26] TA Lyon 26 juin 1997, Société Proud et Cigna, n° 9204836.

[27] CE 23 février 1973, Ministre de l’équipement et du logement et société anonyme Entreprise Tomine, n° 81.301.

[28] CAA Paris 8 mars 1994, Ministre de l’environnement c/ SA Renault, Comptoir Caraïbe d’importation et d’exportation Sté Martinquaise de carton ondulé, n° 93PA00079.

[29] Articles 2212-2-5 et 2215-1 du code général des collectivités territoriales.

[30] E. Le Cornec, Les autorités de l’urbanisme face aux risques naturels, AJDI, 10 mars 1999, p. 198 : “ Nous sommes bien loin de la distinction qui a eu cours pendant longtemps dans la doctrine et la jurisprudence entre les activités matérielles de police et les activités réglementaires ” (p. 201) ; L. Richer, note sous CE 14 mai 1986, Commune de Cilaos, n° 54.296, AJDA 1986, p. 466-468 : “ (…) la distinction entre  activité matérielle et activité  juridique ne  peut  expliquer dans tous les cas la répartition entre faute lourde et faute simple ”.

[31] CE 16 mai 31 mars 1965, Consorts Paydessus c/ commune de Loudenvielle, n° 61.280 et R. Chapus, op. cit., 1996, 10ème éd. P. 1195, § 1266.

[32] CE 12 janvier 1983, Commune de Laronx c/ Mutuelle d’assurance des instituteurs de France, n°19.952 et CAA Lyon, 13 mai 1997, Balusson c/ Mutuelle du Mans, Dalloz 1998, p. 11.

[33] CE 31 mars 1965, Consorts Paydessus c/ commune de Loudenville, n°61.280, Leb. p. 212.

[34] CE 16 novembre 1960, Sodciété Codolar et fils et société du Pont de Bordès, Leb. p. 932 ; CE 23 février 1973, Ministre de l’équipement et du logement c/ entreprise Tomine, Leb. p. 168 ; CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/ Compagnie rennaise de linoléum et du caoutchoux, Leb. p 223.

[35] CE 11 mars 1983, Bertazzon, Dalloz 1984, IR, p. 341 et CAA Bordeaux 5 mai 1997, Rouanet, n° 94BX00383.

[36] E. Le Cornec, Les autorités de l’urbanisme face aux risques naturels, AJPI, 10 mars 1999, p. 201-202.

[37] E. Le Cornec, article précité, p. 201. Un arrêt de la Cour d’appel de Nantes est significatif à cet égard (CAA Nantes 25 octobre 1990, M. et Mme Lebelhomme, n° 89NT00963). Alors que les mesures préventives de la police municipale sont généralement constitutives d’une faute simple, le juge dans cette espèce, après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 131-2 du code des communes considère la carence du maire comme une faute lourde : “ Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que, dans les circonstances de l’affaire, le maire de la commune de Graye-sur-Mer, en s’abstenant de prescrire les mesure de nature à prévenir le risque d’inondation, ait commis dans l’exercice de la police municipale une faute lourde, seule susceptible d’engager la responsabilité de la commune ; qu’ainsi les requérants ne sont pas fondés à invoquer l’absence d’intervention du maire pour demander la condamnation de la commune ”.

[38] Voir CAA Lyon 13 mai 1997, Balusson et autres, n° 94LY00923 : “ (…) qu’en outre, le jour même de la catastrophe, alors que les sols étaient saturés d’eau en raison de la pluviosité intense observée (…) et qu’un bulletin météorologique exceptionnel  avait annoncé la survenue d’orages violents sur le secteur, le maire n’a pris  aucune disposition pour prévenir les risques que couraient les campeurs ; qu’en  méconnaissant ainsi ses obligations, le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ”.

[39] CE 8 août 1885, Commune de Nogent-sur-Marne, Leb. p. 369.

[40] CE 8 janvier 1919, Fournex, Leb. p. 9.

[41] CE 30 mars 1927, Prohom, Leb. p. 415.

[42] CAA Nantes 10 octobre 1991, Mme Rault, n° 89NT01454.

[43] CE 17 juin 1988, Syndicat intercommunal pour l’aménagement et l’entretien de l’Echandon, n° 47.737.

[44] CE 14 décembre 1988, Ministre de l’environnement c/ M. de Toulgoet et M. Mme Boisbrun, n° 64.182.

[45] CAA Nancy 3 décembre 1998, Syndicat intercommunal pour l’assainissement agricole du bas pays de Béthune, n° 94NC01656.

[46] CE 18 décembre 1989, Syndicat intercommunal pour l’entretien de la rivière “ La Juine ” et ses affluents c/ Mme Poupinel-Mesnier, n° 86.297.

[47] CAA Nantes 21 février 1996, Entreprise Tinel, Association syndicale des rivières Lillebonne et Notre Dame de Gravechon, n° 93NT00569.

[48] CE 17 janvier 1986, Syndicat intercommunal d’assainissement du Rû de Marivel, n° 48.941.

[49] CE 17 février 1992, M. Vieuille, n° 53.014.

[50] CE 23 janvier 1991, Commune de Vitrolles c/ SA du Motel de Vitrolles, n° 48.498.

[51] R. Chapus, op.cit., § 1220 b).

[52] E. Le Cornec, Les autorités de l’urbanisme face aux risques naturels, AJPI, 10 mars 1999, p. 204.

[53] J. Sironneau, Les responsabilités en matière d’inondations et de réparation des dommages, Droit de l’environnement, novembre 1998 n° 63, p. 18 ; E. Le Cornec, Les autorités de l’urbanisme face aux risques naturels, AJPI, 10 mars 1999, p. 204 ; B Godbillon, L’autorisation de construire et le risque naturel, AJPI, 10 septembre 1999, p. 777 ; G. Derozier, Le juge administratif et la force majeure, LPA, 1996, n° 84, p. 15 ; E. Le Cornec, Les autorités de l’urbanisme face au risque naturel, AJDI 1999, p. 198 ; J.M. Pontier, L’imprévisibilité, RDP 1986 p. 4. Selon cet auteur l’immixtion  de la science dans la prévoyance des risques n’est pas nouvelle comme l’atteste une décision du Conseil d’Etat du 23 janvier 1864, Mary et Devanne, Leb. p. 61(“ eu égard à l’état de la science ”) mais la science connaît ses limites et ne peut tout prévoir.

[54] P. Planchet, Le précédent, moyen d’évaluation du risque naturel, RJE, 198 n°4, p. 485 ; B Godbillon, L’autorisation de construire et le risque naturel, AJPI, 10 septembre 1999, p. 776.

[55] CAA Paris, 11 mars 1993, Société Fideco-Réunion, n° 91PA00859.

[56] CE 25 mai 1990, Abadie et autres, n° 39460 et 39497.

[57] TA Lyon 26 juin 1997, Société Proud et Compagnie Cigna, n° 9204836.

[58] CE 4 avril 1962, Ministre des travaux publics c/ société Chais d’Armagnac, AJDA 1962, p. 592.

[59] CAA Lyon 13 mai 1997, Ballusson et autres, n° 94LY00923.

[60] CE 14 février 1986, syndicat interdépartemental d’assainissement de l’agglomération parisienne, n° 57.265 ; CE 27 janvier 1989, Compagnie d’assurance le Drouot, n° 80.064.

[61] CE 15 février 1895, Ministre des travaux publics c/ Delage et Genet, Leb. p. 156.

[62] CE 20 février 1987, Commune de Marle-sur-Serre, n° 61.630.

[63] CE 22 février 1967, Ville de Royan, Leb. p. 951.

[64] CE 26 juin 1963, Calkus, Leb. p. 401 ; CAA Nantes, 17 mai 1993, M. et Mme Mériadec et Compagnie des eaux et de l’ozone, n° 92NT0025/39.

[65] CAA Lyon 13 mai 1997, M. Balusson et autres, n° 94LY00923.

[66] CE 23 janvier 1981, Commune de Vierzon, n° 13.130, Leb. p. 28.

[67] CE 19 février 1988, Mme Descloîtres, n° 72.528, RDP 1989, p. 546.

[68] CAA Bordeaux, 3 avril 1995, Consorts Boyers et autres, n° 94BX00378.

[69] CE 17 novembre 1905, Syndicat de l’Ile de la Barthelasse c/ Dame Giovanna, Leb. p. 844 ; CE 12 mars 1975, Commune de Boissy-le-Cutte, n° 91.532, Leb. 1030 ; TA Lyon 11 février 1987, Macif et Fonsomacif, CJEG mai 1987, p. 648 ; CAA Nancy 19 mai 1994, Commune de Lachy, n° 93NC00045.

[70] G. Derozier, Le juge administratif et la force majeure : vers une disparition de l’imprévisibilité ?, LPA 12 juillet 1996, n° 84 ; CAA Nancy 19 mai 1994, Commune de Lachy,  n° 93NA00045.

[71] Par exemple parmi de nombreuses décisions : TA Montpellier 13 octobre 1995, M. et Mme Romagnoli, n° 913.315 et CAA Marseille 16 mars 1999, M. Oung, n° 97MA00193.

[72] J.M. Pontier, L’imprévisibilité, RDP 1986, p. 40.

[73] Voir à ce sujet l’article de F. Duval, Dommages causés par des inondations, Annales de la voirie, janvier-février 1999 n° 45, p. 16.

[74] TA Strasbourg 8 novembre 1995, SA Société Seloi et M. Philippe Gourdon c/ Commune de Sainte-Julien-lès-Metz et préfet de la Moselle, n° 91.1508 (les ¾ du dommage sont supportés par la victime) ; BJDU 3/96, p. 217 et I. Cassin, Le contentieux de la responsabilité pour faute en matière d’urbanisme : quels risques financiers pour les collectivités publiques ?, BJDU 4/99, p. 246.

[75] TA Montpellier 26 mars1990, M. Taillade, n° 878.757.

[76] TA Grenoble 23 mai 1997, M.  Gilbert Russier et autres, n° 941.532.

[77] CAA Lyon 9 juillet 1990, Commune de Bourg Saint-Maurice, n° 98LY00734.

[78] CE 19 octobre 1988, Ministre du déploiement industriel et du commerce extérieur, n° 71.248.

[79] CE 22 février 1989, Ministère de l’équipement c/ époux Faure Marguerity, Blanc et Chaldival, n° 82.298 (pour une illustration récente d’une inondation à cause d’une absence de plan d’exposition aux risques).

[80] TA Caen 26 mai 1998, M. Etienne Millet, n° 97.635 ; TA Melun 11 juin 1998, Association il faut agir à Thorigny et ses environs, n° 975.504 (sur le contrôle de légalité des plan de prévention des risques naturels prévisibles).

[81] CAA Paris, 1er décembre 1998, SA Daugeron Caravaning, n° 97PA00535.

[82] I. Cassin, Le contentieux de la responsabilité pour faute en matière d’urbanisme : quels risques financiers pour les collectivités publiques ?, BJDU 4/99, p. 249 et CE 14 mars 1990, Ministre de l’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports  c/ M. Plat, n° 88.591 et 89.273.

[83] CAA Bordeaux, 8 avril 1993, Desfougères, n° 91BX00268 ; TA Montpellier 8 juillet 1994, M. et Mme Sire, n° 931.435 ; TA Montpellier  2 février 1994, Mme Lanier et autre c/ commune de Nîmes et préfet de département du Gard, n° 881.416.

[84] TA Montpellier 27 janvier 1999, M. Jean-Pierre Loisel,  n° 924.120 et 94.724.

[85] CE 10 avril 1974, ville de Cannes c/ société  Institut d'héliothérapie, Leb. p. 232 ; CE 23 janvier 1991, Commune de Vitrolles, n° 48.498 (2/3 à la charge de la victime), CE 16 octobre 1992, Société de transports Gondrand frères, ministre de l’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports, n° 87.285 et 97.390 ; CAA Nancy 6 août 1996, Ministre de l’équipement, des tranports et du tourisme, département des Vosges, n° 94NC01354 ; CE 20 février 1987, Commune de Marle-sur-Serre, n°61630 (2/3 à la charge de la victime) ; CAA Nancy 14 décembre 1995, District de l’agglomération nancéienne n° 94NC00220.

[86] CE 27 novembre 1987, Société provençale d’équipement, n° 38318 ( 2/5ème à la charge de la victime).

[87] CE 14 décembre 1990, Société provençale d’équipement, ministre de l’urbanisme et du logement, n° 46.796.

[88] CE 19 octobre 1988, Ministre du redéploiement industriel et du commerce extérieur, ministre de l’environnement c/ M. et Mme Veillard et autres, n° 71.248.

[89] CE 16 octobre 1992, Société de transports Gondrand frères, ministre de l’équipement, du logement, de l’aménagement du territoire et des transports, n° 87.285 et 97.390.

[90] CE 10 juillet 1996, Meunier, n° 143.487, Droit administratif n° 543 : une personne exposée en connaissance de cause à un risque naturel ne peut réclamer aucune indemnisation.

[91] CE 17 février 1992, M. Vieuille, n° 53.014 : dommage causés par un mur de soutènement sans que soient observées les “ règles de l’art ” (50% des dommages ont à la charge de la victime); CE 17 mai 1991, Consorts Bellavoine, n° 82.202 (50% à la charge de la victime) ; CAA Nancy 19 mai 1994, Commune de Lachy, n° 93NC00045.

[92] Telle qu’énoncée par le Conseil d’Etat : CE 10 juillet 1996, Meunier, n° 143.487, RDP 1997, p.246 conclusion .J.H. Stahl.

[93] Dalloz, informations rapides, p. 67.

[94] Civ. 1re, 4 février 1992, District de Bastia, pourvoi n° 90-19.267 ; arrêt n° 205.

[95] Dalloz 1992, informations rapides p. 42.

[96] Arrêt n°1152 ; pourvoi n° 91-19.891.

[97] Cass. 8 novembre 1995, Commune de Ligueux, n° 1989.

[98] N°510, Dalloz 1993, informations rapides, p. 96.

[99] N° 510.

[100] Cour de cassation, 22 janvier 1997, Commune de Nay-Bourdettes, n° 78.

[101] Civ. 2°, 14 juin 1995, Syndicat intercommunal du Morbras, n° 1095, CD Rom Lamy Cour de cassation.

[102] (Civ.2°, 8 novembre 1990, Groupement forestier de Launoy, n° 432 ; A la suite de fortes pluies, les eaux d'un étang appartenant à un groupement forestier avaient rompu une digue et s’étaient déversées en contrebas, inondant et endommageant notamment des propriétés appartenant à une commune et à plusieurs particuliers. Le juge civil a retenu la responsabilité du groupement forestier. En revanche, il a écarté la responsabilité civile de la commune en tant que propriétaire et gardienne du chemin communal passant sur la digue, de la digue elle-même et de ses accessoires).

[103] Voir Jeannine Hermann, Le juge pénal, juge ordinaire de l'administration ?, Dalloz 1998, Chronique p.195.

[104] Article 111-5 du nouveau code pénal : “ Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. ”

[105] Voir notamment Crim. 3 avril 1996, Dr. Envir. 1996, n° 39, p. 6.

[106] Voir Etude du Conseil d'Etat, La responsabilité pénale des agents publics en cas d'infractions non-intentionnelles, La documentation française, 1996.

[107] Crim., 2 juillet 1998, n° 4117.

[108] Crim., 12 juillet 1967, Bull. crim. n° 320.

[109] JO 14 mai, p. 7211.

[110] CA Grenoble, 12 juin 1996, Dalloz 1999, Sommaires commentés, p. 151.

[111] Crim., 12 juillet 1967, Bull. crim. n° 320.

[112]   CA Grenoble, 12 juin 1996, Dalloz 1999, Sommaires commentés, p. 151.

[113]   Marc Puech, De la mise en danger d'autrui, Dalloz 1994, Chronique p. 153.

[114]  Cass. crim., 25 juin 1996, n°2895.

[115]  Jean Viret, La responsabilité de l'administration et de ses agents à l'épreuve du droit pénal contemporain, AJDA 20/11/1995, p. 763.

[116]  Voir Jeannine Hermann, Le juge pénal, juge ordinaire de l'administration?, Dalloz 1998, Chronique p. 195.

[117]  Mayaud, Mélanges Larguier, PU Grenoble, 1993, p. 203.

[118]  CA Aix-en-Provence, 1er décembre 1997, Tezenas, jurisdata n° 048405.-

[119]  Voir Claude Zambeaux, Entrave aux mesures d’assistance- omission de porter secours, Jurisclasseur pénal, art. 223-5 à 223-7.

[120]  Voir notamment Crim. 3 avril 1996, Dr. Envir. 1996, n° 39, p. 6.

[121] Crim., 2 juillet 1998, n° 4117 : condamnation des agents de Voies navigables de France pour des faits de pollution causée par les boues et sédiments issues d’une opération de curage.

[122] Dominique Guihal, Droit répressif de l'environnement, éd. Economica, 1997, p. 83.

[123] Crim., 2 juillet 1998, n° 4117; “ Mais attendu que (…) la cour d'appel, qui ne pouvait, sans se contredire, affirmer que les prévenus avaient accompli les diligences normales qui leur incombaient, compte tenu des moyens insuffisants dont ils disposaient, alors qu'il résultait de ses constatations que ces derniers, dûment informés des conséquences de la technique utilisée, avaient agi "en connaissance de cause", et ainsi commis une faute professionnelle délibérée (…), n'a pas donné de base légale à sa décision ”.

[124] Crim., 25 octobre 1995, Bull. crim., n° 322.

 

 

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